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14/05/2021 | FRANCE | N°446675

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 14 mai 2021, 446675


Vu la procédure suivante :

Mme N... I..., M. L... U..., Mme P... S..., M. R... J..., M. D... B..., Mme F... G..., M. Q... H..., Mme E... K..., M. O... C..., Mme T... V...-M... et M. A... M... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'enjoindre à Eau de Paris d'assurer à ses frais l'entretien et la réparation des canalisations situées en amont des compteurs individuels des habitations de la Villa Godin à Paris (20ème), de financer les travaux nécessaires au remplacement inté

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Vu la procédure suivante :

Mme N... I..., M. L... U..., Mme P... S..., M. R... J..., M. D... B..., Mme F... G..., M. Q... H..., Mme E... K..., M. O... C..., Mme T... V...-M... et M. A... M... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'enjoindre à Eau de Paris d'assurer à ses frais l'entretien et la réparation des canalisations situées en amont des compteurs individuels des habitations de la Villa Godin à Paris (20ème), de financer les travaux nécessaires au remplacement intégral des réseaux appartenant à Eau de Paris situés sous l'emprise de la Villa Godin dans un délai de quatre mois à compter de la notification de l'ordonnance du tribunal sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard et à ce qu'il soit mis un terme définitif au risque de rupture des réseaux.

Par une ordonnance n° 2008840 du 4 novembre 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 20 novembre et 4 décembre 2020 ainsi que les 5 et 31 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. U... et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à leur demande ;

3°) de mettre à la charge d'Eau de Paris la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Guillaume Leforestier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. U... et autres et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat d'Eau de Paris ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 3 mai 2021, présentée par M. U... et autres ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 3 mai 2021, présentée par Eau de Paris ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés qu'à la suite de divers dommages causés par les fuites de canalisations d'eau potable situées sous la voie privée Villa Godin à Paris (20ème), M. U... et d'autres copropriétaires de cette voie ont, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris d'enjoindre à l'établissement public Eau de Paris de réaliser à ses frais les travaux nécessaires à la réfection de ces canalisations. M. U... et autres se pourvoient en cassation contre l'ordonnance du 4 novembre 2020 par laquelle le juge des référés a rejeté leur demande comme manifestement insusceptible de se rattacher à un litige relevant de la compétence du juge administratif.

2. Aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative ".

3. Aux termes du premier alinéa du I de l'article L. 2224-7 du code général des collectivités territoriales : " Tout service assurant tout ou partie de la production par captage ou pompage, de la protection du point de prélèvement, du traitement, du transport, du stockage et de la distribution d'eau destinée à la consommation humaine est un service d'eau potable ". Aux termes de l'article L. 2224-11 du même code : " Les services publics d'eau et d'assainissement sont financièrement gérés comme des services à caractère industriel et commercial ".

4. Eu égard aux rapports de droit privé nés du contrat d'abonnement qui lie le service public industriel et commercial de distribution d'eau potable à l'usager, il n'appartient qu'à la juridiction judiciaire de connaître des dommages causés à ce dernier à l'occasion de la fourniture de la prestation due par le service alors même que ces dommages trouvent leur origine dans un incident survenu en amont du branchement particulier desservant l'usager.

5. Il suit de là qu'en déclinant la compétence de la juridiction administrative au motif que les canalisations à l'origine des dommages en litige n'étaient pas la propriété d'Eau de Paris et qu'elles n'étaient pas affectées à l'utilité publique, alors qu'il lui incombait de rechercher si les dommages avaient été causés aux usagers à l'occasion de la fourniture de la prestation due par le service, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a commis une erreur de droit. Son ordonnance doit, par suite, être annulée pour ce motif, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

7. Il résulte de l'instruction que les désordres invoqués par les requérants affectent les canalisations situées sous la voie de la Villa Godin, qui ont pour seule fonction de desservir les immeubles riverains de cette voie privée. Les préjudices qui en résultent se rattachent par conséquent à l'exécution des contrats de distribution d'eau potable liant les propriétaires de ces immeubles à Eau de Paris. Il suit de là que le litige relève de la compétence des juridictions judiciaires.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par Eau de Paris et sur les moyens de la demande, que celle-ci doit être rejetée.

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Eau de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge d'Eau de Paris qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris du 4 novembre 2020 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. U... et autres devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par Eau de Paris et par M. U... et autres en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. L... U..., représentant unique, pour l'ensemble des requérants, ainsi qu'à l'établissement public Eau de Paris.


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 446675
Date de la décision : 14/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 14 mai. 2021, n° 446675
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Guillaume Leforestier
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:446675.20210514
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