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11/05/2021 | FRANCE | N°442936

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 11 mai 2021, 442936


Vu la procédure suivante :

L'association Groupe ESA a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'Etat au paiement des intérêts moratoires prévus par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales dont devait, selon elle, être assorti le remboursement de créances de crédit d'impôt recherche au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012 dont elle a bénéficié pour des montants de 841 362 euros, 403 567 euros et 329 308 euros. Par un jugement n° 1509129 du 21 juin 2018, le tribunal administratif de Nantes a condamné l'Etat à verser à l'association Gro

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Vu la procédure suivante :

L'association Groupe ESA a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'Etat au paiement des intérêts moratoires prévus par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales dont devait, selon elle, être assorti le remboursement de créances de crédit d'impôt recherche au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012 dont elle a bénéficié pour des montants de 841 362 euros, 403 567 euros et 329 308 euros. Par un jugement n° 1509129 du 21 juin 2018, le tribunal administratif de Nantes a condamné l'Etat à verser à l'association Groupe ESA, pour un montant de 124 875 euros, les intérêts moratoires dus sur les sommes de 841 362 euros et 403 567 euros à compter respectivement du 30 novembre 2011 et du 30 novembre 2012 et jusqu'au 28 avril 2014 (article 1er), a mis à sa charge une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 2) et a rejeté le surplus de sa demande (article 3).

Par un arrêt n° 18NT03291 du 2 juillet 2020, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par le ministre de l'action et des comptes publics contre ce jugement.

Par un pourvoi, enregistré le 18 août 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hervé Cassagnabère, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de l'association Groupe ESA ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'association Groupe ESA a demandé à l'administration fiscale, respectivement les 30 novembre 2011, 30 novembre 2012 et 29 novembre 2013, le remboursement immédiat de créances de crédit d'impôt recherche dont elle était titulaire à raison de dépenses de recherche engagées au cours des années 2010, 2011 et 2012. L'administration a accueilli ces demandes le 22 avril 2014 et a versé les sommes correspondantes le 28 avril suivant. Le 13 octobre 2014, l'association a demandé que ces remboursements soient assortis, à compter de la date de ses demandes de remboursement, des intérêts moratoires prévus par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales. Le 7 septembre 2015, l'administration a refusé de faire droit à cette demande, procédant seulement au versement de l'intérêt légal. L'association a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat au versement des intérêts moratoires prévus par l'article L. 208 du livre des procédures fiscales. Par un jugement du 21 juin 2018, ce tribunal a condamné l'Etat à assortir les sommes de 841 362 euros et 403 567 euros payées à l'association Groupe ESA en remboursement de ses créances de crédit d'impôt recherche pour les années 2010 et 2011 d'intérêts moratoires sur la période courant, respectivement, du 30 novembre 2011 au 28 avril 2014 et du 30 novembre 2012 au 28 avril 2014 et rejeté le surplus de sa demande. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 2 juillet 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par le ministre de l'action et des comptes publics contre ce jugement, en tant qu'il lui était défavorable.

2. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année ". Aux termes de l'article 220 B du même code : " Le crédit d'impôt pour dépenses de recherche défini à l'article 244 quater B est imputé sur l'impôt sur les sociétés dû par l'entreprise dans les conditions prévues à l'article 199 ter B ". Aux termes du I de l'article 199 ter B de ce code : " Le crédit d'impôt (...) défini à l'article 244 quater B est imputé sur l'impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l'année au cours de laquelle les dépenses de recherche prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt ont été exposées. L'excédent de crédit d'impôt constitue au profit de l'entreprise une créance sur l'Etat d'égal montant. Cette créance est utilisée pour le paiement de l'impôt sur le revenu dû au titre des trois années suivant celle au titre de laquelle elle est constatée puis, s'il y a lieu, la fraction non utilisée est remboursée à l'expiration de cette période. (...) ". Le II du même article prévoit que ces créances sont immédiatement remboursables lorsqu'elles sont constatées par des entreprises appartenant à certaines catégories, définies notamment au regard de leur taille ou de la qualification de jeune entreprise innovante.

3. D'une part, aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire (...) ". Aux termes de l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts ou l'administration des douanes et droits indirects, selon le cas, statue sur les réclamations dans le délai de six mois suivant la date de leur présentation (...) ". Aux termes de l'article R. 199-1 du même code : " L'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur la réclamation, que cette notification soit faite avant ou après l'expiration du délai de six mois prévue à l'article R. 198-10. / Toutefois, le contribuable qui n'a pas reçu de décision de l'administration dans le délai de six mois mentionné au premier alinéa peut saisir le tribunal dès l'expiration de ce délai (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts ".

5. La demande de remboursement d'une créance de crédit d'impôt recherche présentée sur le fondement des dispositions précitées de l'article 199 ter B du code général des impôts constitue une réclamation au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales. Un remboursement accordé par l'administration à la suite de l'admission d'une telle réclamation, qui tend à obtenir le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou règlementaire, n'ouvre pas droit au versement par l'Etat au contribuable d'intérêts moratoires. En revanche, un remboursement de créance de crédit d'impôt recherche qui intervient postérieurement au rejet, explicite ou né du silence gardé par l'administration au-delà du délai de six mois prévu à l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales, de la demande formée à cette fin a le caractère d'un dégrèvement contentieux de même nature que celui prononcé par un tribunal au sens des dispositions précitées de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, et ouvre en conséquence droit au versement d'intérêts moratoires à compter de la date de la demande de remboursement. Dès lors, en jugeant, après avoir relevé qu'ils n'étaient intervenus qu'après un rejet implicite de la réclamation du contribuable, que les remboursements de créances de crédit d'impôt recherche relatives aux années 2010 et 2011 prononcés par l'administration avaient le caractère de dégrèvements contentieux ouvrant droit aux intérêts moratoires de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, la cour n'a ni commis d'erreur de droit ni inexactement qualifié les faits de l'espèce.

6. Il suit de là que le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à l'association Groupe ESA au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à l'association Groupe ESA au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à l'association Groupe ESA.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 442936
Date de la décision : 11/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 11 mai. 2021, n° 442936
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Hervé Cassagnabère
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : SCP MARLANGE, DE LA BURGADE

Origine de la décision
Date de l'import : 13/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:442936.20210511
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