Vu la procédure suivante :
La société Polyanna a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale additionnelle, de taxe de solidarité sur les services, d'impôt sur le revenu des valeurs mobilières, de contribution exceptionnelle de solidarité et de centimes additionnels auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 juin 2011, 31 décembre 2011 et 31 décembre 2012. Par un jugement n° 1600447/1 du 8 mars 2018, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a partiellement fait droit à cette demande.
Par un arrêt n°s 18PA01942, 18PA01944 du 29 janvier 2020, la cour administrative d'appel de Paris, a, sur l'appel du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et de la société Polyanna, d'une part, réduit les cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles la société Polyanna a été assujettie au titre des exercices clos les 30 juin et 31 décembre 2011, l'a déchargée de la contribution sociale additionnelle à l'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre des mêmes exercices, a réduit ses cotisations d'impôt sur le revenu des valeurs mobilières, les suppléments de cotisation exceptionnelle de solidarité et les centimes additionnels mis à sa charge au titre de ces exercices et l'a déchargée des pénalités de 40 % appliquées aux droits résultant de la réintégration, dans ses résultats imposables au titre des exercices clos les 30 juin, 31 décembre 2011 et 31 décembre 2012, des sommes correspondant aux loyers non perçus en contrepartie de la mise à disposition de la SCIE Distribution d'un dock situé dans la zone industrielle Ducos, et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de la société Polyanna.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 avril et 6 juillet 2020 et le 16 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Polyanna demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions ;
2°) de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 99-209 organique du 19 mars 1999 ;
- le code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie ;
- le code des impôts de la Nouvelle-Calédonie ;
- la décision du 2 octobre 2020 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Polyanna ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bruno Delsol, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Polyanna et à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a notamment assujetti la société Polyanna à l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières à raison de la redistribution à laquelle elle a procédé, au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2011, de dividendes perçus de ses filiales au cours de plusieurs exercices antérieurs. La société Polyanna se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 29 janvier 2020 en tant qu'il a rejeté son appel contre le jugement du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie en date du 8 mars 2018 rejetant sa demande de décharge de ces impositions.
2. En premier lieu, l'article 529 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie soumet à l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières les dividendes distribués par les sociétés ayant leur siège social en Nouvelle-Calédonie. Selon son article 545, le montant de l'impôt dû est payé par la société qui verse les dividendes. Aux termes de son article 536, en vigueur à la date des impositions en litige : " Lorsqu'une société par actions ou à responsabilité limitée a reçu, en représentation de versements ou d'apports en nature ou en numéraire par elle faits : / a) à une autre société par actions, des actions ou des obligations nominatives de cette dernière société, / b) à une autre société à responsabilité limitée, des parts d'intérêts de cette dernière société ou des titres de créance, / les dividendes et intérêts distribués par la première société sont, pour chaque exercice, exonérés de l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières, dans la mesure du produit de ces actions, obligations et parts d'intérêts ou titres de créance touché par elle au cours de l'exercice qui ont déjà supporté l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières à condition que ces actions, obligations et parts d'intérêts ou titres de créance soient restés inscrits au nom de la société cédante ( ... ) ". Aux termes de l'article 536 bis du même code, alors en vigueur : " Pour les distributions effectuées à compter du 1er janvier 1993, le bénéfice des dispositions de l'article 536 est transposé de plein droit et sous conditions identiques pour les dividendes issus de participations autres que celles résultant d'apports ou d'augmentations de capital ". Par ailleurs, il résulte des dispositions combinées du premier alinéa de l'article L. 232-12 et du second alinéa de l'article L. 232-13 du code de commerce applicables à la Nouvelle-Calédonie que les bénéfices d'un exercice sont normalement distribués lors de l'exercice suivant dans un délai maximal de neuf mois après sa clôture. Toutefois, le deuxième alinéa de l'article L. 232-12 permet, dans certaines conditions, de distribuer des acomptes sur dividendes avant l'approbation des comptes de l'exercice.
3. Il résulte de la lettre de l'article 536 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, cité au point précédent, que l'exonération d'imposition sur les revenus de valeurs mobilières qu'il institue en faveur des dividendes faisant l'objet d'une redistribution après avoir déjà supporté cette imposition lors de leur distribution initiale ne concerne que les dividendes perçus au cours de l'exercice au titre duquel leur redistribution est décidée, c'est-à-dire ceux qui sont reversés au cours du même exercice lorsque les dispositions du code de commerce le permettent ou au cours de l'exercice suivant selon les modalités de droit commun prévues par le code de commerce. Contrairement à ce que soutient la société requérante, les dispositions ainsi lues de l'article 536, en tout état de cause, ne privent pas d'effet utile le mécanisme d'exonération d'imposition qu'elles instituent en faveur des dividendes faisant l'objet d'une redistribution, pas plus qu'elles n'instaurent de différence de traitement injustifiée entre les dividendes redistribués. Par suite, en retenant cette lecture des dispositions de l'article 536 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit.
4. En second lieu, aux termes du premier alinéa de l'article Lp. 983 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie : " Lorsque le redevable démontre qu'il a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions, circulaires ou réponses publiées au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie à une date antérieure à celle du fait générateur à laquelle se rapportent les impositions litigieuses et qu'elle n'avait pas modifiée au moment des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement d'impositions déjà établies, en soutenant une interprétation différente. " Il résulte de ces dispositions que le bénéfice de la garantie qu'elles instituent n'est applicable qu'aux rehaussements d'impositions déjà établies et ne saurait faire obstacle à l'établissement d'une imposition primitive.
5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la société requérante invoquait, sur le fondement de l'article Lp. 983 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, une réponse de l'administration fiscale n°1251 en date du 30 août 1993 publiée au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie du 23 septembre 1993. Toutefois, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si la société requérante avait déclaré les redistributions auxquelles elle avait procédé au titre des exercices en litige, elle avait estimé qu'elles entraient dans le champ de l'exonération d'imposition instituée par les articles 536 et 536 bis du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, de telle sorte qu'elle n'avait pas été imposée à l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières. Il s'ensuit qu'en jugeant que la remise en cause par l'administration fiscale du bénéfice de ce régime d'exonération avait conduit à l'établissement d'une imposition primitive et en en déduisant que la société n'entrait pas dans le champ d'application de la garantie instituée par l'article Lp. 983 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, la cour n'a commis ni erreur de droit, ni erreur de qualification juridique des faits. Si la cour a mentionné à tort que la société requérante n'avait pas souscrit de déclaration au titre de l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières mentionnant les redistributions en litige, cette erreur est demeurée sans incidence sur l'issue du litige.
6. Enfin, si la société requérante fait valoir qu'elle s'était prévalue du principe de sécurité juridique et que la cour administrative d'appel ne s'est pas prononcée sur ce point, la cour n'était pas tenue, à peine d'irrégularité de son arrêt, de répondre à ce qui n'était qu'un simple argument au soutien de l'invocation du bénéfice de la garantie instituée par l'article Lp. 983 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Polyanna n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris qu'elle attaque.
8. Il a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Polyanna une somme de 3 000 euros à verser à la Nouvelle-Calédonie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la Nouvelle-Calédonie, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Polyanna est rejeté.
Article 2 : La société Polyanna versera une somme de 3 000 euros au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Polyanna et au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.