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22/04/2021 | FRANCE | N°449138

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 22 avril 2021, 449138


L'association Jeanne, à l'appui de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2012, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période correspondant à la même année et des majorations correspondantes, a produit un mémoire, enregistré le 25 novembre 2020 au greffe du tribunal administratif de Paris, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1037 du 7 novembre 1958, par lequel elle soulève une question prioritaire de constitutionnal

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Par un jugement n° 1924004 du 27 janvier 2021, enregistré l...

L'association Jeanne, à l'appui de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2012, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période correspondant à la même année et des majorations correspondantes, a produit un mémoire, enregistré le 25 novembre 2020 au greffe du tribunal administratif de Paris, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1037 du 7 novembre 1958, par lequel elle soulève une question prioritaire de constitutionnalité.

Par un jugement n° 1924004 du 27 janvier 2021, enregistré le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, ce tribunal, avant qu'il soit statué sur la demande de l'association Jeanne, a décidé, par application de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales.

Par la question prioritaire de constitutionnalité transmise, l'association Jeanne soutient que les dispositions de cet article, en tant qu'elles seraient applicables aux partis et groupements politiques, portent atteinte à leur liberté ainsi qu'au principe de participation équitable de ceux-ci à la vie démocratique de la Nation, garantis par l'article 4 de la Constitution.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le livre des procédures fiscales, notamment son article L. 13 ;

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François-René Burnod, auditeur,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables ".

3. Ces dispositions ont pour objet de permettre à l'administration de contrôler la sincérité des déclarations fiscales souscrites par les contribuables astreints à la tenue d'une comptabilité en les comparant avec les écritures comptables ou les pièces justificatives dont elle prend alors connaissance et dont le cas échéant elle peut remettre en cause l'exactitude. L'administration est en droit de faire usage de ces dispositions à l'égard de personnes, telles que les associations constituées en application de la loi du 1er juillet 1901, qui ne sont pas en principe astreintes à la tenue d'une comptabilité, lorsqu'elle dispose d'indices sérieux selon lesquels l'activité qu'elles exercent ou les conditions dans lesquelles elles l'exercent sont susceptibles d'entraîner leur assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée et à l'impôt sur les sociétés et d'exiger de leur part la tenue d'une comptabilité.

4. L'association requérante soutient qu'en n'excluant pas explicitement les partis politiques, qui ne sont pas assujettis à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée, du champ des personnes pouvant faire l'objet d'une vérification de comptabilité, l'article L. 13 du livre des procédures fiscales méconnaîtrait le principe de la liberté des partis et groupements politiques et le principe de la participation équitable de ceux-ci à la vie démocratique de la Nation garantis par l'article 4 de la Constitution.

5. Toutefois, d'une part, ces dispositions ont pour seul objet, ainsi qu'il a été dit au point 3, de permettre le contrôle du respect par les contribuables de leurs obligations déclaratives et n'ont ni pour objet, ni pour effet de régir les conditions d'assujettissement des personnes morales à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée. Elles ne sauraient par suite porter atteinte aux droits et libertés garantis par l'article 4 de la Constitution au motif que leur mise en oeuvre serait susceptible de conduire à l'assujettissement de partis politiques aux impôts commerciaux. D'autre part, l'association requérante n'indique pas en quoi, selon elle, l'engagement et la conduite d'une vérification de comptabilité à l'égard d'un parti politique porteraient par eux-mêmes atteinte à ces mêmes droits et libertés.

6. Il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Par suite, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'association Jeanne.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association Jeanne et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 449138
Date de la décision : 22/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Publications
Proposition de citation : CE, 22 avr. 2021, n° 449138
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jonathan Bosredon
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:449138.20210422
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