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13/04/2021 | FRANCE | N°438610

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 13 avril 2021, 438610


Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n°438610, par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 12 février 2020 et 25 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société " Bus café " demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de la culture sur sa demande du 22 novembre 2019 tendant à l'abrogation des décisions en date du 9 septembre 1987, du 28 juin 1996, du 30 novembre 2001, du 5 janvier 2010 et du 30 novembre 2011 de la commission prévue p

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Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n°438610, par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 12 février 2020 et 25 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société " Bus café " demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de la culture sur sa demande du 22 novembre 2019 tendant à l'abrogation des décisions en date du 9 septembre 1987, du 28 juin 1996, du 30 novembre 2001, du 5 janvier 2010 et du 30 novembre 2011 de la commission prévue par l'article 24 de la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985 codifié à l'article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle ;

2°) de déclarer nulles et non avenues ou, à titre subsidiaire, d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions de la commission ainsi que les articles R. 214-1 et R. 214-2 du code de la propriété intellectuelle, le décret n° 86-537 du 14 mars 1986 et les arrêtés du ministre de la culture du 27 janvier 1987, du 24 septembre 1993, du 2 février 1995, du 22 octobre 2001, du 13 octobre 2008, du 16 février 2009 et du 27 septembre 2011 relatifs à la composition de cette commission ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler pour excès de pouvoir le terme " représentants " mentionné aux deux premiers articles du décret n° 86-537 du 14 mars 1986 et aux articles R. 214-1 et R. 214-2 du code de la propriété intellectuelle, l'article 1er de l'arrêté du ministre de la culture du 27 janvier 1987, l'article 1er de son arrêté du 24 septembre 1993, l'article 2 de son arrêté du 22 octobre 2001, l'article 7 de la décision de la commission du 9 septembre 1987, l'article 1er de la décision de la commission du 30 novembre 2001, les articles 1er et 7 de la décision de la commission du 5 janvier 2010 et les articles 1er et 7 de la décision de la commission du 30 novembre 2011 ;

4°) de constater que la publication au Journal officiel des décisions de la commission constitue une voie de fait ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n°439302 par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 4 mars 2020 et 25 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société " Pantoum " demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de la culture sur sa demande du 2 décembre 2019 tendant à l'abrogation des décisions en date du 9 septembre 1987, du 28 juin 1996, du 30 novembre 2001, du 5 janvier 2010 et du 30 novembre 2011 de la commission prévue par l'article 24 de la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985 codifié à l'article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle ;

2°) de déclarer nulles et non avenues ou, à titre subsidiaire, d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions de la commission ainsi que les articles R. 214-1 et R. 214-2 du code de la propriété intellectuelle, le décret n° 86-537 du 14 mars 1986 et les arrêtés du ministre de la culture du 27 janvier 1987, du 24 septembre 1993, du 2 février 1995, du 22 octobre 2001, du 13 octobre 2008, du 16 février 2009 et du 27 septembre 2011 relatifs à la composition de cette commission ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler pour excès de pouvoir le terme " représentants " mentionné aux deux premiers articles du décret n° 86-537 du 14 mars 1986 et aux articles R. 214-1 et R. 214-2 du code de la propriété intellectuelle, l'article 1er de l'arrêté du ministre de la culture du 27 janvier 1987, l'article 1er de son arrêté du 24 septembre 1993, l'article 2 de son arrêté du 22 octobre 2001, l'article 7 de la décision de la commission du 9 septembre 1987, l'article 1er de la décision de la commission du 30 novembre 2001, les articles 1er et 7 de la décision de la commission du 5 janvier 2010 et les articles 1er et 7 de la décision de la commission du 30 novembre 2011 ;

4°) de constater que la publication au Journal officiel des décisions de la commission constitue une voie de fait ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

3° Sous le n°440632 par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 14 mai 2020 et 25 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société " Chez Raspoutine " demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de la culture sur sa demande du 4 décembre 2019 tendant à l'abrogation des décisions en date du 9 septembre 1987, du 28 juin 1996, du 30 novembre 2001, du 5 janvier 2010 et du 30 novembre 2011 de la commission prévue par l'article 24 de la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985 codifié à l'article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle ;

2°) de déclarer nulles et non avenues ou, à titre subsidiaire, d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions de la commission ainsi que les articles R. 214-1 et R. 214-2 du code de la propriété intellectuelle, le décret n°86-537 du 14 mars 1986 et les arrêtés du ministre de la culture du 27 janvier 1987, du 24 septembre 1993, du 2 février 1995, du 22 octobre 2001, du 13 octobre 2008, du 16 février 2009 et du 27 septembre 2011 relatifs à la composition de cette commission ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler pour excès de pouvoir le terme " représentants " mentionné aux deux premiers articles du décret n° 86-537 du 14 mars 1986 et aux articles R. 214-1 et R. 214-2 du code de la propriété intellectuelle, l'article 2 de l'arrêté du ministre de la culture du 22 octobre 2001, l'article 7 de la décision de la commission du 9 septembre 1987, l'article 1er de la décision de la commission du 30 novembre 2001, les articles 1er et 7 de la décision de la commission du 5 janvier 2010 et les articles 1er et 7 de la décision de la commission du 30 novembre 2011 ;

4°) de constater que la publication au Journal officiel des décisions de la commission constitue une voie de fait ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention internationale sur la protection des artistes interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion du 26 octobre 1961 ;

- le code pénal ;

- le code de la propriété intellectuelle ;

- la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985 ;

- le décret n° 86-537 du 14 mars 1986 ;

- l'arrêté du ministre de la culture du 27 janvier 1987 fixant la composition de la commission prévue à l'article 24 de la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985 ;

- l'arrêté du ministre de la culture du 22 octobre 2001 portant composition de la commission prévue à l'article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle ;

- l'arrêté du ministre de la culture du 13 octobre 2008 portant nomination du président de la commission prévue à l'article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle ;

- l'arrêté du ministre de la culture du 16 février 2009 portant composition de la commission prévue à l'article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle ;

- l'arrêté du ministre de la culture du 27 septembre 2011 portant nomination du président de la commission prévue à l'article L.214-4 du code de la propriété intellectuelle ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dominique Agniau-Canel, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

et après en avoir délibéré hors de la présence du rapporteur public ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 2 avril 2021, présentée par les sociétés " Bus café ", " Pantoum " et " Chez Raspoutine " ;

Considérant ce qui suit :

1. En vertu des dispositions de la loi du 3 juillet 1985 modifiée relative aux droits d'auteur et aux droits des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle, codifiées désormais aux articles L. 213-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle, les artistes-interprètes et producteurs de phonogrammes bénéficient du droit exclusif d'autoriser ou d'interdire la reproduction, la mise à disposition du public et la communication au public de leurs phonogrammes. Par exception, l'article 22 de la loi du 3 juillet 1985, codifié à l'article L. 214-1, a instauré un régime de licence légale prévoyant que lorsqu'un phonogramme a été publié à des fins de commerce, l'artiste-interprète et le producteur ne peuvent s'opposer à sa diffusion dans un lieu public, " dès lors qu'il n'est pas utilisé dans un spectacle ". En contrepartie, ces utilisations ouvrent droit au profit des artistes-interprètes et aux producteurs à une rémunération équitable, versée par les personnes qui utilisent les phonogrammes publiés à des fins de commerce.

2. Aux termes de l'article L. 214-3 du code de la propriété intellectuelle, issu de l'article 23 de la loi du 3 juillet 1985 : " Le barème de rémunération et les modalités de versement de la rémunération sont établis par des accords spécifiques à chaque branche d'activité entre les organisations représentatives des artistes interprètes, des producteurs de phonogrammes et des personnes utilisant les phonogrammes (...)./ Ces accords doivent préciser les modalités selon lesquelles les personnes utilisant les phonogrammes dans ces mêmes conditions s'acquittent de leur obligation de fournir aux organismes de gestion collective le programme exact des utilisations auxquelles elles procèdent et tous les éléments documentaires indispensables à la répartition des droits (...) ". Aux termes de l'article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle, issu de l'article 24 de la loi du 3 juillet 1985 : " A défaut d'accord (...), le barème de rémunération et les modalités de versement de la rémunération sont arrêtés par une commission (...) composée (...) en nombre égal, d'une part, de membres désignés par les organisations représentant les bénéficiaires du droit à rémunération, d'autre part, de membres désignés par les organisations représentant les personnes qui, dans la branche d'activité concernée, utilisent les phonogrammes (...). / Les organisations appelées à désigner les membres de la commission ainsi que le nombre de personnes que chacune est appelée à désigner sont déterminés par arrêté du ministre chargé de la culture (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 214-5 du code de la propriété intellectuelle, issu de l'article 25 de la loi du 3 juillet 1985, la rémunération due par les personnes qui utilisent les phonogrammes publiés à des fins de commerce " est perçue pour le compte des ayants droit et répartie entre ceux-ci par un ou plusieurs organismes ", constitués en sociétés de perception et de répartition des droits des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes.

3. Les requêtes des sociétés " Bus café ", " Pantoum " et " Chez Raspoutine " sont dirigées contre les mêmes décisions, notamment les décisions réglementaires du 9 septembre 1987, du 28 juin 1996, du 30 novembre 2001, du 5 janvier 2010 et du 30 novembre 2011 prises par la commission prévue par l'article 24 de la loi du 3 juillet 1985 précédemment mentionné. Il y a lieu de joindre ces trois requêtes pour statuer par une seule décision.

4. En premier lieu, si les sociétés " Bus café ", " Pantoum " et " Chez Raspoutine " soutiennent que les articles 1er et 2 du décret du 14 mars 1986 pris pour l'application de l'article 24 de la loi du 3 juillet 1985, codifiés aux articles R. 214-1 et R. 214-2 du code de la propriété intellectuelle, les arrêtés du ministre de la culture du 27 janvier 1987, du 24 septembre 1993, du 2 février 1995, du 22 octobre 2001, du 13 octobre 2008, du 16 février 2009 et du 27 septembre 2011 relatifs à la composition de la commission prévue à l'article 24 de la loi du 3 juillet 1985, ainsi que les cinq décisions de cette commission qu'elles contestent, seraient des actes inexistants susceptibles d'être déclarés nuls et non avenus à toute époque, ces différents actes émanent d'autorités régulièrement investies et sont intervenus sur le fondement et pour l'application des dispositions des articles 23 et 24 de la loi du 3 juillet 1985 qui, contrairement à ce qui est soutenu, étaient entrées en vigueur à la date de leur intervention. Ces différents actes administratifs ne sauraient, par suite, être regardés comme des actes inexistants dont le juge administratif pourrait constater la nullité sans condition de délai. Leur publication au Journal officiel ne peut, par ailleurs et en tout état de cause, être regardée comme constitutive d'une voie de fait. Les conclusions des requêtes dirigées directement contre ces actes, qui doivent être regardées comme tendant à leur annulation pour excès de pouvoir, ont été présentées après l'expiration du délai de recours contentieux et ne sont, en conséquence, pas recevables.

5. En deuxième lieu, après l'expiration du délai de recours contentieux, la contestation de la légalité d'un acte réglementaire peut être formée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure prise pour application de celui-ci ou dont il constitue la base légale. Elle peut aussi prendre la forme d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision refusant d'abroger l'acte réglementaire, comme l'exprime l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration aux termes duquel : " L'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé (...) ". Si, dans le cadre de ces deux contestations, la légalité des règles fixées par l'acte réglementaire, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux.

6. Si les sociétés requérantes ont adressé au ministre de la culture une demande tendant à l'abrogation des cinq décisions de la commission mentionnées au point 3 et si ces demandes sont réputées avoir été transmises à la commission, dont le silence gardé pendant plus de deux mois a fait naître des décisions de refus, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que les requérantes ne peuvent utilement invoquer, à l'appui de leurs conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir des refus d'abroger, des moyens relatifs à la régularité de la désignation des membres de la commission, à leur convocation aux séances ou à la publication de l'arrêté du ministre de la culture du 13 octobre 2008 désignant le président de cette commission.

7. En troisième lieu, il résulte des dispositions des articles 23 et 24 de la loi du 3 juillet 1985, codifiées au code de la propriété intellectuelle et citées au point 2, que les représentants des usagers de phonogrammes publiés à des fins de commerce et les représentants des bénéficiaires du droit à rémunération peuvent définir par accord le barème et les modalités de versement de la rémunération. En l'absence d'accord, c'est la commission paritaire prévue à l'article 24 de la loi du 3 juillet 1985, codifié à l'article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle, qui détermine ces éléments. Cette commission est à ce titre compétente pour déterminer les modalités selon lesquelles les usagers de phonogrammes publiés à des fins de commerce s'acquittent de leur obligation de fournir aux sociétés de perception et de répartition des droits les éléments documentaires indispensables à la collecte et à la répartition des droits et pouvait pour ce faire renvoyer aux usages de la profession ou à des accords particuliers. Par suite, en précisant, à l'article 7 de sa décision du 9 septembre 1987 repris à l'article 5 de sa décision du 30 novembre 2001 et à l'article 7 de sa décision du 5 janvier 2010, les modalités du recueil des informations nécessaires au calcul de cette rémunération par la société pour la rémunération équitable de la communication au public des phonogrammes du commerce (SPRE), la commission n'a pas excédé sa compétence ni méconnu les dispositions des articles L. 214-3 à L. 214-5 du code de la propriété intellectuelle.

8. En quatrième lieu, si les sociétés requérantes soutiennent que les décisions de la commission qu'elles contestent seraient constitutives d'une prise illégale d'intérêt ou traduirait la commission du délit de favoritisme en autorisant la SPRE ou toute société de perception et de répartition des droits mandatée par elle à collecter des droits et recueillir les éléments documentaires indispensables à la collecte et à la répartition des droits, sans procédure de publicité préalable ni mise en concurrence et alors que des représentants de la SPRE siègent en son sein, il résulte des dispositions citées au point 2 que le législateur a entendu que la commission soit composée en nombre égal de membres désignés par les organisations représentant les bénéficiaires du droit à rémunération et de membres désignés par les organisations représentant les personnes utilisant les phonogrammes et que la perception de la rémunération pour le compte des ayants droit ainsi que sa répartition entre eux puisse être confiée à une société de perception et de répartition des droits des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes. Il s'ensuit que les décisions contestées ne sauraient être regardées comme méconnaissant les dispositions de l'article 432-12 du code pénal. Par ailleurs, eu égard à leur objet, les décisions contestées, qui précisent les modalités de calcul et de perception de la rémunération équitable due par les personnes qui utilisent les phonogrammes publiés à des fins de commerce, ne relèvent pas du champ de l'article 432-14 du code pénal. Dès lors, les moyens tirés de ce que les décisions contestées seraient illégales à raison d'une méconnaissance des règles du code pénal ou des exigences de mise en concurrence ne peuvent, en tout état de cause, qu'être écartés.

9. En cinquième lieu, le barème de rémunération auquel sont assujettis, en application de l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle, les établissements exerçant une activité de cafés et restaurants qui diffusent une musique de sonorisation constituant une composante accessoire à leur activité commerciale est déterminé de façon forfaitaire selon les dispositions de l'article 1er de la décision du 30 novembre 2011 qui a remplacé l'article 1er de la décision du 5 janvier 2010. Contrairement à ce que soutiennent les sociétés requérantes, ce barème forfaitaire, distinct de celui, assis sur les recettes d'exploitation, prévu à l'article 2 de la décision du 5 janvier 2010 pour les bars et restaurants à ambiance musicale pour lesquels la diffusion de musique constitue une composante essentielle de l'activité commerciale, tient compte de la spécificité des cafés et restaurants pour lesquels la diffusion de phonogrammes n'est qu'une composante accessoire, voire dans certains cas marginale, de leur activité. Si les sociétés requérantes font valoir que ce barème ne tient pas compte de la part des phonogrammes publiés dans la musique diffusée, l'absence de possibilité de modulation du forfait prévu, dont le barème s'échelonne entre 90 euros et 759 euros par an, ne méconnait pas l'article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle ni, en tout état de cause, les stipulations de l'article 3 de la convention internationale sur la protection des artistes interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion du 26 octobre 1961, ratifiée par la France le 3 avril 1987, d'après lesquelles la publication est entendue comme la " mise à disposition du public d'exemplaires d'un phonogramme en quantité suffisante ". Dans l'hypothèse où la musique de sonorisation diffusée procèderait exclusivement de techniques ou supports ne recourant pas à un phonogramme publié, l'établissement concerné ne serait pas redevable de la rémunération équitable. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'illégalité du caractère forfaitaire du barème prévu pour les cafés et restaurants diffusant une musique de sonorisation ne peut qu'être écarté.

10. En dernier lieu, s'agissant de l'assiette de la rémunération due par les discothèques et établissements similaires, les sociétés requérantes soutiennent que l'article 1er de la décision du 30 novembre 2001, qui dispose que cette assiette comprend l'ensemble des recettes provenant des entrées et de la vente de produits de consommation ou de restauration, serait insuffisamment précis et conduirait à un mode de facturation ne tenant pas compte de la réalité de l'utilisation de phonogrammes publiés ni de l'importance de leur diffusion dans l'activité des établissements et caractérisant ainsi un abus de position dominante. Toutefois, les établissements considérés comme similaires aux discothèques sont ceux qui, quelle que soit leur dénomination, ont à l'instar de ces dernières comme activité principale " l'exploitation d'une piste de danse " selon les termes de l'article L. 314-1 du code de tourisme. Par ailleurs, s'agissant de la prise en compte des particularités de ces établissements et des discothèques auxquelles ils sont assimilés, l'identification d'une catégorie qui leur est propre pour le calcul de la rémunération équitable vise à tenir compte de l'importance de la diffusion de musique dans leur activité. Pour chacun d'entre eux, la particularité de leur activité peut être prise en compte, sous le contrôle du juge judiciaire, pour, le cas échéant, exclure de l'assiette de la rémunération équitable les recettes qui ne sont pas produites par l'exploitation d'une piste de danse ou qui, dans le cadre de cette exploitation, ne sont pas liées à la diffusion de phonogrammes publiés. Par suite, les moyens soulevés à l'encontre de l'article 1er de la décision du 30 novembre 2001 ne peuvent qu'être écartés.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les requêtes des sociétés " Bus café ", " Pantoum " et " Chez Raspoutine " doivent être rejetées, y compris leurs conclusions présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Les requêtes des sociétés " Bus café ", " Pantoum " et " Chez Raspoutine " sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée aux sociétés " Bus café ", " Pantoum " et " Chez Raspotine ", à la commission prévue par l'article L. 214-4 du code de la propriété intellectuelle et à la ministre de la culture.

Copie en sera adressée à la société pour la rémunération équitable de la communication au public des phonogrammes du commerce (SPRE).


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 438610
Date de la décision : 13/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 avr. 2021, n° 438610
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Dominique Agniau-Canel
Rapporteur public ?: M. Alexandre Lallet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:438610.20210413
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