Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 19 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat des personnels des administrations centrales économiques et financières franciliennes (SPACEFF-CFDT) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 2020-013216 du 10 septembre 2020 du directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) relative aux modalités de reprise du travail sur les différents sites de l'INPI a` compter du 14 septembre 2020 ;
2°) de mettre à la charge de l'INPI la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- le code de la propriété intellectuelle ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 24 mars 2021, présentée par l'INPI ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexis Goin, auditeur,
- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat du syndicat SPACEFF-CFDT et à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de l'institut national de la propriété industrielle ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 10 septembre 2020, le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) a, à la suite de ses mesures antérieurement prises en réponse à l'épidémie de covid-19, arrêté les modalités et conditions de reprise du travail sur les différents sites de cet établissement à compter du 14 septembre 2020.
2. Aux termes de l'article 57 du décret du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique : " Le comité est consulté : / 1° Sur les projets d'aménagement importants modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail ; (...) ". Selon son article 60 : " Le comité est consulté sur la teneur de tous documents se rattachant à sa mission, et notamment des règlements et des consignes que l'administration envisage d'adopter en matière de santé et de sécurité. ". Aux termes de son article 72 : " Seuls les représentants du personnel titulaires participent au vote. Les suppléants n'ont voix délibérative qu'en l'absence des titulaires qu'ils remplacent. / Les représentants de l'administration, le médecin du travail, l'assistant ou le conseiller de prévention et l'inspecteur santé et sécurité au travail ainsi que les experts ne participent pas au vote. / Les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail émettent leur avis à la majorité des présents. Le vote a lieu à main levée. Les abstentions sont admises. En cas de partage égal des voix, l'avis est réputé avoir été donné ou la proposition formulée. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que l'administration a convoqué les membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'INPI à une réunion, le 4 septembre 2020, pour consulter ce comité sur le projet de décision mentionné au point 1, ainsi que le lui imposaient les dispositions du décret du 28 mai 1982 précitées. Les représentants du personnel ayant refusé de participer à cette réunion, une nouvelle convocation leur a été envoyée, pour une réunion le 9 septembre 2020, à laquelle ils ont assisté. Toutefois, la séance a été interrompue par le départ des représentants de l'administration, alors que le projet n'avait pas été mis au vote et que les représentants du personnel qui siégeaient ne pouvaient être regardés ni comme ayant manifesté, au début de la réunion, leur refus d'examiner le texte ni comme ayant, au moment où la séance a été levée, exprimé leur avis définitif à son propos. Dans ces conditions, le comité, dont les représentants élus n'ont pas refusé de se prononcer sur le projet qui leur était soumis, ne peut être regardé comme ayant été effectivement consulté.
4. L'absence de consultation de ce comité, qui a privé les agents concernés d'une garantie qui découle du principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail consacré par le huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, a constitué une irrégularité de nature à entacher la légalité de la décision contestée. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, le SPACEFF-CFDT est fondé à en demander l'annulation pour excès de pouvoir.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'INPI la somme de 3 000 euros à verser au SPACEFF-CFDT, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, les dispositions de cet article font obstacle à ce que la somme demandée par l'INPI soit mise à la charge de ce syndicat, qui n'est
D E C I D E :
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Article 1er : La décision n° 2020-013216 du 10 septembre 2020 du directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) relative aux modalités de reprise du travail sur les différents sites de l'INPI a` compter du 14 septembre 2020 est annulée.
Article 2 : L'INPI versera la somme de 3 000 euros au SPACEFF-CFDT au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ses conclusions présentées sur le même fondement sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au syndicat des personnels des administrations centrales économiques et financières franciliennes (SPACEFF-CFDT) et à l'Institut national de la propriété industrielle.
Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la relance.