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30/03/2021 | FRANCE | N°450069

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 30 mars 2021, 450069


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des nouveaux mémoires, enregistrés le 23 février et les 8 et 23 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat Alliance Plasturgie et Composites du Futur Plastalliance demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) à titre principal, d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en date du 18 décembre 2020 en tant qu'il porte extension de l'avenant

n°2 du 28 mai 2020 à l'accord du 25 mars 2015 relatif à la formation prof...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des nouveaux mémoires, enregistrés le 23 février et les 8 et 23 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat Alliance Plasturgie et Composites du Futur Plastalliance demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) à titre principal, d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en date du 18 décembre 2020 en tant qu'il porte extension de l'avenant n°2 du 28 mai 2020 à l'accord du 25 mars 2015 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et de l'avenant du 2 juillet 2020 relatif aux indemnités de licenciement et de retraite ;

2°) à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de cet arrêté dans son intégralité ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- la condition d'urgence est satisfaite en ce qui concerne l'extension de l'avenant du 28 mai 2020 qui reconduit pour trois ans une contribution conventionnelle supplémentaire correspondant à un montant de 0,15 % de la masse salariale brute des entreprises de onze salariés ou plus de la branche dans un contexte menaçant pour la filière du fait des conséquences économiques de l'épidémie de covid-19 et qui, ce faisant, cause un préjudice suffisamment grave et immédiat aux entreprises de la branche dont il entend défendre les intérêts ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté en tant qu'il porte extension de l'avenant n°2 du 28 mai 2020 à l'accord du 25 mars 2015 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie ;

- il est entaché d'erreurs de droit et d'appréciation en ce qu'il étend les stipulations reconduisant la contribution conventionnelle supplémentaire pour trois années en méconnaissance de l'objectif à valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme ainsi que des dispositions de l'article L. 6332-1-2 du code du travail dès lors que, en premier lieu, ce ne sont plus les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) mais les opérateurs de compétences agréés (OPCO 21) qui sont compétents pour collecter cette contribution, en deuxième lieu, il n'existe aucun accord professionnel national dans le domaine de la plasturgie autorisant le versement de cette contribution à l'OPCO 21, en dernier lieu, cette contribution excède le champ d'application légalement prévu ;

- il est entaché d'erreurs de droit et d'appréciation en ce qu'il porte extension des stipulations prévoyant une clause dite de " revoyure " dont la durée n'est pas définie, en méconnaissance de l'objectif à valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme et des dispositions de l'article L. 2222-5 du code du travail ;

- la condition d'urgence est remplie s'agissant de l'extension de l'avenant du 2 juillet 2020 qui, face à une situation dégradée du fait de l'épidémie de covid-19, fait brutalement peser des obligations nettement plus lourdes en matière d'indemnités de licenciement et de retraite, ainsi que de rupture conventionnelle, que celles qui résultaient de l'application des dispositions du code du travail et de l'avenant dénoncé du 25 octobre 2018 ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté en tant qu'il porte extension de l'avenant du 2 juillet 2020 relatif aux indemnités de licenciement et de retraite ;

- il a été édicté à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion n'a pas, malgré sa demande en ce sens, saisi préalablement pour avis le groupe d'experts chargé d'apprécier les effets économiques et sociaux susceptibles de résulter de l'extension d'accords ou de conventions de branche conformément aux dispositions de l'article L. 2261-27-1 du code du travail ;

- il est entaché d'erreurs de droit dès lors que, d'une part, il étend un avenant qui se trouve privé d'effet en se substituant à des stipulations conventionnelles qui n'existent plus et, par conséquent, ne constitue pas un avenant de révision valable au sens des articles L. 2261-7 et L. 2261-8 du code du travail, et, d'autre part, l'avenant ne contient aucune disposition spécifique pour les entreprises de moins de cinquante salariés sans apporter de justification valable à ce sujet, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 2261-23-1 du code du travail.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mars 2021, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête. Elle soutient que l'arrêté litigieux est divisible, que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens soulevés par l'organisation requérante ne sont pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité des actes attaqués.

La requête a été communiquée à la Fédération de la plasturgie et des composites, à la Fédération nationale du personnel d'encadrement de la chimie CFE-CGC, à la Fédération nationale de la chimie CGT-FO et à la Fédération chimie-énergie CFDT qui n'ont pas produit d'observations.

Par un nouveau mémoire, enregistré le 24 mars 2021, le syndicat Alliance Plasturgie et Composites du Futur Plastalliance reprend les conclusions et moyens de ses précédents mémoires et soutient en outre, au titre de l'urgence, que les sommes collectées tous les ans pour la contribution conventionnelle supplémentaire ne sont pas négligeables et seront définitivement perdues si une annulation intervient pour l'avenir seulement, sans suspension préalable, et, au titre des moyens de nature à créer un doute sérieux, que l'absence de saisine du groupe d'experts, qui était pourtant obligatoire, l'a privé d'une garantie essentielle.

Par un nouveau mémoire, enregistré le 24 mars 2021, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion reprend les conclusions et moyens de son précédent mémoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- l'arrêté du 14 mai 1962 et les arrêtés successifs portant extension de la convention nationale de la plasturgie du 1er juillet 1960 et des textes qui l'ont modifiée ou complétée ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le syndicat Alliance Plasturgie et Composites du Futur Plastalliance et d'autre part, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, la Fédération de la plasturgie et des composites, la Fédération nationale du personnel d'encadrement de la chimie CFE-CGC, la Fédération nationale de la chimie CGT-FO et la Fédération chimie-énergie CFDT ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 23 mars 2021, à 14 heures 30 :

- Me Gatineau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du syndicat Alliance Plasturgie et Composites du Futur Plastalliance ;

- les représentants de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au mercredi 24 mars 2021 à 16 heures.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. ".

2. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

3. Par un arrêté du 18 décembre 2020, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, a rendu obligatoires, pour tous les employeurs et tous les salariés compris dans le champ d'application de la convention nationale de la plasturgie du 1er juillet 1960, les stipulations d'avenants et d'accords conclus dans le cadre de cette convention. Le syndicat Alliance Plasturgie et Composites du Futur Plastalliance en demande la suspension de l'exécution en tant qu'il porte extension, d'une part, de l'avenant n°2 du 28 mai 2020 à l'accord du 25 mars 2015 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et, d'autre part, de l'avenant du 2 juillet 2020 relatif aux indemnités de licenciement et de retraite, ces dispositions de l'arrêté étant divisibles entre elles ainsi que des autres dispositions de l'arrêté, notamment de celles concernant l'extension de l'accord du 28 mai 2020 relatif aux salaires.

4. En premier lieu, pour justifier de l'urgence qui s'attacherait à la suspension de l'exécution de cet arrêté en tant qu'il étend l'avenant n°2 du 28 mai 2020 à l'accord du 25 mars 2015 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie, l'organisation requérante soutient que la contribution conventionnelle mise à la charge des entreprises de la branche pour les années 2021 à 2023 serait de nature à préjudicier gravement à celles-ci alors que l'extension intervient dans un contexte dégradé pour le marché de la plasturgie du fait des conséquences économiques de l'épidémie de covid-19. Toutefois, l'avenant dont l'extension est contestée se borne à reconduire pour trois nouvelles années une contribution conventionnelle collectée depuis 2015 et dont le montant annuel s'élève à seulement 0,15% de la masse salariale brute des entreprises de onze salariés ou plus de la branche. Il ne ressort pas des éléments versés au dossier, ni de ceux échangés à l'audience, que la mise en oeuvre de cette obligation conventionnelle aurait été à l'origine de difficultés financières pour les entreprises du secteur. Si l'organisation requérante fait valoir le contexte particulier dû à la crise sanitaire et ses incidences économiques, notamment en raison de tensions sur les matières premières, elle ne justifie pas des impacts en termes d'activité et de résultat sur la période d'application de l'avenant étendu ni d'une atteinte suffisamment grave à la situation financière des entreprises qui résulterait de la seule reconduction de la contribution destinée à accompagner la politique de formation de la branche.

5. En deuxième lieu, au titre de l'urgence à suspendre l'arrêté litigieux en tant qu'il porte extension de l'avenant du 2 juillet 2020 relatif aux indemnités de licenciement et de retraite, l'organisation requérante se borne à faire valoir les surcoûts brutaux résultant de la mise en oeuvre de cet avenant étendu par rapport tant à l'application des règles issues du code du travail qu'à celle de l'avenant non étendu du 25 octobre 2018 et dénoncé en avril 2019, dans un contexte dégradé du fait de l'épidémie de covid-19. Toutefois, il ressort des éléments échangés, notamment à l'audience, que les surcoûts allégués sont très variables selon les indemnités et catégories d'emploi, étant plus particulièrement prononcés pour les indemnités de départ à la retraite. Par ailleurs et surtout, la seule invocation des surcoûts par salarié ne permet pas de justifier de l'ampleur de ces surcoûts à l'échelle des entreprises concernées ni de l'impact susceptible de résulter de l'extension de l'avenant sur la situation financière de la branche, y compris au regard du contexte épidémique actuel, dans des conditions caractérisant une atteinte grave et immédiate aux intérêts du secteur représenté.

6. Enfin, si l'organisation requérante soutient que la suspension de l'exécution de l'arrêté litigieux permettrait de prévenir les conséquences qu'entraînerait l'annulation de cet arrêté en cas de modulation de ses effets dans le temps, une telle considération ne saurait caractériser une situation d'urgence au sens des dispositions citées au point 1.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la condition d'urgence prévue à l'article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut être regardée comme remplie. Par suite et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence de moyens propres à créer un doute sérieux quant à la légalité des dispositions contestées, la requête du syndicat Alliance Plasturgie et Composites du Futur Plastalliance ne peut être accueillie, y compris les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête du syndicat Alliance Plasturgie et Composites du Futur Plastalliance est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au Syndicat Alliance Plasturgie et Composites et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Copie en sera adressée à la Fédération de la plasturgie et des composites, à la Fédération chimie-énergie CFDT, à la Fédération nationale du personnel d'encadrement de la chimie CFE-CGC et à la Fédération nationale de la chimie CGT-FO.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 450069
Date de la décision : 30/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 mar. 2021, n° 450069
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:450069.20210330
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