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12/03/2021 | FRANCE | N°445425

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 12 mars 2021, 445425


Vu la procédure suivante :

M. F... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 pour l'élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Saint-Germain-au-Mont-d'Or (Rhône). Par un jugement n° 2002277 du 21 septembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa protestation.

Par une requête enregistrée le 16 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire dr

oit à sa protestation.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;...

Vu la procédure suivante :

M. F... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 pour l'élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Saint-Germain-au-Mont-d'Or (Rhône). Par un jugement n° 2002277 du 21 septembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa protestation.

Par une requête enregistrée le 16 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à sa protestation.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code de l'éducation ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Lionel Ferreira, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme C... B..., rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. D... relève appel du jugement du 21 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa protestation tendant à l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 pour l'élection des conseillers municipaux de la commune de Saint-Germain-au-Mont-d'Or (Rhône) à l'issue desquelles la liste conduite par Mme G... a recueilli 452 voix, soit 54,58 % des suffrages exprimés, et la liste conduite par le requérant, maire sortant, 376 voix, soit 45,41 % des suffrages exprimés.

Sur l'intervention de Mme A... :

2. Mme A... était candidate aux élections. Par suite, son intervention est recevable.

Sur les effets de la crise sanitaire sur la sincérité du scrutin :

3. D'une part, l'émergence d'un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou covid-19 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d'urgence de santé publique de portée internationale par l'Organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11 mars 2020. La propagation du virus sur le territoire français a conduit le ministre des solidarités et de la santé à prendre, à compter du 4 mars 2020, des mesures de plus en plus strictes destinées à réduire les risques de contagion. Dans ce contexte, le Premier ministre a adressé à l'ensemble des maires le 7 mars 2020 une lettre présentant les mesures destinées à assurer le bon déroulement des élections municipales et communautaires prévues les 15 et 22 mars 2020. Ces mesures ont été précisées par une circulaire du ministre de l'intérieur du 9 mars 2020 relative à l'organisation des élections municipales des 15 et 22 mars 2020 en situation d'épidémie de coronavirus covid-19, formulant des recommandations relatives à l'aménagement des bureaux de vote et au respect des consignes sanitaires, et par une instruction de ce ministre, du même jour, destinée à faciliter l'exercice du droit de vote par procuration. Après consultation par le Gouvernement du conseil scientifique mis en place pour lui donner les informations scientifiques utiles à l'adoption des mesures nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19, les 12 et 14 mars 2020, le premier tour des élections municipales a eu lieu comme prévu le 15 mars 2020.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 262 du code électoral, applicable aux communes de mille habitants et plus : " Au premier tour de scrutin, il est attribué à la liste qui a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés un nombre de sièges égal à la moitié du nombre des sièges à pourvoir, arrondi, le cas échéant, à l'entier supérieur lorsqu'il y a plus de quatre sièges à pourvoir et à l'entier inférieur lorsqu'il y a moins de quatre sièges à pourvoir. Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sous réserve de l'application des dispositions du troisième alinéa ci-après. / Si aucune liste n'a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour, il est procédé à un deuxième tour (...) ".

5. Ni par ces dispositions, ni par celles de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, le législateur n'a subordonné à un taux de participation minimal la répartition des sièges au conseil municipal dans les communes de mille habitants et plus lorsqu'une liste a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés à l'issue du premier tour de scrutin. Le niveau de l'abstention n'est ainsi, par lui-même, pas de nature à remettre en cause les résultats du scrutin, s'il n'a pas altéré, dans les circonstances de l'espèce, sa sincérité.

6. En premier lieu, si M. D... soutient que l'abstention qui serait due à l'application du principe de précaution par les électeurs, a été particulièrement marquée dans les classes d'âge d'électeurs favorables à sa liste et s'il produit un certain nombre d'attestations d'électeurs selon lesquelles ils se seraient abstenus de voter en raison du contexte sanitaire, il n'invoque aucune autre circonstance relative au déroulement de la campagne électorale ou du scrutin dans la commune qui montrerait, en particulier, qu'il aurait été porté atteinte au libre exercice du droit de vote ou à l'égalité entre les candidats. Dans ces conditions, le niveau de l'abstention constatée ne peut être regardé comme ayant altéré la sincérité du scrutin.

Sur la propagande électorale :

7. Aux termes de l'article L. 51 du code électoral, dans sa rédaction applicable au litige : " Pendant la durée de la période électorale, dans chaque commune, des emplacements spéciaux sont réservés par l'autorité municipale pour l'apposition des affiches électorales. / Dans chacun de ces emplacements, une surface égale est attribuée à chaque candidat, chaque binôme de candidats ou à chaque liste de candidats. / Pendant les six mois précédant le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, tout affichage relatif à l'élection, même par affiches timbrées, est interdit en dehors de cet emplacement ou sur l'emplacement réservé aux autres candidats, ainsi qu'en dehors des panneaux d'affichage d'expression libre lorsqu'il en existe ". Par ailleurs, aux termes de l'article D. 111-8 du code de l'éducation : " Les associations de parents d'élèves (...) doivent bénéficier de moyens matériels d'action, notamment d'une boîte aux lettres et d'un panneau d'affichage situés dans un lieu accessible aux parents ".

8. Il est constant que la section locale de la fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE) de Saint-Germain-au-Mont-d'Or a affiché, sur les panneaux mis à sa disposition à l'entrée des écoles maternelles et élémentaires de la commune, une " lettre ouverte aux candidats aux élections municipales " le dimanche 8 mars 2020. Ce document a été remplacé par une seconde version le mercredi 11 mars 2020. Le tribunal a jugé qu'eu égard à son contenu, la première version de cette lettre revêtait un caractère de polémique électorale et que son affichage, en dehors des emplacements réservés à cet effet, méconnaissait les dispositions de l'article L. 51 du code électoral. Toutefois, il a jugé que cette irrégularité n'était pas de nature à altérer la sincérité du scrutin au motif qu'il n'était pas établi que le document aurait été lu par un grand nombre d'électeurs entre le 8 et le 11 mars.

9. En premier lieu, M. D... fait valoir que l'un des panneaux d'affichage mis à la disposition de l'association de parents d'élèves était placé à proximité des panneaux d'affichage électoral de la commune et que le 9 mars 2020, jour de rentrée des vacances scolaires, était un jour d'affluence. Toutefois, ces seules circonstances n'établissent pas que la première version de la " lettre ouverte " dont, ainsi que l'a relevé le tribunal, le contenu partisan était uniquement décelable à sa lecture intégrale et non à la seule lecture de son intitulé, ait été lue par un grand nombre d'électeurs, ni, en tout état de cause, que son affichage, durant seulement 4 jours sur ces panneaux, ait été de nature à altérer le scrutin.

10. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que si la première version de la " lettre ouverte " présentait de façon partisane la politique scolaire menée par l'équipe municipale sortante, ce n'était plus le cas de la seconde version de cette lettre, alors même qu'elle reprenait les éléments relatifs à la dotation annuelle par enfant allouée par la commune qui figuraient dans le premier document et qui n'étaient pas, à eux-seuls, de nature à conférer au contenu du second document un caractère partisan.

11. En troisième lieu, la circonstance alléguée que la diffusion de la seconde version de la " lettre ouverte " par courriel le 10 mars 2020 aux parents d'élèves des écoles de la commune de Saint-Germain-au-Mont-d'Or méconnaîtrait la délibération de la CNIL n° 2012-020 du 26 janvier 2012 portant recommandation relative à la mise en oeuvre par les partis ou groupements à caractère politique, élus ou candidats à des fonctions électives de fichiers dans le cadre de leurs activités politiques est, en tout état de cause, sans incidence sur la sincérité du scrutin.

12. Il résulte de ce qui a été dit aux points 9 à 11 ci-dessus que le grief tiré de ce que l'affichage et la diffusion du document rédigé par l'association locale de parents d'élèves aurait porté atteinte à la sincérité du scrutin ne peut qu'être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à se soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa protestation.

14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'intervention de Mme A... est admise.

Article 2 : La requête de M. D... est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de Mme G... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. F... D..., à Mme H... G... et à Mme E... A....

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et à la commune de Saint-Germain-au-Mont-d'Or.


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 445425
Date de la décision : 12/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 12 mar. 2021, n° 445425
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Lionel Ferreira

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:445425.20210312
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