Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2016 par lequel le recteur de l'académie de Caen l'a suspendu de ses fonctions pour une durée de quatre mois, la décision de la même autorité rejetant son recours gracieux et l'arrêté du 16 février 2017 par lequel le recteur de l'académie de Caen l'a suspendu de ses fonctions pour une durée de quatre mois. Par un jugement n°1700330 du 16 novembre 2017, le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté du 16 février 2017 et rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. A....
Par un arrêt n° 18NT00101 et 18NT00224 du 1er octobre 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté les appels formés contre ce jugement par le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et par M. A....
Par un pourvoi, enregistré le 2 décembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 1er de cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'éducation ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 72-581 du 4 juillet 1972 ;
- l'arrêté du 9 août 2004 portant délégation de pouvoirs du ministre chargé de l'éducation aux recteurs d'académie en matière de gestion des personnels enseignants, d'éducation, d'information et d'orientation de l'enseignement du second degré ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Philippe Ranquet, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP de Nervo, Poupet, avocat de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... A..., professeur certifié, nommé le 16 janvier 2014 directeur de l'école supérieure du professorat et de l'éducation (ESPÉ) de l'université de Caen par les ministres de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, a été suspendu de toutes ses fonctions pour une durée de quatre mois par un arrêté du 25 octobre 2016 du recteur de l'académie de Caen, décision contre laquelle il a formé un recours gracieux resté sans réponse. Par des arrêtés ultérieurs, M. A... a été placé en congé de maladie du 25 octobre au 30 novembre 2016. Le recteur de l'académie de Caen a par la suite pris, le 16 février 2017, un nouvel arrêté suspendant M. A... de toutes ses fonctions pour une durée de quatre mois. Saisi d'un recours contre les arrêtés de suspension et le rejet de son recours gracieux, le tribunal administratif de Caen a, par un jugement du 16 novembre 2017, annulé l'arrêté du 16 février 2017 et rejeté le surplus des conclusions de M. A.... Le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse se pourvoit en cassation contre l'article 1er de l'arrêt du 1er octobre 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel qu'il avait formé contre ce jugement.
2. D'une part, aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline./ Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois (...) ". Aux termes de l'article 67 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires applicables à la fonction publique de l'Etat : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination (...). / (...) Le pouvoir de prononcer les sanctions du premier et du deuxième groupe peut être délégué indépendamment du pouvoir de nomination. Les conditions d'application du présent alinéa sont fixées par des décrets en Conseil d'Etat (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 911-82 du code de l'éducation : " Le ministre chargé de l'éducation peut déléguer par arrêté aux recteurs d'académie tout ou partie de ses pouvoirs en matière de recrutement et de gestion des personnels titulaires, stagiaires, élèves et non titulaires de l'Etat qui relèvent de son autorité ". L'article R. 911-84 du même code dispose que : " Ne peuvent faire l'objet de la délégation prévue à l'article R. 911-82, pour les personnels de la catégorie A désignée à l'article 29 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, les décisions relatives à la nomination, à l'avancement de grade, à la mise à disposition, au détachement lorsque celui-ci nécessite un arrêté interministériel ou l'accord d'un ou de plusieurs ministres, à la mise en position hors cadres, à l'exercice du pouvoir disciplinaire et à la cessation de fonctions./ Toutefois, peuvent faire l'objet de la délégation prévue à l'article R. 911-82 :/ (...) 3° Pour les personnels enseignants, d'éducation, d'information et d'orientation :/ (...) d) Les sanctions disciplinaires des premier et deuxième groupes (...) ". Enfin, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 9 août 2004 portant délégation de pouvoirs du ministre chargé de l'éducation aux recteurs d'académie en matière de gestion des personnels enseignants, d'éducation, d'information et d'orientation de l'enseignement du second degré : " Délégation permanente de pouvoirs du ministre chargé de l'éducation est donnée aux recteurs d'académie : I.- Pour prononcer à l'égard des personnels enseignants, d'éducation, d'information et d'orientation de l'enseignement du second degré et des personnels stagiaires de ces mêmes corps, sous réserve des dispositions de l'article 2 ci-dessous (...) :/ (...) 23. Les sanctions disciplinaires des premier et deuxième groupes (...) ". L'article 2 du même arrêté précise que : " Les dispositions du I de l'article 1er ci-dessus ne sont pas applicables aux personnels :/ - en position de détachement ;/ (...) - en fonction dans un établissement d'enseignement supérieur, pour ce qui concerne le congé de longue durée (...) ".
4. Il résulte des dispositions citées au point 2 que la délégation d'une partie du pouvoir disciplinaire entraîne nécessairement qu'aussi bien l'autorité délégataire que l'autorité délégante ont le pouvoir de suspendre les agents concernés. Ainsi, s'agissant des membres du corps des professeurs certifiés, les dispositions de l'arrêté du 9 août 2004, prises sur le fondement de celles du décret du 21 août 1985 relatif à la déconcentration de certaines opérations de gestion du personnel relevant du ministère de l'éducation nationale, codifiées aux articles R. 911-82 et R. 911-84 du code de l'éducation, autorisent aussi bien les recteurs d'académie que le ministre chargé de l'éducation nationale à prononcer la suspension des professeurs certifiés.
5. Il en résulte que le recteur de l'académie de Caen était compétent pour prononcer la suspension de M. A..., professeur certifié. Ce dernier n'est pas fondé à soutenir que sa suspension n'aurait pu être prononcée que par arrêté conjoint des ministres chargés de l'enseignement supérieur et de l'éducation nationale, au motif que les directeurs d'ESPÉ sont nommés par un tel arrêté conjoint en vertu de l'article L. 721-3 du code de l'éducation, dès lors que ces dispositions ne font pas obstacle à l'application à M. A... des règles statutaires régissant le corps des professeurs certifiés et que cette désignation n'a pas eu pour effet de le placer M. A... en détachement hors de ce corps. Il ne saurait davantage se prévaloir de ce qu'il était susceptible de faire l'objet d'une procédure devant la section disciplinaire du conseil académique de l'université à laquelle était rattachée l'ESPÉ, dès lors qu'aux termes de l'article L. 952-7 du même code : " (...)/ Les sanctions prononcées à l'encontre des enseignants par la section disciplinaire ne font pas obstacle à ce que ces enseignants soient traduits, en raison des mêmes faits, devant les instances disciplinaires prévues par les statuts qui leur sont applicables dans leur corps d'origine ".
6. Ainsi, en jugeant que l'arrêté du 16 février 2017 prononçant la suspension de M. A... avait été pris par une autorité incompétente, la cour administrative d'appel de Nantes a commis une erreur de droit. Le ministre est, par suite, fondé à demander l'annulation de l'article 1er de l'arrêt attaqué.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'article 1er de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 1er octobre 2019 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et à M. B... A....