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11/02/2021 | FRANCE | N°438867

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 11 février 2021, 438867


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 19 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération nationale des syndicats de transports CGT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2019 du ministre de la transition écologique et solidaire portant dérogation temporaire aux règles en matière de temps de conduite et de repos pour le transport routier de voyageurs ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice admi

nistrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur l'Union eur...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 19 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération nationale des syndicats de transports CGT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2019 du ministre de la transition écologique et solidaire portant dérogation temporaire aux règles en matière de temps de conduite et de repos pour le transport routier de voyageurs ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur l'Union européenne ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement 561/2006/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 ;

- le code des transports ;

- le code du travail ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le décret n° 2019-1365 du 17 décembre 2019 ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yves Doutriaux, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme A... B..., rapporteure publique,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Didier, Pinet, avocat de la Fédération nationale des syndicats de transports CGT ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 1er du règlement n° 561/2006/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 relatif à l'harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route : " Le présent règlement fixe les règles relatives aux durées de conduite, aux pauses et aux temps de repos qui doivent être observés par les conducteurs assurant le transport de marchandises et de voyageurs par route afin d'harmoniser les conditions de concurrence entre les modes de transport terrestre, en particulier en ce qui concerne le secteur routier, et d'améliorer des conditions de travail et la sécurité routière. Le présent règlement vise également à promouvoir de meilleures pratiques de contrôle et d'application des règles par les États membres et de meilleures méthodes de travail dans le secteur du transport routier ". L'article 6 de ce règlement prévoit que : " 1. La durée de conduite journalière ne dépasse pas neuf heures. La durée de conduite journalière peut, toutefois, être prolongée jusqu'à dix heures maximum, mais pas plus de deux fois au cours de la semaine. 2. La durée de conduite hebdomadaire ne dépasse pas cinquante-six heures ni n'entraîne un dépassement de la durée maximale de travail hebdomadaire définie dans la directive 2002/15/CE. 3. La durée de conduite totale accumulée au cours de deux semaines consécutives ne doit pas dépasser quatre-vingt-dix heures. (...) ". Aux termes de l'article 14 du même règlement, dans sa rédaction alors applicable : " 1. À condition que cela ne soit pas préjudiciable aux objectifs visés à l'article 1er, les États membres peuvent, après autorisation de la Commission, accorder des dérogations à l'application des articles 6 à 9 pour des opérations de transport effectuées dans des circonstances exceptionnelles. 2. Dans des cas d'urgence, les États membres peuvent accorder une dérogation temporaire pour une durée ne dépassant pas trente jours, qu'ils notifient immédiatement à la Commission. 3. La Commission notifie aux autres États membres toute dérogation accordée au titre du présent article ".

2. Par un arrêté du 17 décembre 2019, publié au Journal officiel de la République française le 18 décembre 2019 et entré en vigueur à compter de sa publication en application du décret du 17 décembre 2019 relatif à l'entrée en vigueur immédiate d'un arrêté, la ministre de la transition écologique et solidaire a, sur le fondement de l'article 14, paragraphe 2 du règlement du 15 mars 2006, prévu une dérogation temporaire aux règles applicables en matière de temps de conduite et de repos pour le transport routier de voyageurs. La Fédération nationale des syndicats de transports CGT demande l'annulation de cet arrêté.

3. En premier lieu, il résulte des dispositions du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement que le directeur des services de transport à la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer du ministère de la transition écologique et solidaire, dont le décret de nomination en date du 2 août 2017 a été publié au Journal officiel de la République française le 3 août 2017, avait, du fait de cette nomination, compétence pour signer l'arrêté attaqué au nom de la ministre de la transition écologique et solidaire.

4. En deuxième lieu, il ressort de l'énoncé des motifs de l'arrêté attaqué que celui-ci a été pris en considération d'un mouvement social national perturbant les conditions de circulation sur le réseau routier national dans son ensemble, en engendrant de fréquents ralentissements, difficilement prévisibles et susceptibles de s'étendre sur de longues périodes, qui risquaient d'exposer les conducteurs à dépasser involontairement les temps de conduite fixés par la réglementation sociale européenne. Il ressort en outre des pièces du dossier que cette décision a été prise au lendemain de l'annonce, par la SNCF, le 16 décembre 2019, d'une prévision d'aggravation des perturbations du trafic ferroviaire de voyageurs pour le 17 décembre, et de perspectives très incertaines concernant les conditions dans lesquelles les trains pourraient circuler pendant les premiers jours des vacances scolaires, liées au mouvement social qui avait commencé onze jours plus tôt, à la veille d'une période de pic des déplacements de voyageurs, en prenant en compte les graves perturbations des conditions de circulation sur l'ensemble du réseau routier national qui risquaient d'être induites par le report du trafic ferroviaire.

5. D'une part, contrairement à ce qui est soutenu, ces circonstances, caractérisaient une situation exceptionnelle de nature à justifier la mise en oeuvre, pour une durée limitée, de l'une des dérogations prévues à l'article 14 du règlement du 15 mars 2006.

6. D'autre part, l'arrêté attaqué, qui n'était applicable ni aux transports scolaires, ni aux transports urbains, ni aux transports sanitaires, a autorisé d'une part, un dépassement de la durée maximale de conduite journalière dans la limite de deux heures et, d'autre part, un dépassement de la durée maximale de conduite hebdomadaire dans la limite de six heures, pour la période allant du mercredi 18 décembre 2019 au mardi 24 décembre 2019 inclus. Eu égard à l'objectif de ne pas exposer les conducteurs de véhicules de transport routiers de voyageurs à dépasser involontairement les temps de conduite fixés par la réglementation sociale européenne, dans un contexte où tant la demande de ces services que les conditions de circulation étaient susceptibles d'être fortement affectées par un report massif des déplacements de voyageurs du rail vers la route, le moyen tiré de ce que ces mesures, de portée restreinte, n'auraient été ni nécessaires ni proportionnées et auraient méconnu les objectifs énoncés à l'article 1er du règlement du 15 mars 2006 doit être écarté.

7. Enfin, contrairement à ce qui est soutenu, la ministre pouvait, sur le fondement des dispositions de l'article 14 du règlement du 15 mars 2016, eu égard aux circonstances, rappelées au point 4, qui caractérisaient une situation d'urgence, prendre les mesures litigieuses sans autorisation préalable de la Commission européenne, l'arrêté attaqué ayant été notifié à celle-ci le 20 décembre 2019.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la Fédération nationale des syndicats de transports CGT doit être rejetée, y compris les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la Fédération nationale des syndicats de transports CGT est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération nationale des syndicats de transports CGT et à la ministre de la transition écologique.


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 438867
Date de la décision : 11/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 11 fév. 2021, n° 438867
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Yves Doutriaux
Rapporteur public ?: Mme Sophie Roussel
Avocat(s) : SARL DIDIER, PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:438867.20210211
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