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31/12/2020 | FRANCE | N°434754

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 31 décembre 2020, 434754


Vu la procédure suivante :

Par une requête et en mémoire en réplique, enregistrés les 23 septembre 2019 et 13 mai 2020, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Welfarm Protection Mondiale des Animaux de Ferme demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 juillet 2019 du ministre de l'agriculture et de l'alimentation restreignant le transport routier des animaux vertébrés vivants durant les épisodes caniculaires ;

2°) d'enjoindre au ministre de prendre, dans un délai de quinze jours à compter de la not

ification de la décision à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et en mémoire en réplique, enregistrés les 23 septembre 2019 et 13 mai 2020, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Welfarm Protection Mondiale des Animaux de Ferme demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 juillet 2019 du ministre de l'agriculture et de l'alimentation restreignant le transport routier des animaux vertébrés vivants durant les épisodes caniculaires ;

2°) d'enjoindre au ministre de prendre, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard, un arrêté suspendant sur l'ensemble du territoire national le transport routier et par voie navigable des animaux vertébrés vivants dès lors que la température extérieure est en deçà de 5° C ou supérieure à 30° C ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner aux entiers dépens.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement n° 1/2005 du Conseil du 22 décembre 2004 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Martin Guesdon, auditeur,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 214-3 du code rural et de la pêche maritime : " Il est interdit d'exercer des mauvais traitements envers les animaux domestiques ainsi qu'envers les animaux sauvages apprivoisés ou tenus en captivité. / Des décrets en Conseil d'Etat déterminent les mesures propres à assurer la protection de ces animaux contre les mauvais traitements ou les utilisations abusives et à leur éviter des souffrances lors des manipulations inhérentes aux diverses techniques d'élevage, de parcage, de transport et d'abattage des animaux ". Aux termes de l'article R. 214-17 du même code : " Il est interdit à toute personne qui, à quelque fin que ce soit, élève, garde ou détient des animaux domestiques ou des animaux sauvages apprivoisés ou tenus en captivité : (...) 3° De les placer et de les maintenir dans un habitat ou un environnement susceptible d'être, en raison de son exiguïté, de sa situation inappropriée aux conditions climatiques supportables par l'espèce considérée ou de l'inadaptation des matériels, installations ou agencements utilisés, une cause de souffrances, de blessures ou d'accidents ; / (...) / Les normes et spécifications techniques permettant de mettre en oeuvre les interdictions prévues par les dispositions du présent article sont précisées par arrêté du ministre chargé de l'agriculture et, lorsqu'il comporte des dispositions spécifiques à l'outre-mer, du ministre chargé de l'outre-mer (...) ".

2. Sur le fondement de ces dispositions, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a pris, le 22 juillet 2019, un arrêté ayant pour objet de préciser les conditions de transport sur le territoire national des animaux vertébrés vivants durant les épisodes caniculaires. L'association Welfarm Protection Mondiale des Animaux de Ferme demande l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté, en tant qu'il permettrait des conditions de transport des animaux insuffisamment protectrices de leur santé ou contraires à la réglementation européenne.

3. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté attaqué : " Dans les départements placés en vigilance orange ou en vigilance rouge par Météo-France en raison d'un risque de canicule pour le lendemain, le transport routier d'animaux vertébrés terrestres vivants, réalisé entièrement sur le territoire national, dans le cadre d'une activité économique, avec un point de départ et un point d'arrivée en France, est interdit ledit jour de 13 heures à 18 heures. / L'alinéa précédent n'est pas applicable lorsque le véhicule est équipé de systèmes de climatisation ou d'un double dispositif de ventilation et brumisation permettant de réguler les températures des animaux ou si le transport concerne trois animaux ou moins. " Aux termes de l'article 3 de cet arrêté : " Lorsque la durée de transport des animaux a excédé huit heures et que le transport s'est déroulé pour tout ou partie pendant les périodes mentionnées à l'article 1er, le donneur d'ordre ou le transporteur transmet au préfet dans un délai de quarante-huit heures après l'arrivée des animaux les enregistrements de températures et de géolocalisation qui témoignent du respect des conditions fixées au deuxième alinéa de l'article 1er ".

Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :

4. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées de l'article R. 214-17 du code rural et de la pêche maritime, sur le fondement desquelles a été pris l'arrêté attaqué, que le ministre de l'agriculture et de l'alimentation avait compétence pour prendre seul cet arrêté. L'association requérante, qui ne peut utilement se prévaloir du décret relatif aux attributions de la ministre chargée des transports, n'est, par suite, pas fondée à soutenir qu'il aurait dû être pris conjointement avec la ministre chargée des transports.

5. En second lieu, l'arrêté attaqué, qui revêt un caractère réglementaire, n'entre dans aucune des catégories de décisions dont les articles L. 211-2 et L. 211-3 du code des relations entre le public et l'administration exigent la motivation. Il n'avait donc pas, contrairement à ce que soutient l'association requérante, à être motivé.

Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du règlement n° 1/2005 du Conseil du 22 décembre 2004 relatif à la protection des animaux pendant le transport et les opérations annexes : " 1. Le présent règlement s'applique au transport d'animaux vertébrés vivants à l'intérieur de la Communauté, y compris les contrôles spécifiques des lots entrant sur le territoire douanier de la Communauté ou quittant celui-ci auxquels doivent procéder les fonctionnaires compétents. (...) / 3. Le présent règlement ne fait pas obstacle à d'éventuelles mesures nationales plus contraignantes visant à améliorer le bien-être des animaux au cours des transports se déroulant entièrement sur le territoire d'un État membre ou pour les transports maritimes au départ du territoire d'un État membre (...) ". Aux termes de l'article 3 de ce règlement : " Nul ne transporte ou ne fait transporter des animaux dans des conditions telles qu'ils risquent d'être blessés ou de subir des souffrances inutiles. / Il convient en outre de respecter les conditions suivantes : (...) c) les moyens de transport sont conçus, construits, entretenus et utilisés de façon à éviter des blessures et des souffrances aux animaux, et à assurer leur sécurité (...) ". Aux termes de l'article 6 de ce règlement : " 3. Les transporteurs transportent les animaux conformément aux spécifications techniques figurant à l'annexe I. ". Le point 1.1 du chapitre II de l'annexe I dispose que tous les moyens de transport " doivent être conçus, construits, entretenus et utilisés de manière à (...) / : b) protéger les animaux contre les intempéries, les températures extrêmes et les variations météorologiques défavorables ". Le chapitre VI intitulé " Dispositions supplémentaires pour les voyages de longue durée d'équidés domestiques et d'animaux domestiques des espèces bovines, ovine, caprine et porcine " de cette même annexe dispose, pour le transport routier, par son point 3.1, que " les systèmes de ventilation dans les moyens de transport par route doivent être conçus, construits et entretenus de telle manière qu'à tout moment du voyage, que le moyen de transport soit à l'arrêt ou en mouvement, ils soient en mesure de maintenir la température dans une fourchette de 5° C à 30° C à l'intérieur du moyen de transport, pour tous les animaux, avec une tolérance de plus ou moins 5° C, en fonction de la température extérieur ", et par son point 3.3, que " Les moyens de transport par route doivent être équipés d'un système de contrôle de la température, ainsi que d'un dispositif d'enregistrement de ces données. Des capteurs doivent être placés dans les parties du camion qui, en fonction de ses caractéristiques, sont susceptibles d'être exposées aux pires conditions climatiques. Les données de température ainsi enregistrées sont datées et mises à la disposition de l'autorité compétente, à sa demande ".

7. Les dispositions de l'arrêté attaqué citées au point 3 qui, d'une part, limitent les possibilités de transport routier de plus de trois animaux vertébrés terrestres vivants pendant les épisodes caniculaires, sans considération de l'espèce en cause, de la durée du trajet ou de la température effective, en instaurant une plage horaire pendant laquelle ces transports ne peuvent avoir lieu sauf à ce que les véhicules utilisés soient équipés de systèmes de climatisation ou d'un double dispositif de ventilation et brumisation, et qui d'autre part, prévoient une obligation de transmission d'informations au préfet pour les trajets de plus de huit heures, doivent être regardées comme une " mesure nationale plus contraignante " que celles du règlement n° 1/2005 du Conseil du 22 décembre 2004, au sens de l'article 1er de celui-ci. Elles s'appliquent sans préjudice des dispositions de ce règlement, en particulier mentionnées au point 6, lesquelles doivent être respectées à l'occasion des transports qui ne sont pas interdits par l'arrêté, et notamment ceux qui portent sur moins de trois animaux, qui ont lieu avant 13 heures ou après 18 heures ou encore qui empruntent la voie fluviale. Par ailleurs, le ministre ne pouvait, sans méconnaître le règlement du 22 décembre 2004, prévoir des dispositions plus contraignantes dans un champ d'application qui excèderait le territoire national. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté méconnaîtrait les dispositions du règlement ne peut qu'être écarté.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 214-12 du code rural et de la pêche maritime : " I. - Les conditions d'autorisation des transporteurs d'animaux vertébrés vivants dans le cadre d'une activité économique, les conditions d'agrément des véhicules, navires et conteneurs de transport de certaines espèces d'animaux, ainsi que les conditions d'habilitation de certains conducteurs et convoyeurs de véhicules routiers pour le transport d'animaux, sont définies par le règlement (CE) n° 1/2005 du Conseil du 22 décembre 2004 sur la protection des animaux pendant le transport et les opérations annexes et les textes pris pour son application, ainsi que par la présente section. / (...) III. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités de délivrance, de suspension ou de retrait des autorisations, agréments et habilitations mentionnés aux I et II. Il peut, dans le respect du droit de l'Union européenne, compléter les règles applicables au transport des animaux vivants ". Aux termes de l'article R. 214-53 du même code: " Il est interdit à tout transporteur ainsi qu'à tout propriétaire, expéditeur, commissionnaire, mandataire, destinataire ou tout autre donneur d'ordre d'effectuer ou de faire effectuer un transport d'animaux vivants : / 1° Si les véhicules ou moyens de transport quels qu'ils soient ne sont pas conçus ou aménagés conformément à des exigences de confort et de salubrité définies par arrêté du ministre chargé de l'agriculture et de telle sorte que les animaux y disposent d'un espace et d'une aération suffisants et d'une protection appropriée contre les intempéries et les écarts climatiques plus graves ainsi que contre les chocs possibles en fonction de l'espèce considérée et des conditions normales de transport ; / 2° Si les dispositions convenables n'ont pas été prises pour que soient éliminés les risques de blessures et les souffrances qui peuvent être évitées pendant le transport ; (...) ".

9. Les dispositions précitées, qui renvoient à des arrêtés du ministre chargé de l'agriculture la définition des exigences de confort et de salubrité des véhicules et moyens de transport des animaux vivants, ne constituent pas la base légale de l'arrêté attaqué qui n'a pas un tel objet. Il n'est, par ailleurs, pas établi qu'il serait nécessaire, pour assurer une protection appropriée contre les fortes températures des animaux transportés, de compléter les règles résultant de l'application combinée de cet arrêté et des dispositions du règlement n° 1/2005 du 22 décembre 2004. Par suite le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué méconnaîtrait les dispositions précitées de l'article R. 214-53 du même code ne peut qu'être écarté.

10. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article R. 215-4 du code rural et de la pêche maritime : " I.- Est puni de la peine d'amende prévue pour les contraventions de la 4e classe, le fait pour toute personne qui élève, garde ou détient des animaux domestiques ou des animaux sauvages apprivoisés ou en captivité : (...) / 3° De les placer et de les maintenir dans un habitat ou un environnement susceptible d'être, en raison de son exiguïté, de sa situation inappropriée aux conditions climatiques supportables par l'espèce considérée ou de l'inadaptation des matériels, installations ou agencements utilisés, une cause de souffrances, de blessures ou d'accidents ". Il résulte de ces dispositions que la méconnaissance des dispositions de l'arrêté attaqué, pris sur le fondement de l'article R. 214-17 du code rural et de la pêche maritime, est passible d'une contravention de la quatrième classe. Dès lors, le moyen tiré de ce que cet arrêté méconnaîtrait l'article R. 214-53 du même code en ce qu'il ne prévoit aucune procédure de sanction en cas de violation de ses dispositions doit, en tout état de cause, être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Welfarm Protection Mondiale des Animaux de Ferme n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté qu'elle attaque. Ses conclusions aux fins d'injonction doivent, par suite, être rejetées, de même que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de l'association Welfarm Protection Mondiale des Animaux de Ferme est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association Welfarm Protection Mondiale des Animaux de Ferme et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.


Synthèse
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 434754
Date de la décision : 31/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 31 déc. 2020, n° 434754
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Martin Guesdon
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:434754.20201231
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