Vu la procédure suivante :
Par une protestation enregistrée le 17 mars 2020, M. S... Y... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 en vue de l'élection des conseillers municipaux de la commune de Rovon (Isère). Par un jugement n° 2001723 du 24 septembre 2020, ce tribunal a rejeté cette protestation.
Par une requête, enregistrée le 15 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. Y... demande au Conseil d'Etat ;
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces opérations électorales.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code électoral ;
- le code de procédure civile ;
- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- le décret n° 2020-571 du 14 mai 2020 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Liza Bellulo, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. Y... relève appel du jugement du 24 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa protestation tendant à l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 en vue de l'élection des conseillers municipaux de la commune de Rovon (Isère).
2. En premier lieu, si les visas du jugement attaqué semblent mentionner, par une omission du mot " été " résultant d'une erreur de plume, que M. Y... aurait lui-même procédé à la distribution d'un courrier appelant à voter pour la liste du maire sortant, les motifs de ce même jugement énoncent que Monsieur Y... faisait valoir que, le 13 mars 2020, il avait " été " distribué à certains habitants de la commune une lettre de Mme E..., maire sortant, incitant à voter pour sa liste. Cette erreur de plume est demeurée sans incidence sur la régularité du jugement, le tribunal ne s'étant, au demeurant, pas fondé sur ces circonstances pour rejeter la protestation de M. Y....
3. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 119 du code électoral : " Les réclamations contre les opérations électorales doivent être consignées au procès-verbal, sinon être déposées, à peine d'irrecevabilité, au plus tard à dix-huit heures le cinquième jour qui suit l'élection, à la sous-préfecture ou à la préfecture. Elles sont immédiatement adressées au préfet qui les fait enregistrer au greffe du tribunal administratif. / Les protestations peuvent également être déposées directement au greffe du tribunal administratif dans le même délai (...) ".
4. D'autre part, l'article 11 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 a habilité le Gouvernement, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, à prendre par ordonnances " toute mesure, pouvant entrer en vigueur, si nécessaire, à compter du 12 mars 2020, relevant du domaine de la loi (...) / 2° (...) / b) Adaptant, interrompant, suspendant ou reportant le terme des délais prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, déchéance d'un droit, fin d'un agrément ou d'une autorisation ou cessation d'une mesure, à l'exception des mesures privatives de liberté et des sanctions. Ces mesures sont rendues applicables à compter du 12 mars 2020 (...) ". Sur le fondement de ces dispositions, le 3° du II de l'article 15 de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif a prévu que : " Les réclamations et les recours mentionnés à l'article R. 119 du code électoral peuvent être formés contre les opérations électorales du premier tour des élections municipales organisé le 15 mars 2020 au plus tard à dix-huit heures le cinquième jour qui suit la date de prise de fonction des conseillers municipaux et communautaires élus dès ce tour, fixée par décret au plus tard au mois de juin 2020 dans les conditions définies au premier alinéa du III de l'article 19 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 susvisée ou, par dérogation, aux dates prévues au deuxième ou troisième alinéa du même III du même article ". L'article 1er du décret du 14 mai 2020 définissant la date d'entrée en fonction des conseillers municipaux et communautaires élus dans les communes dont le conseil municipal a été entièrement renouvelé dès le premier tour des élections municipales et communautaires organisé le 15 mars 2020 prévoit que : " (...) les conseillers municipaux et communautaires élus dans les communes dans lesquelles le conseil municipal a été élu au complet lors du scrutin organisé le 15 mars 2020 entrent en fonction le 18 mai 2020 ".
5. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions, combinées avec celles du second alinéa de l'article 642 du code de procédure civile selon lesquelles " Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant ", que les réclamations contre les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 pouvaient être formées au plus tard le lundi 25 mai 2020 à dix-huit heures.
6. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de l'article L. 60 du code électoral, qui prévoit que des enveloppes sont mises à la disposition des électeurs dans la salle de vote le jour du vote, présenté par M. Y... dans un mémoire enregistré le 30 juillet 2020, a été soulevé après l'expiration du délai de recours contentieux et était, par suite, irrecevable. La circonstance que ce mémoire faisait suite à un courrier du greffe du 3 juillet 2020 envoyé en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative et offrant aux parties la possibilité de présenter un nouveau mémoire avant le 31 juillet 2020 est sans incidence sur la recevabilité de ce grief, pas plus que la circonstance selon laquelle les parties adverses ont été, comme d'ailleurs le requérant, convoquées à l'audience du 11 septembre 2020.
7. En troisième lieu, si les rideaux des isoloirs du bureau de vote de Rovon avaient été ôtés lors des opérations électorales du 15 mars 2020 pour des raisons d'ordre sanitaire, il résulte de l'instruction que ces isoloirs, placés à proximité d'un mur, ne pouvaient être contournés et avaient été disposés de telle manière que leur seule ouverture visible de l'extérieur soit celle par laquelle entrait l'électeur, dont le dos dissimulait le maniement des bulletins et de l'enveloppe. Dans ces conditions, l'aménagement en cause n'a pas été de nature à porter atteinte au principe du secret du vote, garanti par l'article L. 59 du code électoral.
8. En dernier lieu, il résulte de l'instruction que Mme E... a procédé à la distribution à certains habitants, le 13 mars 2020, d'un bref courrier rappelant le contexte de renforcement des " mesures de prévention contre le coronavirus " et appelant les électeurs à voter pour sa liste au moyen d'un bulletin de vote qui était joint, en réponse à l' " inquiétude [de certains] à devoir manipuler les bulletins mis à disposition en mairie par chacun des candidats ", et permettant ainsi " de ne pas avoir à manipuler les bulletins de vote lors du scrutin ". Eu égard aux écarts de 19 voix entre le dernier candidat élu, ayant totalisé 181 suffrages et la majorité absolue s'établissant à 162 votes, et de 84 voix entre le premier candidat non élu, ayant totalisé 78 suffrages, et cette majorité absolue, la diffusion de ce courrier n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, été de nature à altérer la sincérité du scrutin.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. Y... ne peut qu'être rejetée.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. Y... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. S... Y..., Mme AE... E..., M. L... N..., Mme W... D..., M. X... H..., M. B... V..., M. AB... G..., Mme Z... F..., Mme AA... AC..., Mme R... Q..., Mme P... I..., M. J... M..., M. O... T..., M. K... AF..., Mme C... AD..., M. U... A..., et au ministre de l'intérieur.