Vu la procédure suivante :
Par une requête et des observations complémentaires, enregistrées les 26 mai et 10 juin 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, MM. Philippe B... et Philippe Torre et Mme A... D... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'article 1er du décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 ainsi que l'article 1er du décret n° 2020-663 du 31 mai 2020 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le décret le décret n° 2020-548 du 11 mai 2020;
- le décret n° 2020-663 du 31 mai 2020;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Réda Wadjinny-Green, auditeur,
- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article 1er du décret du 11 mai 2020 : " Afin de ralentir la propagation du virus, les mesures d'hygiène définies en annexe 1 au présent décret et de distanciation sociale, incluant la distanciation physique d'au moins un mètre entre deux personnes, dites " barrières ", définies au niveau national, doivent être observées en tout lieu et en toute circonstance. / Les rassemblements, réunions, activités, accueils et déplacements ainsi que l'usage des moyens de transports qui ne sont pas interdits en vertu du présent décret sont organisés en veillant au strict respect de ces mesures ". Aux termes de l'annexe 1 à laquelle il renvoie : " Les mesures d'hygiène sont les suivantes : / - se laver régulièrement les mains à l'eau et au savon (dont l'accès doit être facilité avec mise à disposition de serviettes à usage unique) ou par une friction hydro-alcoolique ; / - se couvrir systématiquement le nez et la bouche en toussant ou éternuant dans son coude ; /- se moucher dans un mouchoir à usage unique à éliminer immédiatement dans une poubelle ; / - éviter de se toucher le visage, en particulier le nez, la bouche et les yeux. / Les masques doivent être portés systématiquement par tous dès lors que les règles de distanciation physique ne peuvent être garanties ". Les dispositions de l'article 1er et de l'annexe 1 du décret du 31 mai 2020 sont identiques à celles du décret du 11 mai 2020. M. B... et autres demandent l'annulation pour excès de pouvoir de l'article 1er du décret du 11 mai 2020 et de l'article 1er du décret du 31 mai 2020.
2. D'une part, le dernier alinéa précité de l'annexe 1 des décrets attaqués prévoit que le port du masque est obligatoire lorsque les règles de distanciation physique ne peuvent être garanties. Il s'ensuit que ces règles de distanciation, qui ne sauraient trouver à s'appliquer dans l'espace privé ni ne s'imposent aux membres d'un même foyer, doivent nécessairement être regardées comme s'appliquant, dans la mesure du possible, en tout lieu et en toute circonstance. D'autre part, les règles d'hygiène mentionnées à l'annexe 1 des décrets attaqués invitent la population à mettre en oeuvre des mesures de précaution destinées à freiner la contamination par le virus du covid-19, afin de réduire l'ampleur de la crise sanitaire que ce virus a provoquée. Contrairement à ce qui est soutenu, le décret n'édicte pas une interdiction de se toucher le visage, mais se borne à préconiser d'éviter de le faire. Les mesures en cause, du fait de leur objet, qui concerne des gestes accomplis un très grand nombre de fois dans la vie quotidienne et dans la sphère privée, et de leur généralité constituent des recommandations et non des règles de police susceptibles d'être sanctionnées par des contraventions. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions attaquées seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation, ni qu'elles sont manifestement disproportionnées au regard du droit à la vie privée et au regard de la liberté de circulation ou qu'elles conduiraient à méconnaître le principe de légalité des délits et des peines.
3. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministre des solidarités et de la santé, que la requête de M. B... et autres doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. B... et autres est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C... B..., premier dénommé, pour l'ensemble des requérants et au ministre des solidarités et de la santé.
Copie en sera adressée au Premier ministre et au ministre de l'intérieur.