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18/12/2020 | FRANCE | N°440337

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 18 décembre 2020, 440337


Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires en réplique, enregistrés les 29 avril, 6 juillet et 22 septembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret du 4 avril 1986 la libérant de ses liens d'allégeance à l'égard de la France ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de

2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le décret méconnait les dispositions de l'article 91 du code de

la nationalité en ce que la demande de libération de ses liens d'allégeance à l'égard de la F...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires en réplique, enregistrés les 29 avril, 6 juillet et 22 septembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret du 4 avril 1986 la libérant de ses liens d'allégeance à l'égard de la France ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de

2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le décret méconnait les dispositions de l'article 91 du code de la nationalité en ce que la demande de libération de ses liens d'allégeance à l'égard de la France n'a pas été signée par ses deux parents alors qu'elle était mineure à la date de la prise du décret attaqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de la nationalité française ;

- le code de justice administrative, l'ordonnance n°2020-1402 du

18 novembre 2020 et le décret 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

Le rapport de Mme Dominique Bertinotti, conseiller d'Etat,

Les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 91 du code de la nationalité française, dans sa rédaction à la date du décret attaqué : " Perd la nationalité française, le Français même mineur, qui, ayant une nationalité étrangère, est autorisé, sur sa demande, par le Gouvernement français, à perdre la qualité de Français. - Cette autorisation est accordée par décret. - Le mineur doit, le cas échéant, être autorisé ou représenté dans les conditions prévues aux articles 53 et 54 ". L'article 53 du même code dispose que : " La qualité de Français peut être réclamée à partir de dix-huit ans. - Le mineur âgé de seize ans peut également la réclamer avec l'autorisation de celui ou de ceux qui exercent à son égard l'autorité parentale ". Aux termes de l'article 54 du même code : " Si l'enfant est âgé de moins de seize ans, les personnes visées à l'alinéa 2 de l'article précédent peuvent déclarer qu'elles réclament, au nom du mineur, la qualité de Français (...) ".

2. En l'absence de prescription en disposant autrement, les conditions d'âge fixées par ces articles s'apprécient à la date de signature des décrets pris sur leur fondement. Il en résulte que, si des parents peuvent formuler au nom d'un enfant mineur une demande tendant à ce que celui-ci soit libéré de ses liens d'allégeance avec la France, le décret prononçant une telle libération ne peut, toutefois, être signé, si l'intéressé a atteint l'âge de seize ans, sans qu'il ait lui-même exprimé, avec l'accord de ceux qui exercent sur lui l'autorité parentale, une demande en ce sens et, s'il a atteint l'âge de dix-huit ans, sans qu'il ait personnellement déposé une demande à cette fin.

3. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. S'agissant d'un décret de libération des liens d'allégeance, ce délai ne saurait, eu égard aux effets de cette décision, excéder, sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, trois ans à compter de la date de publication du décret ou, si elle est plus tardive, de la date de la majorité de l'intéressé.

4. Il ressort des pièces du dossier que le décret du 4 avril 1986 portant libération de ses liens d'allégeance avec la France de M. E... D... et

Mme B... C..., épouse D..., et de leurs enfants, dont Mme A... D..., née le

10 janvier 1979, a été contesté par celle-ci devant le Conseil d'Etat le 29 avril 2020, soit plus de trois ans après qu'elle a atteint l'âge de la majorité. Par suite, en l'absence de circonstances particulières, le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que la requête de Mme D... est irrecevable en raison de sa tardiveté et doit être rejetée. Il s'ensuit que les autres conclusions de cette requête doivent également être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A... D... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 440337
Date de la décision : 18/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 déc. 2020, n° 440337
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Dominique Bertinotti
Rapporteur public ?: Mme Sophie Roussel

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:440337.20201218
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