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18/12/2020 | FRANCE | N°433781

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 18 décembre 2020, 433781


Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2015 par lequel le ministre de la défense l'a reclassé dans le corps des agents techniques du ministère de la défense à l'indice 323. Par un jugement n° 1602395 du 4 décembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18MA000525 du 18 juin 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de M. B..., annulé ce jugement et l'arrêté en litige et enjoint à la ministre des armées de procéder

au réexamen de la situation de M. B... dans un délai de deux mois.

Par un pour...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2015 par lequel le ministre de la défense l'a reclassé dans le corps des agents techniques du ministère de la défense à l'indice 323. Par un jugement n° 1602395 du 4 décembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18MA000525 du 18 juin 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de M. B..., annulé ce jugement et l'arrêté en litige et enjoint à la ministre des armées de procéder au réexamen de la situation de M. B... dans un délai de deux mois.

Par un pourvoi, enregistré le 20 août 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre des armées demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la défense ;

- la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 ;

- le décret n° 76-1110 du 29 novembre 1976 ;

- le décret n° 2005-1228 du 29 septembre 2005 ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexis Goin, auditeur,

- les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de M. B... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 11 décembre 2020, présentée par la ministre des armées ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., militaire de carrière, a été admis au concours sur titres d'agent technique du ministère de la défense " mécanicien moteur " organisé pour l'année 2015. Par un courrier du 9 juillet 2015, il a été informé que sa prise de fonction dans ce corps interviendrait le 1er octobre 2015 et que les militaires avaient la possibilité de demander un détachement dans leur corps d'accueil en application des dispositions de l'article L. 4139-1 du code de la défense. Le 4 septembre 2015, M. B... a indiqué ne pas souhaiter être détaché et a demandé sa radiation des cadres de l'armée à compter du 1er octobre suivant. Il a été fait droit à cette demande par une décision du 21 octobre 2015, avec le bénéfice d'une pension de retraite militaire à liquidation immédiate. Par un arrêté du ministre de la défense du 9 décembre 2015, l'intéressé a été reclassé, avec effet au 1er octobre 2015, au grade d'agent technique stagiaire du ministère de la défense, au dixième échelon, à l'indice 323. Par un jugement du 4 décembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté le recours de M. B... contre cet arrêté. Par un arrêt du 18 juin 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de M. B..., annulé ce jugement et l'arrêté en litige.

2. Aux termes de l'article L. 4139-1 du code de la défense, dans sa rédaction issue de la loi du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense : " La demande de mise en détachement du militaire lauréat d'un concours de l'une des fonctions publiques civiles (...) est acceptée, sous réserve que l'intéressé ait accompli au moins quatre ans de services militaires, ait informé son autorité d'emploi (...) de son inscription au concours et ait atteint le terme du délai pendant lequel il s'est engagé à rester en position d'activité à la suite d'une formation spécialisée ou de la perception d'une prime liée au recrutement ou à la fidélisation. / (...) le militaire lauréat de l'un de ces concours (...) est titularisé et reclassé, dans le corps ou le cadre d'emploi d'accueil dans des conditions équivalentes, précisées par décret en Conseil d'Etat, à celles prévues pour un fonctionnaire par le statut particulier de ce corps ou de ce cadre d'emploi. / Lorsque le militaire ne peut bénéficier du détachement mentionné au premier alinéa, il est reclassé dès sa nomination dans le corps ou cadre d'emplois d'accueil, dans les conditions prévues au deuxième alinéa (...) ".

3. Aux termes de l'article R. 4139-5 du même code : " Les dispositions statutaires du corps ou cadre d'emplois d'accueil demeurent applicables lorsqu'elles fixent pour le militaire des règles de classement plus favorables que celles prévues au présent article et aux articles R. 4139-6 à R. 4139-9. / (...) Lorsque le militaire est classé à un échelon conduisant à un traitement inférieur à celui qu'il percevait précédemment, il conserve à titre personnel le bénéfice de son traitement antérieur jusqu'au jour où il bénéficie d'un traitement au moins égal dans son nouveau corps ou cadre d'emplois, dans la limite du traitement correspondant à l'échelon le plus élevé de ce corps ou cadre d'emplois ". Aux termes de l'article R. 4139-6 du même code : " Le militaire nommé dans un corps ou cadre d'emplois de catégorie C ou de niveau équivalent est classé en prenant en compte sa durée effective de services militaires, à raison des trois quarts de cette durée ".

4. Aux termes du II de l'article 4 du décret du 29 septembre 2005 relatif à l'organisation des carrières des fonctionnaires de catégorie C, auquel renvoie le décret du 29 novembre 1976 relatif au statut particulier du corps des agents techniques du ministère de la défense : " Les militaires nommés dans un corps de fonctionnaires de catégorie C à l'un des grades dotés des échelles de rémunération 3,4,5 ou 6 sont classés dans ce corps conformément aux articles L. 4139-1 à L. 4139-4 du code de la défense, aux articles R. 4138-39, R. 4139-5, R. 4139-6, R. 4139-9, R. 4139-20 et R. 4139-20-1 du même code ". Aux termes du deuxième alinéa du I de l'article 5 du même décret : " La reprise des trois quarts des services antérieurs mentionnée à l'alinéa précédent est applicable aux anciens fonctionnaires civils et aux anciens militaires nommés dans un corps de fonctionnaires de catégorie C régi par le présent décret s'il ne peut être fait application du II de l'article 4 ".

5. Il résulte de l'ensemble des dispositions citées aux points 2 à 4, interprétées à la lumière des travaux préparatoires de la loi du 28 juillet 2015, que lorsqu'un militaire est intégré dans la fonction publique civile en application des dispositions de l'article L. 4139-1 du code de la défense et qu'il est radié des cadres de l'armée à la date de sa nomination dans son corps ou cadre d'emplois d'accueil, quelle que soit la cause de cette radiation, il bénéficie des mêmes conditions de reclassement dans celui-ci que les militaires qui sont détachés dans ce corps ou ce cadre d'emplois sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 4139-1. Par suite, ce reclassement doit être effectué conformément aux dispositions des articles R. 4139-5 à R. 4139-9 du code de la défense, auxquelles renvoie d'ailleurs le II de l'article 4 du décret du 29 septembre 2005 relatif à l'organisation des carrières des fonctionnaires de catégorie C. L'intéressé peut ainsi, en particulier, bénéficier de la conservation, à titre personnel, de son traitement antérieur, en application des dispositions du dernier alinéa de l'article R. 4139-5 de ce code. Il peut aussi, en application du premier alinéa de cet article, bénéficier des règles de reclassement prévues par le statut de son corps ou cadre d'emplois d'accueil si elles lui sont plus favorables.

6. Il suit de là qu'en jugeant que, alors même qu'il avait été radié, sur sa demande, des cadres de l'armée à compter du 1er octobre 2015, date de sa nomination dans le corps des agents techniques du ministère de la défense, M. B... devait être reclassé dans celui-ci conformément aux règles fixées par l'article R. 4139-5 du code de la défense, auxquelles renvoie le II de l'article 4 du décret du 29 septembre 2005, et non, comme le soutient la ministre, en application de celles de l'article 5 de ce décret, qui étaient applicables aux anciens militaires et qui lui étaient moins favorables et en en déduisant que l'intéressé pouvait ainsi bénéficier de la conservation, à titre personnel, de son traitement antérieur en application des dispositions du dernier alinéa de l'article R. 4139-5 du code de la défense, la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

7. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la ministre des armées est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à M. B... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à la ministre des armées.


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 433781
Date de la décision : 18/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ARMÉES ET DÉFENSE - PERSONNELS MILITAIRES ET CIVILS DE LA DÉFENSE - QUESTIONS COMMUNES À L'ENSEMBLE DES PERSONNELS MILITAIRES - MILITAIRE INTÉGRÉ DANS LA FONCTION PUBLIQUE CIVILE PAR CONCOURS (ART - L - 4139-1 DU CODE DE LA DÉFENSE) ET RADIÉ DES CADRES DE L'ARMÉE À LA DATE DE SA NOMINATION - MILITAIRE BÉNÉFICIANT DES MÊMES CONDITIONS DE RECLASSEMENT QUE LE MILITAIRE DÉTACHÉ (ART - R - 4139-5 À R - 4139-9) [RJ1].

08-01-01 Il résulte des articles L. 4139-1, R. 4139-5 et R. 4139-6 du code de la défense ainsi que du II de l'article 4 et du I de l'article 5 du décret n° 2005-1228 du 29 septembre 2005, interprétés à la lumière des travaux préparatoires de la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015, que lorsqu'un militaire est intégré dans la fonction publique civile en application de l'article L. 4139-1 du code de la défense et qu'il est radié des cadres de l'armée à la date de sa nomination dans son corps ou cadre d'emplois d'accueil, quelle que soit la cause de cette radiation, il bénéficie des mêmes conditions de reclassement dans celui-ci que les militaires qui sont détachés dans ce corps ou ce cadre d'emplois sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 4139-1.... ,,Par suite, ce reclassement doit être effectué conformément aux articles R. 4139-5 à R. 4139-9 du code de la défense, auxquels renvoie d'ailleurs le II de l'article 4 du décret du 29 septembre 2005. L'intéressé peut ainsi, en particulier, bénéficier de la conservation, à titre personnel, de son traitement antérieur, en application du dernier alinéa de l'article R. 4139-5 de ce code. Il peut aussi, en application du premier alinéa de cet article, bénéficier des règles de reclassement prévues par le statut de son corps ou cadre d'emplois d'accueil si elles lui sont plus favorables.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - CHANGEMENT DE CADRES - RECLASSEMENTS - INTÉGRATIONS - QUESTIONS D'ORDRE GÉNÉRAL - MILITAIRE INTÉGRÉ DANS LA FONCTION PUBLIQUE CIVILE PAR CONCOURS (ART - L - 4139-1 DU CODE DE LA DÉFENSE) ET RADIÉ DES CADRES DE L'ARMÉE À LA DATE DE SA NOMINATION - MILITAIRE BÉNÉFICIANT DES MÊMES CONDITIONS DE RECLASSEMENT QUE LE MILITAIRE DÉTACHÉ (ART - R - 4139-5 À R - 4139-9) [RJ1].

36-04-01 Il résulte des articles L. 4139-1, R. 4139-5 et R. 4139-6 du code de la défense ainsi que du II de l'article 4 et du I de l'article 5 du décret n° 2005-1228 du 29 septembre 2005, interprétés à la lumière des travaux préparatoires de la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015, que lorsqu'un militaire est intégré dans la fonction publique civile en application de l'article L. 4139-1 du code de la défense et qu'il est radié des cadres de l'armée à la date de sa nomination dans son corps ou cadre d'emplois d'accueil, quelle que soit la cause de cette radiation, il bénéficie des mêmes conditions de reclassement dans celui-ci que les militaires qui sont détachés dans ce corps ou ce cadre d'emplois sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 4139-1.... ,,Par suite, ce reclassement doit être effectué conformément aux articles R. 4139-5 à R. 4139-9 du code de la défense, auxquels renvoie d'ailleurs le II de l'article 4 du décret du 29 septembre 2005. L'intéressé peut ainsi, en particulier, bénéficier de la conservation, à titre personnel, de son traitement antérieur, en application du dernier alinéa de l'article R. 4139-5 de ce code. Il peut aussi, en application du premier alinéa de cet article, bénéficier des règles de reclassement prévues par le statut de son corps ou cadre d'emplois d'accueil si elles lui sont plus favorables.


Références :

[RJ1]

Comp., avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015, CE, 25 mars 2013, Garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés c/ M.,, n° 352658, inédite au Recueil (pt. 2).


Publications
Proposition de citation : CE, 18 déc. 2020, n° 433781
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alexis Goin
Rapporteur public ?: Mme Mireille Le Corre
Avocat(s) : SCP ROUSSEAU, TAPIE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:433781.20201218
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