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10/12/2020 | FRANCE | N°437034

France | France, Conseil d'État, 10 décembre 2020, 437034


Vu la procédure suivante :

M. A... B... a saisi le tribunal administratif de Nancy d'une demande tendant à l'annulation, d'une part, la décision du 21 septembre 2016 par laquelle le président de la chambre des métiers et de l'artisanat des Vosges a mis fin à ses fonctions de secrétaire général de cette chambre et, d'autre part, de la décision du 9 mai 2017 par laquelle le président de la chambre a refusé de le réintégrer dans ses fonctions. Par un jugement n°s 1603411, 1701828 du 13 février 2018, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ces demandes.

Par un ar

rêt n° 18NC01208 du 24 octobre 2019, la cour administrative d'appel de Nancy...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a saisi le tribunal administratif de Nancy d'une demande tendant à l'annulation, d'une part, la décision du 21 septembre 2016 par laquelle le président de la chambre des métiers et de l'artisanat des Vosges a mis fin à ses fonctions de secrétaire général de cette chambre et, d'autre part, de la décision du 9 mai 2017 par laquelle le président de la chambre a refusé de le réintégrer dans ses fonctions. Par un jugement n°s 1603411, 1701828 du 13 février 2018, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ces demandes.

Par un arrêt n° 18NC01208 du 24 octobre 2019, la cour administrative d'appel de Nancy, sur appel de M. B..., a annulé ce jugement et fait droit à ses demandes.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés le 23 décembre 2019 et 1er septembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la chambre des métiers et de l'artisanat des Vosges demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la requête de M. B... ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code pénal ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;

- le statut du personnel des chambres des métiers et de l'artisanat ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la chambre des métiers et de l'artisanat des Vosges et à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de M. B... ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 9 décembre 2020, présentée par la chambre des métiers et de l'artisanat des Vosges ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par un jugement du 10 mai 2016, le tribunal correctionnel d'Epinal a estimé que M. A... B..., secrétaire général de la chambre des métiers et de l'artisanat des Vosges, s'était rendu coupable des délits de détournement de fonds publics par une personne chargée d'une mission de service public et de prise illégale d'intérêt et l'a condamné à une peine d'emprisonnement de six mois assortie du sursis, au paiement d'une amende de 20 000 euros, et à la peine complémentaire d'interdiction d'exercer pendant une durée d'un an l'activité professionnelle ayant permis la commission de l'infraction. Ce jugement étant assorti de l'exécution provisoire, le président de la chambre des métiers et de l'artisanat des Vosges a, par arrêté du 21 septembre 2016, mis fin aux fonctions de M. B... et l'a radié des effectifs de la chambre. Saisi par l'intéressé d'une demande tendant à obtenir sa réintégration à l'issue de la période d'interdiction, il l'a rejetée, par une décision du 9 mai 2017. Par un jugement du 13 février 2018, le tribunal administratif de Nancy a rejeté les demandes de M. B... tendant à l'annulation des décisions des 21 septembre 2016 et 9 mai 2017. Par un arrêt du 24 octobre 2019, contre lequel la chambre des métiers et de l'artisanat des Vosges se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Nancy a annulé ce jugement, l'arrêté du 21 septembre 2016 et, par voie de conséquence, la décision du 9 mai 2017.

2. Pour annuler la décision prononçant la radiation de M. B..., la cour administrative d'appel de Nancy s'est fondée, d'une part, sur ce que sa condamnation pénale, bien qu'assortie de l'exécution provisoire, n'était pas définitive, et, d'autre part, sur ce que la peine complémentaire d'interdiction d'exercice pendant un an de l'activité professionnelle ayant permis la commission de l'infraction n'impliquait pas une rupture définitive et automatique de tout lien de l'intéressé avec le service, alors que celui-ci pouvait être régulièrement faire l'objet, en application de l'article 68 de son statut, d'une suspension provisoire durant toute la période de mise en oeuvre de cette peine complémentaire, assortie, le cas échéant, de l'engagement d'une procédure disciplinaire à raison des faits ayant donné lieu à la condamnation.

3. En statuant ainsi, alors, d'une part, que l'autorité administrative est tenue de tirer les conséquences que doit emporter la condamnation pénale exécutoire d'un agent à une peine d'interdiction d'exercer un emploi public, même en l'absence de disposition de son statut prévoyant cette hypothèse et, d'autre part, que M. B..., compte tenu de sa condamnation pour détournement de fonds publics par une personne chargée d'une mission de service public et prise illégale d'intérêt et de la nature de l'emploi de secrétaire général de l'établissement public qu'il occupait, ne pouvait bénéficier d'une mesure de reclassement sur un autre emploi au sein de la chambre quand bien même il aurait été suspendu en vue de l'exercice de poursuites disciplinaires, la cour a commis une erreur de droit. Il suit de là que la chambre des métiers et de l'artisanat des Vosges est fondée sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

4. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la chambre des métiers et de l'artisanat des Vosges, qui n'est pas la partie perdante, la somme que demande, à ce titre, M. B.... En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge M. B... une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés, au même titre, par la chambre des métiers et de l'artisanat des Vosges.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 24 octobre 2019 de la cour administrative d'appel de Nancy est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nancy.

Article 3 : M. B... versera la somme de 3 000 euros à la chambre des métiers et de l'artisanat des Vosges au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées au même titre par M. B... sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la chambre des métiers et de l'artisanat des Vosges et à M. A... B....


Synthèse
Numéro d'arrêt : 437034
Date de la décision : 10/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

COMMERCE - INDUSTRIE - INTERVENTION ÉCONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - ORGANISATION PROFESSIONNELLE DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES - CHAMBRES DES MÉTIERS - PERSONNEL - SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE CMA CONDAMNÉ À UNE PEINE COMPLÉMENTAIRE D'INTERDICTION D'EXERCER SON ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE DONT LE JUGE PÉNAL A DÉCIDÉ L'EXÉCUTION PROVISOIRE - 1) OBLIGATION POUR L'AUTORITÉ ADMINISTRATIVE D'EN TIRER LES CONSÉQUENCES - EXISTENCE [RJ1] - A) DÉFAUT DE DISPOSITION DU STATUT PRÉVOYANT CETTE HYPOTHÈSE - INCIDENCE - ABSENCE [RJ2] - B) CARACTÈRE NON DÉFINITIF DE LA CONDAMNATION - INCIDENCE - ABSENCE - DÈS LORS QUE LE JUGE PÉNAL EN A DÉCIDÉ L'EXÉCUTION PROVISOIRE [RJ3] - 2) POSSIBILITÉ DE SE BORNER À SUSPENDRE L'AGENT À TITRE PROVISOIRE - ABSENCE - À DÉFAUT DE POUVOIR LE RECLASSER.

14-06-02-03 Secrétaire général de chambre des métiers et de l'artisanat (CMA) frappé d'une peine complémentaire, dont le juge pénal a décidé l'exécution provisoire, d'interdiction pendant un an d'exercer l'activité professionnelle ayant permis la commission d'infractions.,,,1) L'autorité administrative est tenue de tirer les conséquences que doit emporter la condamnation exécutoire d'un agent à une peine d'interdiction d'exercer des fonctions publiques, a) même en l'absence de disposition de son statut prévoyant cette hypothèse et b) même si la peine n'est pas devenue définitive, le juge pénal en ayant décidé l'exécution provisoire.,,,2) Compte tenu de sa condamnation pour détournement de fonds publics par personne chargée d'une mission de service public et prise illégale d'intérêt, et de l'emploi de secrétaire général de CMA qu'il occupait, l'agent ne pouvait bénéficier d'une mesure de reclassement au sein de cet établissement public quand bien même il serait suspendu en vue de l'exercice de poursuites disciplinaires.,,,Dès lors, la décision prononçant sa radiation ne peut être annulée au motif que cet agent aurait pu régulièrement faire l'objet d'une suspension provisoire durant toute la période de mise en oeuvre de cette peine complémentaire, assortie, le cas échéant, de l'engagement d'une procédure disciplinaire à raison des faits ayant donné lieu à la condamnation.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - CESSATION DE FONCTIONS - RADIATION DES CADRES - SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE CMA CONDAMNÉ À UNE PEINE COMPLÉMENTAIRE D'INTERDICTION D'EXERCER SON ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE DONT LE JUGE PÉNAL A DÉCIDÉ L'EXÉCUTION PROVISOIRE - 1) OBLIGATION POUR L'AUTORITÉ ADMINISTRATIVE D'EN TIRER LES CONSÉQUENCES - EXISTENCE [RJ1] - A) DÉFAUT DE DISPOSITION DU STATUT PRÉVOYANT CETTE HYPOTHÈSE - INCIDENCE - ABSENCE [RJ2] - B) CARACTÈRE NON DÉFINITIF DE LA CONDAMNATION - INCIDENCE - ABSENCE - DÈS LORS QUE LE JUGE PÉNAL EN A DÉCIDÉ L'EXÉCUTION PROVISOIRE [RJ3] - 2) POSSIBILITÉ DE SE BORNER À SUSPENDRE L'AGENT À TITRE PROVISOIRE - ABSENCE - À DÉFAUT DE POUVOIR LE RECLASSER.

36-10-09 Secrétaire général de chambre des métiers et de l'artisanat (CMA) frappé d'une peine complémentaire, dont le juge pénal a décidé l'exécution provisoire, d'interdiction pendant un an d'exercer l'activité professionnelle ayant permis la commission d'infractions.,,,1) L'autorité administrative est tenue de tirer les conséquences que doit emporter la condamnation exécutoire d'un agent à une peine d'interdiction d'exercer des fonctions publiques, a) même en l'absence de disposition de son statut prévoyant cette hypothèse et b) même si la peine n'est pas devenue définitive, le juge pénal en ayant décidé l'exécution provisoire.,,,2) Compte tenu de sa condamnation pour détournement de fonds publics par personne chargée d'une mission de service public et prise illégale d'intérêt, et de l'emploi de secrétaire général de CMA qu'il occupait, l'agent ne pouvait bénéficier d'une mesure de reclassement au sein de cet établissement public quand bien même il serait suspendu en vue de l'exercice de poursuites disciplinaires.,,,Dès lors, la décision prononçant sa radiation ne peut être annulée au motif que cet agent aurait pu régulièrement faire l'objet d'une suspension provisoire durant toute la période de mise en oeuvre de cette peine complémentaire, assortie, le cas échéant, de l'engagement d'une procédure disciplinaire à raison des faits ayant donné lieu à la condamnation.

JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET JUDICIAIRES - EXÉCUTION DES JUGEMENTS - EXÉCUTION DES PEINES - CONDAMNATION D'UN SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE CMA À UNE PEINE COMPLÉMENTAIRE D'INTERDICTION D'EXERCER SON ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE DONT LE JUGE PÉNAL A DÉCIDÉ L'EXÉCUTION PROVISOIRE - 1) OBLIGATION POUR L'AUTORITÉ ADMINISTRATIVE D'EN TIRER LES CONSÉQUENCES - EXISTENCE [RJ1] - A) DÉFAUT DE DISPOSITION DU STATUT PRÉVOYANT CETTE HYPOTHÈSE - INCIDENCE - ABSENCE [RJ2] - B) CARACTÈRE NON DÉFINITIF DE LA CONDAMNATION - INCIDENCE - ABSENCE - DÈS LORS QUE LE JUGE PÉNAL EN A DÉCIDÉ L'EXÉCUTION PROVISOIRE [RJ3] - 2) POSSIBILITÉ DE SE BORNER À SUSPENDRE L'AGENT À TITRE PROVISOIRE - ABSENCE - À DÉFAUT DE POUVOIR LE RECLASSER.

37-05-02 Secrétaire général de chambre des métiers et de l'artisanat (CMA) frappé d'une peine complémentaire, dont le juge pénal a décidé l'exécution provisoire, d'interdiction pendant un an d'exercer l'activité professionnelle ayant permis la commission d'infractions.,,,1) L'autorité administrative est tenue de tirer les conséquences que doit emporter la condamnation exécutoire d'un agent à une peine d'interdiction d'exercer des fonctions publiques, a) même en l'absence de disposition de son statut prévoyant cette hypothèse et b) même si la peine n'est pas devenue définitive, le juge pénal en ayant décidé l'exécution provisoire.,,,2) Compte tenu de sa condamnation pour détournement de fonds publics par personne chargée d'une mission de service public et prise illégale d'intérêt, et de l'emploi de secrétaire général de CMA qu'il occupait, l'agent ne pouvait bénéficier d'une mesure de reclassement au sein de cet établissement public quand bien même il serait suspendu en vue de l'exercice de poursuites disciplinaires.,,,Dès lors, la décision prononçant sa radiation ne peut être annulée au motif que cet agent aurait pu régulièrement faire l'objet d'une suspension provisoire durant toute la période de mise en oeuvre de cette peine complémentaire, assortie, le cas échéant, de l'engagement d'une procédure disciplinaire à raison des faits ayant donné lieu à la condamnation.


Références :

[RJ1]

Cf. Section, 3 janvier 1936, Sieur,, n° 34858, p. 3.,,

[RJ2]

Rappr., s'agissant d'une privation de droit civique et en tant qu'elle consacre un principe général, CE, 28 mai 1982,,, n° 25468, p. 192.,,

[RJ3]

Rappr., s'agissant d'une peine complémentaire d'inéligibilité dont le juge pénal a décidé l'exécution provisoire, CE, 30 juin 2012,,, n° 356865, p. 249.


Publications
Proposition de citation : CE, 10 déc. 2020, n° 437034
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Avocat(s) : SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE ; SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:437034.20201210
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