Vu la procédure suivante :
La fédération CGT de la santé et de l'action sociale a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au ministre des solidarités et de la santé, d'une part, de lui assurer un traitement égal à celui des autres organisations représentatives en la conviant sans délai aux réunions du comité de suivi et à l'ensemble des groupes de travail mis en place à la suite des accords du 13 juillet 2020 dits du " Ségur de la santé ", sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et, d'autre part, de lui communiquer l'ensemble des comptes rendus établis pour toutes les réunions qui se sont tenues dans le cadre du suivi des accords du 13 juillet 2020. Par une ordonnance n° 2017226 du 23 octobre 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a enjoint au ministre des solidarités et de la santé de convier la fédération CGT de la santé et de l'action sociale aux réunions du comité de suivi et des groupes de travail issus de l'accord du 13 juillet 2020 et rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Par un recours, enregistré le 6 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre des solidarités et de la santé demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de rejeter la demande de première instance de la fédération CGT de la santé et de l'action sociale.
Il soutient que :
- le litige conserve son objet ;
- contrairement à ce qu'a jugé à tort le juge des référés du tribunal administratif, le comité de suivi de l'accord du 13 juillet 2020 sur la fonction publique hospitalière, ayant pour seul objet de suivre la mise en oeuvre des mesures retenues par cet accord, s'inscrit dans le strict cadre de cet office, sans disposer d'aucun pouvoir de négociation ni avoir vocation à se substituer aux instances de concertation compétentes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2020, la fédération CGT de la santé et de l'action sociale conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à ce qu'il soit entièrement fait droit à ses conclusions de première instance. Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre des solidarités et de la santé ne sont pas fondés et que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif a estimé qu'il n'y avait pas d'urgence à ce que lui soient communiqués les comptes rendus des réunions précédentes du comité de suivi.
La fédération des personnels des services publics et des services de santé Force ouvrière a présenté des observations, enregistrées le 18 novembre 2020.
La fédération des services de santé et des services sociaux de la Confédération française démocratique du travail a présenté des observations, enregistrées le 18 novembre 2020.
L'Union nationale des syndicats autonomes Santé et sociaux a présenté des observations, enregistrées le 18 novembre 2020.
La Fédération hospitalière de France a présenté des observations, enregistrées le 18 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son préambule ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le ministre des solidarités et de la santé, d'autre part, la fédération CGT de la santé et de l'action sociale, enfin, la fédération des personnels des services publics et des services de santé Force ouvrière, la fédération des services de santé et des services sociaux de la Confédération française démocratique du travail, l'Union nationale des syndicats autonomes Santé et sociaux et la Fédération hospitalière de France ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 20 novembre 2020 à 15 heures :
Me Coudray, avocat au Conseil d'Etat et à la cour de Cassation, représentant de la fédération CGT de la santé et de l'action sociale ;
les représentants du ministre des solidarités et de la santé ;
les représentants de la fédération CGT de la santé et de l'action sociale ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au même jour à 20 heures, puis au 23 novembre 2020 à 11 heures.
Vu le nouveau mémoire, présenté le 20 novembre 2020 par le ministre des solidarités et de la santé, qui reprend les conclusions de sa requête ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ".
2. Il résulte de l'instruction que, le 13 juillet 2020, un accord relatif à la fonction publique hospitalière a été conclu au titre du " Ségur de la santé " entre l'Etat, la Fédération hospitalière de France et trois organisations représentatives de fonctionnaires hospitaliers en vue de " rendre attractive la fonction publique hospitalière ", convenant de mesures relatives, d'une part, aux carrières et aux rémunérations, d'autre part, aux organisations et environnements de travail. Cet accord prévoit la mise en place d'un " comité de suivi " chargé " de suivre l'avancement de chacune [des] mesures " convenues " et le respect de chacune des échéances fixées " par l'accord " et [de] les aménager le cas échéant ", ainsi que de groupes de travail, ce comité de suivi et ces groupes de travail étant composés des organisations signataires de l'accord et des représentants du ministre chargé de la santé. La fédération CGT de la santé et de l'action sociale, qui n'est pas au nombre des organisations signataires, a demandé le 17 septembre 2020 au ministre des solidarités et de la santé de ne pas tenir compte des clauses de l'accord réservant la participation à ce comité de suivi et aux groupes de travails aux seules organisations signataires de cet accord et de la convier à y participer en sa qualité, non contestée, d'organisation syndicale représentative. Le juge des référés du tribunal administratif de Paris, saisi en l'absence de réponse du ministre par cette fédération sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a, par une ordonnance du 23 octobre 2020, enjoint au ministre des solidarités et de la santé de convier la fédération CGT de la santé et de l'action sociale aux réunions du comité de suivi et des groupes de travail issus de l'accord du 13 juillet 2020 et rejeté le surplus des conclusions de la demande, tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de communiquer à la fédération requérante l'ensemble des comptes rendus établis pour toutes les réunions déjà tenues. Le ministre des solidarités et de la santé relève appel de cette ordonnance en tant qu'elle prononce une injonction à son encontre. La fédération CGT de la santé et de l'action sociale conclut, par la voie de l'appel incident, à ce qu'il soit fait droit au surplus de ses conclusions de première instance.
3. Aux termes du premier alinéa de l'article 8 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Le droit syndical est garanti aux fonctionnaires (...)" et aux termes de l'article 8 bis de la même loi " I.- Les organisations syndicales de fonctionnaires ont qualité pour participer au niveau national à des négociations relatives à l'évolution des rémunérations et du pouvoir d'achat des agents publics avec les représentants du Gouvernement, les représentants des employeurs publics territoriaux et les représentants des employeurs publics hospitaliers. / II.- Les organisations syndicales de fonctionnaires ont également qualité pour participer, avec les autorités compétentes, à des négociations relatives : / 1° Aux conditions et à l'organisation du travail (...) ; / 2° Au déroulement des carrières et à la promotion professionnelle ; (...) / III.- Sont appelées à participer aux négociations mentionnées aux I et II les organisations syndicales disposant d'au moins un siège dans les organismes consultatifs au sein desquels s'exerce la participation des fonctionnaires et qui sont déterminées en fonction de l'objet et du niveau de la négociation. / Une négociation dont l'objet est de mettre en oeuvre à un niveau inférieur un accord conclu au niveau supérieur ne peut que préciser ce dernier ou en améliorer l'économie générale dans le respect de ses stipulations essentielles. / IV.- Un accord est valide s'il est signé par une ou plusieurs organisations syndicales de fonctionnaires ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur des organisations habilitées à négocier lors des dernières élections professionnelles organisées au niveau auquel l'accord est négocié. " Ces dispositions impliquent, au titre du droit syndical reconnu par le sixième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère celui de la Constitution du 4 octobre 1958, qui constitue une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, le droit, pour toute organisation syndicale de fonctionnaires représentative au sens du III de l'article 8 bis de la loi du 13 juillet 1983, de participer à des négociations ouvertes au niveau national sur un objet mentionné au I ou au II du même article, alors même que l'accord conclu au terme de telles négociations ne lie par l'administration et ne se substitue pas à la concertation à laquelle sa mise en oeuvre législative ou réglementaire demeure le cas échéant subordonnée.
4. Il résulte en l'espèce de l'instruction, comme des stipulations mêmes de l'accord du 13 juillet 2020, que celui-ci, d'une part, dresse la liste de vingt mesures convenues entre les signataires de l'accord et, d'autre part, détermine des sujets devant faire l'objet de mesures à définir. Le seul suivi de l'avancement de la mise en oeuvre des mesures déjà prévues par l'accord et du respect des échéances fixées par celui-ci, le cas échéant en y consentant de simples aménagements ainsi que le permet l'accord, ne peut être regardé comme ouvrant une négociation au sens du point précédent. En l'état de l'instruction, il n'apparaît pas qu'il en irait différemment, à ce jour, de l'examen, par les " groupes de travail " rattachés au comité de suivi, du détail technique de cette mise en oeuvre pour les catégories et corps de fonctionnaires relevant du champ de ces mesures, notamment s'agissant de la revalorisation des grilles de rémunération et de la rénovation du régime indemnitaire, dès lors que cette mise en oeuvre, opérée dans le cadre des principes suffisamment précis fixés par l'accord lors de la négociation nationale ayant conduit à sa conclusion, demeure exclusive de l'ouverture, à l'occasion de son examen, de toute nouvelle négociation relevant des champs définis à l'article 8 bis de la loi du 13 juillet 1983. Enfin, si l'accord du 13 juillet 2020 prévoit par ailleurs la conduite de travaux spécifiques, notamment " sur la situation particulière des agents et des salariés des établissements sociaux et services médico-sociaux ", " sur l'évolution des métiers des ambulanciers et des assistants de régulation médicale ", sur " la revalorisation des indemnités pour travail de nuit et dimanche et jours fériés ", un état des lieux sur la formation, ou encore le développement de la négociation dans les établissements, il résulte tant de ses stipulations que des précisions apportées au cours de l'audience que ces travaux n'ont pas vocation à être confiés au comité de suivi et aux groupes de travail qui lui sont rattachés mais à des personnes ou instances tierces, en vue de la préparation de mesures à venir restant à définir, soumises le cas échéant à concertation.
5. Aucune atteinte grave et manifestement illégale à la liberté syndicale n'apparaissant dans ces conditions caractérisée du fait de l'absence de convocation de la fédération CGT de la santé et de l'action sociale aux réunions du comité de suivi et des groupes de travail issus de l'accord du 13 juillet 2020 relatif à la fonction publique hospitalière, le ministre des solidarités et de la santé est fondé à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Paris a fait droit aux conclusions de cette fédération tendant, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, à ce qu'il lui soit enjoint de la convier à ces réunions, de sorte que son ordonnance doit être annulée pour ce motif et ces conclusions de la fédération rejetées. Les conclusions de la fédération CGT de la santé et de l'action sociale présentées par la voie de l'appel incident ne peuvent, dès lors, qu'être également rejetées.
O R D O N N E :
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Article 1er : L'ordonnance du 23 octobre 2020 du juge des référés du tribunal administratif de Paris est annulée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la fédération CGT de la santé et de l'action sociale en première instance et en appel sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre des solidarités et de la santé et à la fédération CGT de la santé et de l'action sociale.
Copie en sera adressée à la fédération des personnels des services publics et des services de santé Force ouvrière, à la fédération des services de santé et des services sociaux de la Confédération française démocratique du travail, à l'Union nationale des syndicats autonomes Santé et sociaux et à la Fédération hospitalière de France.