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13/11/2020 | FRANCE | N°438220

France | France, Conseil d'État, 13 novembre 2020, 438220


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Valeurs Culinaires a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler le marché, ayant pour objet la fourniture de tous éléments bruts ou cuisinés et produits consommables et l'exécution d'une mission d'assistance technique aux opérations de restauration, conclu le 11 août 2015 par le groupement de coopération sanitaire du Nord-Ouest Touraine avec la société Sogeres et de condamner ce groupement à lui verser la somme de 209 292,60 euros correspondant à son manque à gagner sur trois a

ns. Par un jugement n° 1503332 du 16 février 2017, le tribunal administratif d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Valeurs Culinaires a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler le marché, ayant pour objet la fourniture de tous éléments bruts ou cuisinés et produits consommables et l'exécution d'une mission d'assistance technique aux opérations de restauration, conclu le 11 août 2015 par le groupement de coopération sanitaire du Nord-Ouest Touraine avec la société Sogeres et de condamner ce groupement à lui verser la somme de 209 292,60 euros correspondant à son manque à gagner sur trois ans. Par un jugement n° 1503332 du 16 février 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 17NT01247 du 6 juillet 2018, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de la société Valeurs Culinaires, annulé ce jugement et condamné le groupement de coopération sanitaire à lui verser une somme de 200 000 euros en réparation du manque à gagner qu'elle a subi.

Par une décision n° 423936 du 2 décembre 2019, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt en tant qu'il faisait droit aux conclusions de la requête d'appel de la société Valeurs Culinaires tendant à l'indemnisation de son manque à gagner pour une durée supérieure à douze mois et, réglant l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, a ramené à la somme de 66 666,66 euros le montant de la condamnation du groupement de coopération sanitaire.

Recours en tierce opposition

Par une requête en tierce opposition, enregistrée le 3 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Valeurs Culinaires demande au Conseil d'Etat :

1°) de déclarer non avenue sa décision n° 423936 du 2 décembre 2019 ;

2°) de rejeter le pourvoi du groupement de coopération sanitaire du Nord-Ouest Touraine ;

3°) de mettre à la charge du groupement de coopération sanitaire du Nord-Ouest Touraine la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Guillaume Leforestier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société Valeurs Culinaires et au Cabinet Colin-Stoclet, avocat du groupement de coopération sanitaire du Nord-Ouest ;

Considérant ce qui suit :

1. En vertu des dispositions de l'article R. 832-1 du code de justice administrative, toute personne qui n'a été ni appelée, ni représentée dans l'instance peut former tierce opposition à une décision du Conseil d'Etat rendue en matière contentieuse. Cette voie de rétractation est ouverte à ceux qui se prévalent d'un droit auquel la décision entreprise aurait préjudicié.

2. Par une décision en date du 2 décembre 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 6 juillet 2018 en tant qu'il faisait droit aux conclusions de la requête de la société Valeurs Culinaires tendant à l'indemnisation de son manque à gagner pour une durée supérieure à douze mois et, réglant l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, a ramené à la somme de 66 666,66 euros le montant que le groupement de coopération sanitaire du Nord-Ouest Touraine était condamné à verser à cette société.

Sur la recevabilité de la tierce opposition :

3. D'une part, la société Valeurs Culinaires, qui était demanderesse en appel et dont l'indemnisation a été réduite par la décision du Conseil d'Etat du 2 décembre 2019, se prévaut d'un droit auquel cette décision a préjudicié.

4. D'autre part, le pourvoi du groupement de coopération sanitaire dirigé contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 6 juillet 2018 a été communiqué par lettre recommandée avec accusé de réception au 23, rue Briçonnet, à Tours, qui était l'adresse de l'ancien siège social de la société Valeurs Culinaires. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 9 août 2018, qui a été versé au dossier de la procédure, la société Valeurs Culinaires a informé le greffe de la cour administrative d'appel de Nantes du transfert de son siège social au 27, rue Mansart, à Joué-lès-Tours. Dès lors, la société Valeurs Culinaires, qui n'a pas été représentée à l'instance, n'y a pas été régulièrement appelée. Dans ces conditions, sa tierce opposition est recevable.

Sur le bien-fondé de la tierce opposition :

5. Lorsqu'il est saisi par une entreprise qui a droit à l'indemnisation de son manque à gagner du fait de son éviction irrégulière à l'attribution d'un marché, il appartient au juge d'apprécier dans quelle mesure ce préjudice présente un caractère certain. Dans le cas où le marché est susceptible de faire l'objet d'une ou de plusieurs reconductions si le pouvoir adjudicateur ne s'y oppose pas, le manque à gagner ne revêt un caractère certain qu'en tant qu'il porte sur la période d'exécution initiale du contrat, et non sur les périodes ultérieures qui ne peuvent résulter que d'éventuelles reconductions.

6. Le groupement de coopération sanitaire du Nord-Ouest Touraine demandait au Conseil d'Etat l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes qui a estimé que l'indemnisation du manque à gagner de la société Valeurs Culinaires devait être calculée sur une période totale de trois ans correspondant à la période d'exécution initiale ainsi qu'aux deux années supplémentaires susceptibles de faire l'objet de reconductions. D'une part, ainsi que l'a relevé le Conseil d'Etat, dans sa décision du 2 décembre 2019, en statuant ainsi, alors que le marché faisant l'objet de la procédure de passation litigieuse était conclu pour une période d'exécution initiale de douze mois, renouvelable deux fois, et que par suite le manque à gagner susceptible de donner lieu à l'indemnisation de la société Valeurs Culinaires ne pouvait revêtir de caractère certain que pour la période initiale de douze mois, la cour a commis une erreur de droit. D'autre part, contrairement à ce qui est soutenu à titre subsidiaire par la société requérante, il ne ressort nullement des pièces du dossier que la reconduction du marché dans les périodes pouvant faire l'objet d'une reconduction tacite revêtait un caractère certain. Il s'ensuit que la société Valeurs Culinaires n'est pas fondée à soutenir qu'elle devait être indemnisée au titre de la perte de chance de poursuivre l'exécution du marché pendant la période issue de sa reconduction.

7. Il résulte de ce qui précède que la requête de la société Valeurs Culinaires doit être rejetée.

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le groupement de coopération sanitaire du Nord-Ouest Touraine au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du groupement de coopération sanitaire du Nord-Ouest Touraine qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société Valeurs Culinaires est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du groupement de coopération sanitaire du Nord-Ouest Touraine présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Valeurs Culinaires et au groupement de coopération sanitaire du Nord-Ouest Touraine.

Copie en sera adressée à la société Sogeres.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 13 nov. 2020, n° 438220
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; CABINET COLIN-STOCLET

Origine de la décision
Date de la décision : 13/11/2020
Date de l'import : 19/11/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 438220
Numéro NOR : CETATEXT000042520646 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2020-11-13;438220 ?
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