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06/11/2020 | FRANCE | N°439003

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 06 novembre 2020, 439003


Vu la procédure suivante :

Mme F... D..., veuve A..., a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 2 octobre 2014 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande d'indemnisation, en qualité d'ayant droit de M. C... A..., présentée sur le fondement des dispositions de la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français et d'enjoindre au ministre de la défense et au Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) de procéder à l'évaluation et à l'i

ndemnisation des préjudices subis par M. A.... Par un jugement n° 140541...

Vu la procédure suivante :

Mme F... D..., veuve A..., a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 2 octobre 2014 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande d'indemnisation, en qualité d'ayant droit de M. C... A..., présentée sur le fondement des dispositions de la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français et d'enjoindre au ministre de la défense et au Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) de procéder à l'évaluation et à l'indemnisation des préjudices subis par M. A.... Par un jugement n° 1405413 du 22 novembre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision en litige et enjoint au CIVEN de proposer à Mme D... une indemnisation tendant à la réparation intégrale, comprenant les intérêts au taux légal, des préjudices subis suite au décès de son époux dans un délai de trois mois.

Par un arrêt n° 18BX00316 du 19 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la ministre des armées contre ce jugement.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 février et 3 septembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre des armées demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 ;

- la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 ;

- la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 ;

- la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 ;

- le décret n° 2014-1049 du 15 septembre 2014 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme B... E..., auditrice,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de Mme D... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... a été affecté sur le site d'expérimentations nucléaires de Mururoa en Polynésie du 24 mai 1983 au 6 juin 1984 en tant que chef de section spécialisé en matériel de télécommunications, période durant laquelle neuf essais nucléaires souterrains ont été réalisés. Un sarcome gastrique lui a été diagnostiqué en 1997, des suites duquel il est décédé la même année. Sa veuve a présenté une demande d'indemnisation sur le fondement de la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français. Par une décision du 2 octobre 2014, le ministre de la défense a rejeté sa demande au motif que le risque attribuable aux essais nucléaires dans la survenue de sa maladie pouvait être qualifié de négligeable. Cette décision a été annulée, à la demande de Mme D..., veuve A..., par un jugement du tribunal administratif de Toulouse du 22 novembre 2017, qui a enjoint au Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) d'accorder une indemnité à l'intéressée. La ministre des armées se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 19 décembre 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté son appel dirigé contre ce jugement.

2. Aux termes de l'article 1er de la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français : " I. Toute personne souffrant d'une maladie radio-induite résultant d'une exposition à des rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français et inscrite sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat conformément aux travaux reconnus par la communauté scientifique internationale peut obtenir réparation intégrale de son préjudice dans les conditions prévues par la présente loi. / II. Si la personne est décédée, la demande de réparation peut être présentée par ses ayants droit. (...) ". Aux termes de l'article 2 de cette même loi : " La personne souffrant d'une pathologie radio-induite doit avoir résidé ou séjourné : / 1° Soit entre le 13 février 1960 et le 31 décembre 1967 au Centre saharien des expérimentations militaires, ou entre le 7 novembre 1961 et le 31 décembre 1967 au Centre d'expérimentations militaires des oasis ou dans les zones périphériques à ces centres ; / 2° Soit entre le 2 juillet 1966 et le 31 décembre 1998 en Polynésie française. / (...) ". Aux termes du I de l'article 4 de la même loi : " Les demandes individuelles d'indemnisation sont soumises au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (...) ".

3. En vertu du V du même article 4, dans sa rédaction résultant de l'article 113 de la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, dont les dispositions sont applicables aux instances en cours à la date de son entrée en vigueur, soit le lendemain de la publication de la loi au Journal officiel de la République française : " V. - Ce comité examine si les conditions de l'indemnisation sont réunies. Lorsqu'elles le sont, l'intéressé bénéficie d'une présomption de causalité (...) ".

4. Aux termes du premier alinéa du V du même article, dans sa rédaction issue du 2° du I de l'article 232 de la loi du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 : " Ce comité examine si les conditions sont réunies. Lorsqu'elles le sont, l'intéressé bénéficie d'une présomption de causalité, à moins qu'il ne soit établi que la dose annuelle de rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français reçue par l'intéressé a été inférieure à la limite de dose efficace pour l'exposition de la population à des rayonnements ionisants fixée dans les conditions prévues au 3° de l'article L. 1333-2 du code de la santé publique ". Aux termes du I de l'article R. 1333-11 du code de la santé publique : " Pour l'application du principe de limitation défini au 3° de l'article L. 1333-2, la limite de dose efficace pour l'exposition de la population à des rayonnements ionisants résultant de l'ensemble des activités nucléaires est fixée à 1 mSv par an, à l'exception des cas particuliers mentionnés à l'article R. 1333-12 ". Enfin, aux termes de l'article 57 de la loi du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire : " Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, le b du 2° du I de l'article 232 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 est applicable aux demandes déposées devant le comité d'indemnisation des victimes d'essais nucléaires avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 précitée ".

5. En modifiant les dispositions du V de l'article 4 de la loi du 5 janvier 2010 issues de l'article 113 de la loi du 28 février 2017, l'article 232 de la loi du 28 décembre 2018 élargit la possibilité, pour l'administration, de combattre la présomption de causalité dont bénéficient les personnes qui demandent une indemnisation lorsque les conditions de celle-ci sont réunies. Il doit être regardé, en l'absence de dispositions transitoires, comme ne s'appliquant qu'aux demandes qui ont été déposées après son entrée en vigueur, intervenue le lendemain de la publication de la loi du 28 décembre 2018 au Journal officiel de la République française.

6. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que Mme D... a déposé sa demande d'indemnisation au CIVEN le 29 octobre 2012. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 qu'en faisant application des dispositions de la loi du 5 janvier 2010 dans leur rédaction issue de la loi du 28 décembre 2018, alors qu'à la date à laquelle elle a statué étaient applicables les dispositions issues de la loi du 28 février 2017, la cour administrative d'appel de Bordeaux a méconnu le champ d'application de la loi. Dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'arrêt attaqué doit être annulé.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

8. Il résulte des dispositions de la loi 5 janvier 2010 citées au point 4, dans leur rédaction issue de la loi du 28 décembre 2018, applicables, en vertu de l'article 57 de la loi du 17 juin 2020, à la date à laquelle le Conseil d'Etat règle au fond la présente affaire, que le législateur a entendu que, dès lors qu'un demandeur satisfait aux conditions de temps, de lieu et de pathologie prévues par l'article 2 de la loi du 5 janvier 2010 modifiée, il bénéficie de la présomption de causalité entre l'exposition aux rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français et la survenance de sa maladie. Cette présomption ne peut être renversée que si l'administration établit que la dose annuelle de rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français reçue par l'intéressé a été inférieure à la limite de 1 millisievert (mSv). Si, pour le calcul de cette dose, l'administration peut utiliser les résultats des mesures de surveillance de la contamination tant interne qu'externe des personnes exposées, qu'il s'agisse de mesures individuelles ou collectives en ce qui concerne la contamination externe, il lui appartient de vérifier, avant d'utiliser ces résultats, que les mesures de surveillance de la contamination interne et externe ont, chacune, été suffisantes au regard des conditions concrètes d'exposition de l'intéressé. En l'absence de mesures de surveillance de la contamination interne ou externe et en l'absence de données relatives au cas des personnes se trouvant dans une situation comparable à celle du demandeur du point de vue du lieu et de la date de séjour, il appartient à l'administration de vérifier si, au regard des conditions concrètes d'exposition de l'intéressé précisées ci-dessus, de telles mesures auraient été nécessaires. Si tel est le cas, l'administration ne peut être regardée comme rapportant la preuve de ce que la dose annuelle de rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français reçue par l'intéressé a été inférieure à la limite de 1 mSv.

9. Il résulte de l'instruction que M. A... a séjourné dans des lieux et pendant une période définie par l'article 2 de la loi du 5 janvier 2010. La pathologie dont il souffre figure sur la liste annexée au décret du 15 septembre 2014. Il bénéficie donc d'une présomption de causalité entre l'exposition aux rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français et la survenue de sa maladie.

10. La ministre des armées fait valoir que la dosimétrie d'ambiance dans la zone où se trouvait M. A... n'a pas révélé de niveau anormal de rayonnements ionisants et que M. A... a subi un examen de sortie anthropogammamétrique, le 28 mai 1984, qui a conclu à un indice de tri de 0,98 correspondant à une valeur " normale ". Elle produit également des données relatives au cas des personnes qui se trouvaient dans des zones sous rayonnements ionisants, plus exposées que celle où était affectée M. A..., durant la période de son séjour.

11. Il résulte de l'instruction que, sur la zone de Mururoa où M. A... était affecté, d'une part, un cyclone a dégradé, en 1981, le goudron destiné à fixer et à confiner le plutonium et, d'autre part, des rejets de gaz et d'iode ont été constatés durant les essais " Burisis " du 18 juin 1983 et " Midas " du 12 mai 1984, effectués pendant son séjour. Ainsi, eu égard aux conditions concrètes d'exposition de l'intéressé, compte tenu des circonstances qui viennent d'être rappelées, les résultats de la dosimétrie d'ambiance et l'unique examen individuel dont a bénéficié M. A... ne peuvent suffire à établir qu'il aurait reçu une dose annuelle de rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français inférieure à la limite de 1 mSv par an, en l'absence, d'une part, d'autres mesures de surveillance individuelle de la contamination interne ou externe et, d'autre part, de données relatives au cas de personnes se trouvant dans une situation comparable à celle du demandeur du point de vue du lieu et de la date de séjour.

12. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 22 novembre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a annulé sa décision du 2 octobre 2014 et a enjoint au CIVEN d'accorder une indemnité à Mme D....

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros à verser à Mme D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre de la procédure devant la cour administrative d'appel et le Conseil d'Etat.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 19 décembre 2019 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.

Article 2 : La requête d'appel de la ministre des armées est rejetée.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 4 500 euros à Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la ministre des armées et à Mme F... D....

Copie en sera adressée au Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires.


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 439003
Date de la décision : 06/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - APPLICATION DANS LE TEMPS - TEXTE APPLICABLE - INDEMNISATION DES VICTIMES DES ESSAIS NUCLÉAIRES - PRÉSOMPTION DE CAUSALITÉ - RÉGIME ISSU DE L'ARTICLE 232 DE LA LOI DU 28 DÉCEMBRE 2018 - APPLICATION AUX INSTANCES EN COURS - EXISTENCE - EN VERTU DE L'ARTICLE 57 DE LA LOI DU 17 JUIN 2020 [RJ1].

01-08-03 Le V de l'article 4 de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010, relatif au régime de présomption de causalité pour l'indemnisation des victimes des essais nucléaires, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 est applicable aux instances en cours en vertu de l'article 57 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020.

ARMÉES ET DÉFENSE - INDEMNISATION DES VICTIMES DES ESSAIS NUCLÉAIRES - PRÉSOMPTION DE CAUSALITÉ - 1) RÉGIME ISSU DE L'ARTICLE 232 DE LA LOI DU 28 DÉCEMBRE 2018 - APPLICATION AUX INSTANCES EN COURS - EXISTENCE - EN VERTU DE L'ARTICLE 57 DE LA LOI DU 17 JUIN 2020 [RJ1] - 2) RENVERSEMENT DE LA PRÉSOMPTION [RJ2] - A) PRINCIPE - ADMINISTRATION DEVANT ÉTABLIR QUE LA DOSE ANNUELLE REÇUE PAR L'INTÉRESSÉ A ÉTÉ INFÉRIEURE À 1 MSV - B) MODALITÉS DE PREUVE - I) CAS OÙ L'ADMINISTRATION DISPOSE DE MESURES DE SURVEILLANCE DE LA CONTAMINATION INTERNE ET EXTERNE DES PERSONNES EXPOSÉES - II) CAS CONTRAIRE.

08-20 1) Il résulte du V de l'article 4 de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010, relatif au régime de présomption de causalité pour l'indemnisation des victimes des essais nucléaires, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018, applicable, en vertu de l'article 57 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020, à la date à laquelle le Conseil d'Etat règle au fond la présente affaire, que le législateur a entendu que, dès lors qu'un demandeur satisfait aux conditions de temps, de lieu et de pathologie prévues par l'article 2 de la loi du 5 janvier 2010 modifiée, il bénéficie de la présomption de causalité entre l'exposition aux rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français et la survenance de sa maladie.... ,,2) a) Cette présomption ne peut être renversée que si l'administration établit que la dose annuelle de rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français reçue par l'intéressé a été inférieure à la limite de 1 millisievert (mSv).... ,,b) i) Si, pour le calcul de cette dose, l'administration peut utiliser les résultats des mesures de surveillance de la contamination tant interne qu'externe des personnes exposées, qu'il s'agisse de mesures individuelles ou collectives en ce qui concerne la contamination externe, il lui appartient de vérifier, avant d'utiliser ces résultats, que les mesures de surveillance de la contamination interne et externe ont, chacune, été suffisantes au regard des conditions concrètes d'exposition de l'intéressé.... ,,ii) En l'absence de mesures de surveillance de la contamination interne ou externe et en l'absence de données relatives au cas des personnes se trouvant dans une situation comparable à celle du demandeur du point de vue du lieu et de la date de séjour, il appartient à l'administration de vérifier si, au regard des conditions concrètes d'exposition de l'intéressé précisées ci-dessus, de telles mesures auraient été nécessaires. Si tel est le cas, l'administration ne peut être regardée comme rapportant la preuve de ce que la dose annuelle de rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français reçue par l'intéressé a été inférieure à la limite de 1 mSv.

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITÉ EN RAISON DES DIFFÉRENTES ACTIVITÉS DES SERVICES PUBLICS - SERVICE DE L'ARMÉE - INDEMNISATION DES VICTIMES DES ESSAIS NUCLÉAIRES - PRÉSOMPTION DE CAUSALITÉ - 1) RÉGIME ISSU DE L'ARTICLE 232 DE LA LOI DU 28 DÉCEMBRE 2018 - APPLICATION AUX INSTANCES EN COURS - EXISTENCE - EN VERTU DE L'ARTICLE 57 DE LA LOI DU 17 JUIN 2020 [RJ1] - 2) RENVERSEMENT DE LA PRÉSOMPTION [RJ2] - A) PRINCIPE - ADMINISTRATION DEVANT ÉTABLIR QUE LA DOSE ANNUELLE REÇUE PAR L'INTÉRESSÉ A ÉTÉ INFÉRIEURE À 1 MSV - B) MODALITÉS DE PREUVE - I) CAS OÙ L'ADMINISTRATION DISPOSE DE MESURES DE SURVEILLANCE DE LA CONTAMINATION INTERNE ET EXTERNE DES PERSONNES EXPOSÉES - II) CAS CONTRAIRE.

60-02-08 1) Il résulte du V de l'article 4 de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010, relatif au régime de présomption de causalité pour l'indemnisation des victimes des essais nucléaires, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018, applicable, en vertu de l'article 57 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020, à la date à laquelle le Conseil d'Etat règle au fond la présente affaire, que le législateur a entendu que, dès lors qu'un demandeur satisfait aux conditions de temps, de lieu et de pathologie prévues par l'article 2 de la loi du 5 janvier 2010 modifiée, il bénéficie de la présomption de causalité entre l'exposition aux rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français et la survenance de sa maladie.... ,,2) a) Cette présomption ne peut être renversée que si l'administration établit que la dose annuelle de rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français reçue par l'intéressé a été inférieure à la limite de 1 millisievert (mSv).... ,,b) i) Si, pour le calcul de cette dose, l'administration peut utiliser les résultats des mesures de surveillance de la contamination tant interne qu'externe des personnes exposées, qu'il s'agisse de mesures individuelles ou collectives en ce qui concerne la contamination externe, il lui appartient de vérifier, avant d'utiliser ces résultats, que les mesures de surveillance de la contamination interne et externe ont, chacune, été suffisantes au regard des conditions concrètes d'exposition de l'intéressé.... ,,ii) En l'absence de mesures de surveillance de la contamination interne ou externe et en l'absence de données relatives au cas des personnes se trouvant dans une situation comparable à celle du demandeur du point de vue du lieu et de la date de séjour, il appartient à l'administration de vérifier si, au regard des conditions concrètes d'exposition de l'intéressé précisées ci-dessus, de telles mesures auraient été nécessaires. Si tel est le cas, l'administration ne peut être regardée comme rapportant la preuve de ce que la dose annuelle de rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français reçue par l'intéressé a été inférieure à la limite de 1 mSv.


Références :

[RJ1]

Comp., avant l'entrée en vigueur de cette loi, CE, 27 janvier 2020, Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires, n° 429574, à mentionner aux Tables., ,

[RJ2]

Rappr., sous l'empire du V de l'article 4 de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 avant sa modification par l'article 113 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017, CE, 7 décembre 2015, Mme,, n° 378325, p. 432. Comp., après cette modification et avant celle portée par l'article 232 de la loi du 28 décembre 2018, CE, 28 juin 2017, M.,dit,, n° 409777, p. 207.


Publications
Proposition de citation : CE, 06 nov. 2020, n° 439003
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Cécile Renault
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Avocat(s) : SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:439003.20201106
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