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04/11/2020 | FRANCE | N°438629

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 04 novembre 2020, 438629


Vu la procédure suivante :

L'établissement public régional (EPR) Epinorpa a demandé au tribunal administratif de Lille, par une demande ensuite renvoyée au tribunal administratif de Montreuil, de prononcer la réduction, à hauteur d'un montant de 1 962 903 euros, de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle il a été assujetti au titre de son exercice clos en 2012. Par un jugement n° 1702561 du 18 janvier 2018, ce tribunal a fait droit à cette demande.

Par un arrêt n° 18VE00826 du 19 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'

appel formé par le ministre de l'action et des comptes publics contre ce jugem...

Vu la procédure suivante :

L'établissement public régional (EPR) Epinorpa a demandé au tribunal administratif de Lille, par une demande ensuite renvoyée au tribunal administratif de Montreuil, de prononcer la réduction, à hauteur d'un montant de 1 962 903 euros, de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle il a été assujetti au titre de son exercice clos en 2012. Par un jugement n° 1702561 du 18 janvier 2018, ce tribunal a fait droit à cette demande.

Par un arrêt n° 18VE00826 du 19 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par le ministre de l'action et des comptes publics contre ce jugement.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 février et 16 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexandre Koutchouk, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, au Cabinet Colin-Stoclet, avocat de l'établissement Epinorpa ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'établissement Epinorpa est la tête d'un groupe fiscalement intégré dont certaines entités membres ont conclu, dans le cadre d'une politique de réduction du risque de taux sur leurs emprunts, des contrats d'échange de taux d'intérêt dits contrats de swap de taux. En sa qualité de redevable légal de l'impôt sur les sociétés, l'établissement public régional a demandé au tribunal administratif de Montreuil la restitution, à hauteur de 1 962 903 euros, de la cotisation primitive d'impôt sur les sociétés qu'il avait acquittée, selon lui à tort, au titre de l'année 2012 à raison de l'application aux charges résultant de l'exécution de ces contrats d'échange de taux du dispositif de plafonnement de la déductibilité des charges financières nettes prévu par les dispositions de l'article 223 B bis du code général des impôts. Le ministre de l'action et des comptes publics se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 19 décembre 2019 de la cour administrative d'appel de Versailles rejetant l'appel qu'il avait formé contre le jugement du 18 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Montreuil, après avoir jugé que les intérêts versés et reçus dans le cadre de contrats d'échange de taux d'intérêt ne contribuaient pas au calcul des charges financières nettes au sens de l'article 212 bis du même code, a déchargé l'établissement Epinorpa d'une fraction de sa cotisation primitive d'impôt sur les sociétés acquittée au titre de l'exercice clos en 2012.

2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges ". Aux termes de l'article 223 B bis du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Les charges financières nettes afférentes aux sommes laissées ou mises à disposition de sociétés membres du groupe par des personnes qui n'en sont pas membres sont réintégrées au résultat d'ensemble pour une fraction égale à 15 % de leur montant. / II. - Le I ne s'applique pas lorsque le montant total des charges financières nettes du groupe est inférieur à trois millions d'euros. / III. - Pour l'application des I et II, le montant des charges financières nettes est entendu comme la somme des charges ou produits financiers nets de chacune des sociétés membres du groupe tels que définis au III de l'article 212 bis. ". Aux termes du III de l'article 212 bis du même code : " (...) le montant des charges financières nettes est entendu comme le total des charges financières venant rémunérer des sommes laissées ou mises à disposition de l'entreprise, diminué du total des produits financiers venant rémunérer des sommes laissées ou mises à disposition par l'entreprise ".

3. Il résulte de ces dispositions que les intérêts versés et reçus dans le cadre d'un contrat d'échange de taux d'intérêt, lequel a notamment pour objet de réduire le risque de taux pesant sur un emprunteur à taux variable en lui permettant de substituer des intérêts à taux fixe à des intérêts à taux variable, ne contribuent pas au calcul des charges financières nettes au sens et pour l'application des dispositions de l'article 212 bis précité, dès lors que ces intérêts ne rémunèrent pas des sommes laissées ou mises à disposition de l'entreprise, quand bien même ils seraient calculés sur un montant notionnel identique à celui de l'emprunt pour lequel le contrat d'échange sert d'instrument de couverture, voire sur un montant notionnel variable afin de tenir compte du calendrier de remboursement de cet emprunt.

4. Dès lors, en jugeant, après avoir constaté que les intérêts litigieux ne rémunéraient pas des sommes laissées ou mises à disposition de l'établissement requérant ou de ses entités au sens des articles 212 bis et 223 B bis précités, que les charges issues des contrats d'échange de taux n'étaient pas au nombre des charges financières nettes du groupe fiscal non déductibles ayant pour tête l'établissement Epinorpa, la cour administrative d'appel de Versailles n'a ni méconnu les dispositions précitées du code général des impôts ni inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

5. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi du ministre de l'action et des comptes publics ne peut qu'être rejeté.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à l'établissement Epinorpa au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'action et des comptes publics est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à l'établissement Epinorpa au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à l'établissement public régional Epinorpa.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 438629
Date de la décision : 04/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04-081 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES. BÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX. DÉTERMINATION DU BÉNÉFICE NET. CHARGES FINANCIÈRES. - CHARGES FINANCIÈRES NETTES (ART. 212 BIS DU CGI) - INTÉRÊTS VERSÉS ET REÇUS DANS LE CADRE D'UN CONTRAT D'ÉCHANGE DE TAUX D'INTÉRÊT (SWAP DE TAUX) - EXCLUSION.

19-04-02-01-04-081 Les intérêts versés et reçus dans le cadre d'un contrat d'échange de taux d'intérêt, lequel a notamment pour objet de réduire le risque de taux pesant sur un emprunteur à taux variable en lui permettant de substituer des intérêts à taux fixes à des intérêts à taux variables, ne contribuent pas au calcul des charges financières nettes au sens et pour l'application de l'article 212 bis du code général des impôts (CGI), dès lors que ces intérêts ne rémunèrent pas des sommes laissées ou mises à disposition de l'entreprise, quand bien même ils seraient calculés sur un montant notionnel identique à celui de l'emprunt pour lequel le contrat d'échange sert d'instrument de couverture, voire sur un montant notionnel variable afin de tenir compte du calendrier de remboursement de cet emprunt.


Publications
Proposition de citation : CE, 04 nov. 2020, n° 438629
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alexandre Koutchouk
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini
Avocat(s) : CABINET COLIN-STOCLET

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:438629.20201104
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