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14/10/2020 | FRANCE | N°428361

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 14 octobre 2020, 428361


Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 25 mai 2018 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides lui a retiré la qualité de réfugié qui lui avait été reconnue le 30 avril 2003. Par une décision n°18031357 du 14 décembre 2018, la Cour nationale du droit d'asile a fait droit à sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 22 février et 20 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Office français de protection

des réfugiés et apatrides demande au Conseil d'Etat d'annuler cette décision.

Vu ...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 25 mai 2018 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides lui a retiré la qualité de réfugié qui lui avait été reconnue le 30 avril 2003. Par une décision n°18031357 du 14 décembre 2018, la Cour nationale du droit d'asile a fait droit à sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 22 février et 20 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides demande au Conseil d'Etat d'annuler cette décision.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Roulaud, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à la SCP Le Griel, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour nationale du droit d'asile que, par une décision du 25 mai 2018 prise en application du 3° de l'article L. 711-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a mis fin au statut de réfugié dont M. B... bénéficiait depuis le 30 avril 2003, estimant que l'arrêt du 28 mai 2014 par lequel la chambre des appels correctionnels de Reims l'a condamné aux peines de 4 ans d'emprisonnement, de 10 000 euros d'amende et d'interdiction de séjour pour une durée de 5 ans dans le département de l'Aube, pour des faits de proxénétisme aggravé commis à Troyes entre le 12 août 2011 et le 2 août 2012, révélait qu'il s'était rendu coupable d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies au sens du c) du F de l'article 1er de la convention de Genève relative au statut des réfugiés. Par une décision du 14 décembre 2018, la Cour nationale du droit d'asile a annulé cette décision et rétabli M. B... dans le statut de réfugié. L'OFPRA se pourvoit en cassation contre cette décision.

2. Le 2° du A de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 stipule que doit être considérée comme réfugiée toute personne qui : " craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ". Aux termes du F de cet article : " Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser : (...) b) qu'elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d'accueil avant d'y être admises comme réfugiées ; c ) qu'elles se sont rendues coupables d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies ". Aux termes de l'article L. 711-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'office met également fin à tout moment, de sa propre initiative ou à la demande de l'autorité administrative, au statut de réfugié lorsque [...] / 3° Le réfugié doit, compte tenu de circonstances intervenues après la reconnaissance de cette qualité, en être exclu en application des sections D, E ou F de l'article 1er de la convention de Genève, du 28 juillet 1951, précitée [...] ". Constituent des agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies ceux qui sont susceptibles d'affecter la paix et la sécurité internationale, les relations pacifiques entre Etats ainsi que les violations graves des droits de l'homme.

3. En premier lieu, il ressort des énonciations de la décision attaquée que, pour juger que les faits délictuels de proxénétisme aggravé commis par M. B... ne pouvaient être qualifiés d'agissements contraires aux buts et principes des Nations unies au sens du c) du F de l'article 1er de la convention de Genève, la Cour a relevé que, s'agissant de tels faits, la gravité et la dimension internationale requises pour retenir une telle qualification n'étaient pas caractérisées en l'espèce. En statuant ainsi pour des faits de proxénétisme de la nature de ceux commis par M. B..., elle n'a pas jugé que les violations graves des droits de l'homme devaient nécessairement revêtir une dimension internationale pour constituer des agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies et n'a donc pas commis l'erreur de droit alléguée.

4. En second lieu, en jugeant que les faits délictuels de proxénétisme commis par M. B... ne pouvaient être qualifiés de violations graves des droits de l'homme constitutives d'agissements contraires aux buts et principes des Nations unies, la Cour n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

5. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de l'OFPRA doit être rejeté. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Le Griel, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de l'OFPRA.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de l'OFPRA est rejeté.

Article 2 : L'OFPRA versera la somme de 3 000 euros à la SCP Le Griel, avocat de M. B..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à M. A... B....


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 428361
Date de la décision : 14/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 14 oct. 2020, n° 428361
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent Roulaud
Rapporteur public ?: M. Laurent Domingo
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP LE GRIEL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:428361.20201014
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