La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/10/2020 | FRANCE | N°430133

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 02 octobre 2020, 430133


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 25 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 6 février 2019 par laquelle la commission des sanctions de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) a prononcé à son encontre l'interdiction, pendant une durée de neuf mois, d'une part de participer directement ou indirectement à l'organisation et au déroulement de toute manifestation sportive donnant lieu à une remise de prix en argent ou en nature, de participer d

irectement ou indirectement à l'organisation et au déroulement de toute m...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 25 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 6 février 2019 par laquelle la commission des sanctions de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) a prononcé à son encontre l'interdiction, pendant une durée de neuf mois, d'une part de participer directement ou indirectement à l'organisation et au déroulement de toute manifestation sportive donnant lieu à une remise de prix en argent ou en nature, de participer directement ou indirectement à l'organisation et au déroulement de toute manifestation sportive autorisée ou organisée par une fédération sportive française délégataire ou agréée, ainsi qu'aux entraînements y préparant organisés par une fédération agréée ou l'un des membres de celle-ci, d'autre part d'exercer les fonctions définies à l'article L. 212-1 du code du sport ainsi que toute fonction d'encadrement au sein d'une fédération agréée ou d'un groupement ou d'une association affiliés à une telle fédération ;

2°) de mettre à la charge de l'AFLD la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- le code du sport ;

- l'ordonnance n° 2018-603 du 11 juillet 2018 ;

- le décret n° 2018-6 du 4 janvier 2018 ;

- la décision du 18 juillet 2019 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme C... ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Sébastien Gauthier, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de Mme C... et à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de l'Agence française de lutte contre le dopage ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... C... a fait l'objet d'un contrôle antidopage, le 26 mai 2018, à l'occasion du championnat de France de musculation. L'analyse effectuée a révélé la présence dans ses urines d'heptaminol à une concentration estimée à 2 814 nanogrammes par millilitre, substance appartenant à la classe S6 des stimulants figurant sur la liste des substances interdites en compétition annexée au décret n° 2018-6 du 4 janvier 2018 qui la répertorie parmi les substances dites spécifiées. Par décision du 6 février 2019, la commission des sanctions de l'Agence française de lutte contre le dopage a prononcé à son encontre une sanction d'interdiction, pendant une durée de neuf mois, d'une part de participer directement ou indirectement à l'organisation et au déroulement de toute manifestation sportive donnant lieu à une remise de prix en argent ou en nature, de participer directement ou indirectement à l'organisation et au déroulement de toute manifestation sportive autorisée ou organisée par une fédération sportive française délégataire ou agréée, ainsi qu'aux entraînements y préparant organisés par une fédération agréée ou l'un des membres de celle-ci, d'autre part, d'exercer les fonctions définies à l'article L. 212-1 du code du sport ainsi que toute fonction d'encadrement au sein d'une fédération agréée ou d'un groupement ou d'une association affilié à une telle fédération. Mme C... demande l'annulation de cette décision.

2. En premier lieu, aucune disposition ni aucun principe n'impose que la décision de la commission des sanctions de l'AFLD mentionne les conditions de convocation de ses membres. Par suite, Mme C... ne saurait utilement se prévaloir de l'irrégularité de la procédure au seul motif qu'il ne ressort pas des mentions de la décision qu'elle attaque que les membres de la commission des sanctions auraient été convoqués dans des conditions régulières. Au demeurant, il résulte de l'instruction que ceux-ci ont été convoqués, conformément aux exigences posées par les articles 2 et 4 de la délibération du 17 septembre 2018 portant règlement intérieur de cette commission, le 31 janvier 2019, soit plus de cinq jours avant la séance du 6 février 2019 par un courrier électronique dans lequel figurait l'ordre du jour de la séance.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 232-93 du code du sport : " L'intéressé et son conseil, le cas échéant, la ou les personnes investies de l'autorité parentale ou le représentant légal et le représentant du collège peuvent demander que soient entendues les personnes de leur choix dont ils communiquent le nom au moins six jours avant l'audience. Le président de la commission des sanctions ou de la section appelée à se prononcer peut refuser, par décision motivée, les demandes d'audition manifestement abusives ". Aucun texte ni aucun principe ne prévoyant que la décision de la commission des sanctions mentionne l'audition des personnes entendues à la demande de la personne poursuivie, Mme C... ne saurait utilement soutenir que la procédure aurait méconnu les droits de la défense dès lors qu'il ne ressort pas de la décision qu'elle attaque que M. A..., son entraîneur, qui l'accompagnait lors de la séance du 6 février 2019, a pu être entendu au cours de cette séance.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 11 juillet 2018 entrée en vigueur le 1er septembre 2018 : " lorsque des griefs notifiés par l'Agence française de lutte contre le dopage n'ont pas encore, à cette date, donné lieu à décision de son collège, la commission des sanctions de l'agence est saisie du dossier en l'état. La notification des griefs est réputée avoir été transmise par le collège à la commission des sanctions ". La commission des sanctions ayant été, par application de ces dispositions, saisie automatiquement, elle ne saurait, contrairement à ce que soutient la requérante, être regardée comme l'ayant été en vertu de dispositions qui impliqueraient de sa part une appréciation sur l'engagement des poursuites à l'encontre de manquements sur lesquels il lui revient ensuite de se prononcer. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise en application de dispositions portant atteinte aux principes d'indépendance et d'impartialité découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen n'est pas fondé.

5. En quatrième lieu, le moyen tiré de ce que les dispositions du d du 1 de l'article L. 232-23 du code du sport méconnaissent les principes de nécessité des peines et de liberté d'entreprendre découlant des articles 8 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen a été écarté par la décision du 18 juillet 2019 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a refusé de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme C... dans le cadre du présent litige.

6. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 232-23 du code du sport dans sa rédaction alors applicable : " I. - L'Agence française de lutte contre le dopage, dans l'exercice de son pouvoir de sanction en matière de lutte contre le dopage, peut prononcer : / 1° A l'encontre des sportifs ayant enfreint les dispositions des articles L. 232-9 (...) a) Un avertissement ; / b) Une interdiction temporaire ou définitive de participer aux manifestations sportives autorisées par une fédération délégataire ou organisées par une fédération agréée ainsi qu'aux entraînements y préparant organisés par une fédération agréée ou l'un des membres de celle-ci ; / c) Une interdiction temporaire ou définitive de participer directement ou indirectement à l'organisation et au déroulement des compétitions et manifestations sportives autorisées par une fédération délégataire ou organisées par une fédération agréée ainsi qu'aux entraînements y préparant ; / d) Une interdiction temporaire ou définitive d'exercer les fonctions définies à l'article L. 212-1 ; / e) Une interdiction d'exercer les fonctions de personnel d'encadrement au sein d'une fédération agréée ou d'un groupement ou d'une association affiliés à la fédération. (...). " Aux termes de l'article L. 232-23-3-3 du même code : " La durée des mesures d'interdiction mentionnées au 1° du I de l'article L. 232 23 à raison d'un manquement à l'article L. 232-9 : (...) / b) Est de deux ans lorsque ce manquement est consécutif à l'usage ou à la détention d'une substance spécifiée. Cette durée est portée à quatre ans lorsque l'Agence française de lutte contre le dopage démontre que le sportif a eu l'intention de commettre ce manquement ". Aux termes de l'article L. 232-23-3-10 du même code : " La durée des mesures d'interdiction prévues aux articles L. 232-23-3-3 à L. 232-23-3-8 peut être réduite par une décision spécialement motivée lorsque les circonstances particulières de l'affaire le justifient au regard du principe de proportionnalité ".

7. En dehors du cas où est apportée la preuve d'une prescription médicale à des fins thérapeutiques justifiées, l'existence d'une violation des dispositions législatives et réglementaires relatives au dopage est établie par la présence, dans un prélèvement urinaire, de l'une des substances mentionnées dans la liste élaborée en application de la convention internationale contre le dopage dans le sport. Il résulte de l'instruction que les analyses effectuées par le département des analyses de l'Agence sur l'échantillon A prélevé lors du contrôle antidopage du 26 mai 2018 ont révélé dans les urines de Mme C... la présence d'heptaminol, substance interdite en compétition selon la liste annexée au décret du 4 janvier 2018 qui la répertorie parmi les substances dites spécifiées. Si Mme C... soutient que la sanction prononcée est excessive au regard de la faible gravité des faits, de sa bonne foi, de son ignorance de la composition du " Ginkor fort ", produit qui lui avait été conseillé par sa naturopathe et des conséquences pécuniaires de l'interdiction d'encadrement de toute activité physique et sportive dont elle a fait l'objet, il résulte de l'instruction que la commission des sanctions a tenu compte, pour limiter à neuf mois la durée de la sanction, du jeune âge de la requérante, de la concentration d'heptaminol mesurée, de l'absence de suivi médical de sa pratique sportive ainsi que de son faible niveau d'éducation antidopage. Dans ces conditions, eu égard à la nature de la substance détectée et à la nécessité qui s'attache à la protection des pratiquants d'une activité physique ou sportive contre le dopage, la sanction prononcée à l'encontre de Mme C... n'est pas disproportionnée en tant qu'elle lui interdit, pendant une durée de neuf mois, de participer directement ou indirectement à l'organisation et au déroulement de toute manifestation sportive donnant lieu à une remise de prix en argent ou en nature, de participer directement ou indirectement à l'organisation et au déroulement de toute manifestation sportive autorisée ou organisée par une fédération sportive française délégataire ou agréée, ainsi qu'aux entraînements y préparant organisés par une fédération agréée ou l'un des membres de celle-ci. Toutefois, au regard de ces différents éléments, Mme C... est fondée à soutenir que l'interdiction d'une même durée d'exercer les fonctions définies à l'article L. 212-1 du code du sport est disproportionnée.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... est fondée à demander l'annulation de la décision qu'elle attaque dans cette mesure. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Agence française de lutte contre le dopage la somme que demande Mme C... à ce titre ; Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... la somme que demande l'Agence française de lutte contre le dopage au même titre.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du 6 février 2019 par laquelle la commission des sanctions de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) a prononcé à l'encontre de Mme C... est annulée en tant qu'elle lui interdit d'exercer les fonctions définies à l'article L. 212-1 du code du sport.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de l'Agence française de lutte contre le dopage présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et le surplus des conclusions de la requête sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... C... et à l'Agence française de lutte contre le dopage.


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 430133
Date de la décision : 02/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 02 oct. 2020, n° 430133
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Sébastien Gauthier
Rapporteur public ?: M. Guillaume Odinet
Avocat(s) : SCP ROUSSEAU, TAPIE ; SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:430133.20201002
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award