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22/07/2020 | FRANCE | N°440081

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 22 juillet 2020, 440081


Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 440081, par une requête et un mémoire enregistrés les 14 avril et 10 juin 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme C... D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la réponse du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, publiée au Journal officiel des débats le 24 octobre 2006, à une question écrite de M. B... A..., député, ainsi que les décisions implicites du 30 mars 2020 par lesquelles le ministre de l'économie et des finances et le ministre de l'action et des

comptes publics ont rejeté ses recours gracieux contre cette réponse ;

2°) d...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 440081, par une requête et un mémoire enregistrés les 14 avril et 10 juin 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme C... D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la réponse du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, publiée au Journal officiel des débats le 24 octobre 2006, à une question écrite de M. B... A..., député, ainsi que les décisions implicites du 30 mars 2020 par lesquelles le ministre de l'économie et des finances et le ministre de l'action et des comptes publics ont rejeté ses recours gracieux contre cette réponse ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 440083, par une requête enregistrée le 14 avril 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme C... D... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le paragraphe n° 20 des commentaires administratifs publiés le 19 mai 2014 au bulletin officiel des finances publiques - impôts (BOFiP-impôts) sous la référence BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10, ainsi que les décisions implicites du 29 mars 2020 par lesquelles le ministre de l'économie et des finances et le ministre de l'action et des comptes publics ont rejeté ses recours gracieux contre ce paragraphe ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 2017-1078 du 24 mai 2017 ;

- le décret n° 2017-1082 du 24 mai 2017 ;

- la décision du Conseil d'Etat n° 435562 du 23 janvier 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Liza Bellulo, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Par une réponse, publiée au Journal officiel des débats le 24 octobre 2006, à la question écrite de M. B... A..., député, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a rappelé que l'article 787 B du code général des impôts prévoyait, sous certaines conditions, que sont exonérées de droit de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur, les parts ou actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmises par décès ou entre vifs. Il a énoncé également que " Les parts ou actions concernées doivent notamment faire l'objet d'un engagement collectif de conservation en cours au jour de la transmission, qui a été pris par le défunt ou le donateur. Chacun des héritiers, donataires ou légataires, s'engage individuellement dans la déclaration de succession ou l'acte de donation, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, à conserver les parts ou actions transmises pendant une durée de six ans à compter de la fin de l'engagement collectif de conservation précité ". Il a enfin précisé que : " Dans l'hypothèse envisagée de sociétés ayant une activité mixte, (...) il n'est pas exigé, pour l'application du dispositif d'exonération partielle, que ces sociétés exercent à titre exclusif une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale. Dès lors, le bénéfice du régime de faveur ne pourra pas être refusé aux parts ou actions d'une société qui exerce à la fois une activité civile, autre qu'agricole ou libérale, et une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale dans la mesure où cette activité civile n'est pas prépondérante ". Ces dernières précisions ont été reprises aux deux premiers alinéas du paragraphe n° 20 de commentaires administratifs qui ont été publiés au Bulletin officiel des Finances publiques (BOFiP)-impôts, notamment et en dernier lieu le 19 mai 2014, sous la référence BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10. Le troisième alinéa de ce même paragraphe, qui complétait la réponse ministérielle, a été annulé pour excès de pouvoir par une décision n° 435562 du 23 janvier 2020 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux.

2. Par deux courriers du 27 janvier 2020 adressés, respectivement, au ministre de l'économie et des finances et au ministre de l'action et des comptes publics, Mme D... a demandé le retrait, d'une part, de la réponse ministérielle publiée le 24 octobre 2006, d'autre part, du paragraphe n° 20 des commentaires administratifs publiés le 19 mai 2014. En vertu des articles 2 et 5 des décrets du 24 mai 2017 relatifs aux attributions respectivement du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chacune des deux autorités administratives ainsi saisies détenait, à l'égard de la direction générale des finances publiques, la qualité de chef de service, et était, par là-même, compétente pour statuer sur ces recours gracieux. Par suite, et conformément aux dispositions combinées du 2° de l'article L. 231-4 et des articles L. 114-2 et L. 114-3 du code des relations entre le public et l'administration, les recours gracieux de Mme D... sont réputés avoir été implicitement rejetés, dans le silence de l'administration, tant par l'une que par l'autre autorité, en tant qu'ils étaient dirigés contre la réponse ministérielle et contre les commentaires administratifs.

3. Mme D... demande l'annulation pour excès de pouvoir, d'une part, sous le n° 440081, de la réponse ministérielle du 24 octobre 2006 et des rejets implicites des recours gracieux qu'elle avait formé contre cette réponse auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, d'autre part, sous le n° 440083, du paragraphe n° 20 des commentaires administratifs du 19 mai 2014 et des rejets implicites de ses recours gracieux qu'elle avait formés contre ce paragraphe auprès des mêmes ministres. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes pour y statuer par une même décision.

4. Le premier alinéa de l'article 787 B du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 28 de la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, dispose que : " Sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur, les parts ou les actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmises par décès ou entre vifs " lorsque certaines conditions sont réunies. Il résulte de ces dispositions que sont susceptibles de bénéficier, dans les conditions et limites qu'elles prévoient, de la mesure d'exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit ainsi instituée, les parts ou actions d'une société qui, ayant également une activité civile autre qu'agricole ou libérale, exerce principalement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, cette prépondérance s'appréciant en considération d'un faisceau d'indices déterminés d'après la nature de l'activité et les conditions de son exercice. Par ailleurs, selon le a. du même article, les parts ou les actions considérées doivent " faire l'objet d'un engagement collectif de conservation d'une durée minimale de deux ans en cours au jour de la transmission, qui a été pris par le défunt ou le donateur, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, avec d'autres associés ". Le c. précise que : " Chacun des héritiers, donataires ou légataires prend l'engagement dans la déclaration de succession ou l'acte de donation, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, de conserver les parts ou les actions transmises pendant une durée de six ans à compter de la date d'expiration du délai visé au a. ", c'est-à-dire à compter de la fin de l'engagement collectif de conservation.

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / (...) Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales. " Les réponses faites par les ministres aux questions écrites des parlementaires ne constituent pas des actes susceptibles de faire l'objet d'un recours contentieux. Toutefois, il en va autrement lorsque la réponse comporte une interprétation de la loi fiscale qui, notamment parce qu'elle ajoute aux dispositions législatives ou réglementaires applicables, peut être opposée à l'administration par un contribuable sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

6. La réponse ministérielle publiée le 24 octobre 2006 ne comporte aucune interprétation formelle de l'article 787 B du code général des impôts différente de celle énoncée au point 4. Par suite, elle ne saurait être opposée par un contribuable à l'administration sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Dès lors, elle ne constitue pas un acte susceptible de faire l'objet d'un recours contentieux. Il en résulte que Mme D... n'est recevable à demander ni son annulation pour excès de pouvoir, ni, par voie de conséquence, celle des décisions implicites rejetant ses recours gracieux.

7. En second lieu, le paragraphe n° 20 des commentaires administratifs publiés le 19 mai 2014, eu égard à ce qui a dit au point 4, ne fixe aucune règle nouvelle qui serait entachée d'incompétence, et prescrit d'adopter une interprétation qui ne méconnaît pas le sens et la portée des dispositions de l'article 787 B du code général des impôts qu'elle entend expliciter. Il en résulte que Mme D... n'est pas fondée à demander l'annulation de ce paragraphe, ni, par voie de conséquence, de celle des décisions implicites rejetant les recours gracieux qu'elle avait présentés contre lui.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : Les requêtes de Mme D... sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme C... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 440081
Date de la décision : 22/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 22 jui. 2020, n° 440081
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Liza Bellulo
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:440081.20200722
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