Vu la procédure suivante :
Par une décision du 21 octobre 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi la communauté d'agglomération de l'espace Sud Martinique contre l'arrêt du 12 décembre 2018 en tant seulement que cet arrêt s'est prononcé sur les modalités de révision des prix.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme A... B..., auditrice,
- les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de la communaute d'agglomeration de l'espace Sud Martinique et à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la société Datex Martinique ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la communauté d'agglomération Espace sud Martinique (CAESM), qui regroupe 12 communes, a concédé à la société Datex Martinique en 1999 le service de la restauration scolaire. A la demande de la CAESM, le juge des référés du tribunal administratif de Fort-de-France a ordonné une expertise afin " de déterminer si, depuis 1999, la comptabilité de la Datex Martinique a inexactement évalué les charges prises en compte pour le calcul des transferts financiers du concédant au concessionnaire " et de " chiffrer, s'il y a lieu, le montant des transferts qui ont résulté de la surévaluation de ces charges ". Un sapiteur a été désigné à la demande de l'expert afin de vérifier si les règles d'application des formules de révision contractuelle des prix avaient été correctement appliquées par la société Datex Martinique au cours des dix dernières années. Le rapport de l'expert a été déposé le 26 janvier 2012. La CAESM se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 12 décembre 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté son appel dirigé contre le jugement du 9 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande tendant notamment à ce que la société Datex Martinique soit condamnée à lui verser la somme de 673 933, 64 euros correspondant aux erreurs qui auraient été commises à son détriment dans l'application des clauses de révision et de réajustement du prix unitaire des repas.
2. Aux termes des stipulations de l'article 39 du contrat de concession du service de restauration scolaire intercommunale du 1er degré des communes de Diamant, Rivière-salée et Trois-Ilets : " le concessionnaire s'engage sur le montant des prix unitaires des repas, sur la clause d'ajustement automatique en fonction du nombre effectif de repas distribués et sur la formule de révision, tels qu'ils sont définis aux articles 39, 40 et 41. (...) Postes de catégorie A / Ces postes correspondent aux charges fixes pour l'ensemble du service, quel que soit le nombre de repas distribués. / Postes de catégorie B / Ces postes correspondent aux charges variables pour l'ensemble du service, proportionnelles au nombre de repas ". Aux termes de l'article 40, intitulé " Ajustement des prix unitaires des repas en fonction du nombre de repas effectivement distribués " : " Lorsque le nombre total effectif des repas distribués de l'exercice connaît une augmentation ou une diminution par rapport au nombre de repas, le prix unitaire des repas est ajusté en fin d'exercice par la rectification de chacun des postes qui le compose/ Le prix ainsi ajusté est applicable aux prestations de l'exercice écoulé et sert de base à la révision du prix de l'exercice suivant (...) Un poste de catégorie A est ajusté en appliquant la formule : / P'=D/N' (...) Un poste de catégorie B reste inchangé (...) ". Aux termes de l'article 41, intitulé " Révision des prix " : " A la fin de chaque exercice, les formules de révision ci-dessous sont employées pour le calcul des prix unitaires des repas (...) applicables à l'exercice suivant / La masse salariale est ajustée sur la valeur réelle de l'augmentation du SMIG (...) / ".
3. Il résulte des stipulations citées au point précédent que le contrat prévoit des mécanismes permettant d'une part d'ajuster les prix unitaires des repas au nombre de repas effectivement distribués et, d'autre part de réviser les prix en fonction notamment de la masse salariale. Pour rejeter les demandes de la CAESM quant au montant des sommes indûment facturées par la société Datex Martinique du fait d'erreurs dans l'application des clauses de révision et de réajustement des prix facturés au cours de la période 1999-2010, demandes qui s'appuyaient sur l'évaluation à laquelle avait procédé l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Fort-de-France, la cour administrative d'appel a relevé que l'expert avait fait varier la valeur des postes de charges fixes en fonction des effectifs, alors qu'aucune stipulation du contrat de concession ne le prévoyait. Toutefois la communauté d'agglomération faisait valoir devant la cour que contrairement à ce qu'avaient considéré les premiers juges, l'expert, après avoir modifié ses calculs initiaux pour tenir compte des critiques émises sur ce point par la société Datex Martinique, avait bien respecté la constance des postes de charges fixes. En se bornant à écarter ce moyen sans répondre aux critiques précises émises sur ce point par la CAESM et sans préciser le périmètre des notions de charges fixes et d'effectifs, la cour administrative d'appel de Bordeaux a entaché son arrêt d'insuffisance de motivation.
4. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la communauté d'agglomération de l'espace Sud Martinique est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il s'est prononcé sur les modalités de révision des prix.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Datex Martinique le versement de la somme de 3 000 euros à la communauté d'agglomération de l'espace Sud Martinique, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la communauté d'agglomération de l'espace Sud Martinique qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 12 décembre 2018 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé en tant qu'il s'est prononcé sur les modalités de révision des prix.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : La société Datex Martinique versera à la communauté d'agglomération de l'espace Sud Martinique une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées au même titre par la société Datex Martinique sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée la communauté d'agglomération de l'espace Sud Martinique et à la société Datex Martinique.