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01/07/2020 | FRANCE | N°423118

France | France, Conseil d'État, 8ème chambre, 01 juillet 2020, 423118


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 août 2018 et 11 mai 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le paragraphe n° 130 des commentaires administratifs publiés au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - Impôts sous la référence BOI-RPPM-PVBMI-20-20-10 le 24 juillet 2017, en tant qu'il écarte l'application de l'abattement pour durée de détention prévu par l'article 150-0 D du code général des impôts aux plus-values réalis

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Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 août 2018 et 11 mai 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le paragraphe n° 130 des commentaires administratifs publiés au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - Impôts sous la référence BOI-RPPM-PVBMI-20-20-10 le 24 juillet 2017, en tant qu'il écarte l'application de l'abattement pour durée de détention prévu par l'article 150-0 D du code général des impôts aux plus-values réalisées antérieurement au 1er janvier 2013 et placées en report d'imposition en application de l'article 150-0 B ter du code général des impôts au lieu de prescrire l'application d'un abattement global déterminé en fonction de la durée de détention décomptée depuis l'acquisition des titres remis à l'échange jusqu'à la cession des titres issus de l'échange et pratiqué sur la somme de la plus-value mise en report lors de l'échange et de la plus-value réalisée sur la cession des titres issus de l'échange ;

2°) de transmettre à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle relative à la compatibilité des dispositions du III de l'article 17 de la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 et du 5° du II de l'article 34 de la loi du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 relatives aux modalités d'imposition des plus-values placées en report d'imposition avec les dispositions de l'article 8 de la directive 90/434/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'États membres différents ;

3°) de transmettre à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle relative à la compatibilité des dispositions du III de l'article 17 de la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 et du 5° du II de l'article 34 de la loi du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 relatives aux modalités d'imposition des plus-values placées en report d'imposition avec les stipulations de l'article 20 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 62 ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 90/434/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 ;

- la directive 2009/133/CE du Conseil du 19 octobre 2009 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013, notamment son article 17 ;

- la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016, notamment son article 34 ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 18 septembre 2019 (C662/18 et C-672/18) ;

- la décision du 19 décembre 2019 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B... ;

- la décision 2019-832/833 QPC du 3 avril 2020 statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B... ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexandre Koutchouk, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 25 juin 2020, présentée par M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... demande l'annulation pour excès de pouvoir du paragraphe n° 130 des commentaires administratifs publiés au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - Impôts sous la référence BOI-RPPM-PVBMI-20-20-10 le 24 juillet 2017, en tant qu'il écarte l'application de l'abattement pour une durée de détention prévu par l'article 150-0 D du code général des impôts aux plus-values réalisées antérieurement au 1er janvier 2013 et placées en report d'imposition en application de l'article 150-0 B ter du code général des impôts au lieu de prescrire l'application d'un abattement global déterminé en fonction de la durée de détention décomptée depuis l'acquisition des titres remis à l'échange jusqu'à la cession des titres issus de l'échange et pratiqué sur la somme de la plus-value mise en report lors de l'échange et de la plus-value réalisée sur la cession des titres issus de l'échange.

2. Le paragraphe 130 des commentaires administratifs publiés le 24 juillet 2017 sous la référence BOI-RPPM-PVBMI-20-20-10 énonce que : " (...) l'abattement pour durée de détention ne s'applique pas (...) aux gains nets de cession, d'échange ou d'apport réalisés avant le 1er janvier 2013 et placés en report d'imposition dans les conditions prévues (...) à l'article 150-0 B ter du CGI (...) ".

3. Ainsi qu'il a été jugé par la décision du 12 octobre 2018 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a sursis à statuer dans le présent litige et renvoyé une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, l'intérêt dont se prévaut M. B... à l'appui de sa requête tient à la réalisation d'une opération d'échange de titres entre les sociétés Meetic et Jaïna Patrimoine, qu'il contrôle, régie par les dispositions de l'article 150-0 B ter du code général des impôts. Ces sociétés étant toutes deux établies en France, cet intérêt ne lui donne qualité pour demander l'annulation des commentaires administratifs qu'il attaque qu'en tant que ceux-ci concernent les situations internes, à l'exclusion des opérations intéressant des sociétés d'Etats membres différents, lesquelles sont seules susceptibles d'entrer dans le champ de la directive qu'il invoque.

4. A l'appui de son recours pour excès de pouvoir, M. B... soutient, à titre principal, que les énonciations qu'il attaque méconnaissent la portée des dispositions du III de l'article 17 de la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 et du 5° du II de l'article 34 de la loi du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016, faute d'en donner une interprétation conforme aux objectifs du paragraphe 1 de l'article 8 de la directive 2009/133/CE du 19 octobre 2009. Il soutient à titre subsidiaire que ces énonciations, si elles ne méconnaissent pas la portée des dispositions qu'elles ont pour objet d'interpréter, reproduisent des dispositions qui sont elles-mêmes incompatibles avec ces objectifs, méconnaissent les stipulations de l'article 20 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution.

5. L'article 150-0 B ter du code général des impôts, institué par la loi du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, instaure sous certaines conditions un mécanisme de report d'imposition de plein droit des plus-values réalisées lors d'opérations d'apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés, contrôlée par l'apporteur. Ces dispositions ont pour seul effet de permettre, par dérogation à la règle selon laquelle le fait générateur de l'imposition d'une plus-value est constitué au cours de l'année de sa réalisation, de constater et de liquider la plus-value d'échange l'année de sa réalisation et de l'imposer l'année au cours de laquelle intervient l'événement qui met fin au report d'imposition, qui peut notamment être la cession des titres reçus au moment de l'échange. Le montant de la plus-value est ainsi calculé en appliquant les règles d'assiette en vigueur l'année de sa réalisation, mais son imposition obéit, s'agissant d'un report optionnel, aux règles de calcul de l'impôt en vigueur l'année au cours de laquelle intervient l'événement qui met fin au report d'imposition.

6. Aux termes de l'article 200 A du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de l'article 34 de la loi du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 : " 2.Les gains nets obtenus dans les conditions prévues à l'article 150-0 A sont pris en compte pour la détermination du revenu net global défini à l'article 158. / 2 ter. a. Les plus-values mentionnées au I de l'article 150-0 B ter sont imposables à l'impôt sur le revenu au taux égal au rapport entre les deux termes suivants : / - le numérateur, constitué par le résultat de la différence entre, d'une part, le montant de l'impôt qui aurait résulté, au titre de l'année de l'apport, de l'application de l'article 197 à la somme de l'ensemble des plus-values mentionnées au premier alinéa du présent a ainsi que des revenus imposés au titre de la même année dans les conditions de ce même article 197 et, d'autre part, le montant de l'impôt dû au titre de cette même année et établi dans les conditions dudit article 197 ; / - le dénominateur, constitué par l'ensemble des plus-values mentionnées au premier alinéa du présent a retenues au deuxième alinéa du présent a. / Pour la détermination du taux mentionné au premier alinéa du présent a, les plus-values mentionnées au même premier alinéa sont, le cas échéant, réduites du seul abattement mentionné au 1 de l'article 150-0 D. / Par dérogation, le taux applicable aux plus-values résultant d'opérations d'apport réalisées entre le 14 novembre et le 31 décembre 2012 est déterminé conformément au A du IV de l'article 10 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013. "

7. En vertu du A du IV de l'article 10 de la loi du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, les plus-values mentionnées au I de l'article 150-0 B ter résultant d'opérations d'apport réalisées entre le 14 novembre et le 31 décembre 2012 sont imposables au taux forfaitaire de 24 % ou, lorsque l'ensemble des conditions prévues au 2 bis de l'article 200 A dans sa rédaction résultant de cette même loi sont remplies, au taux forfaitaire de 19 % fixé par ce même 2 bis.

8. L'article 150-0 D du code général des impôts dispose, dans sa version issue de la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, au deuxième alinéa de son 1, que : " Les gains nets de cession à titre onéreux d'actions, de parts de sociétés, de droits portant sur ces actions ou parts, ou de titres représentatifs de ces mêmes actions, parts ou droits, mentionnés au I de l'article 150-0 A, ainsi que les distributions mentionnées aux 7, 7 bis et aux deux derniers alinéas du 8 du II du même article, à l'article 150-0 F et au 1 du II de l'article 163 quinquies C sont réduits d'un abattement déterminé dans les conditions prévues, selon le cas, au 1 ter ou au 1 quater du présent article. " Ce même article définit, à son 1 ter, l'abattement pour durée de détention de droit commun et, à son 1 quater, l'abattement pour durée de détention renforcé applicable à certaines situations. En vertu du III de l'article 17 de la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, les abattements pour durée de détention prévus au 1 ter et au 1 quater de l'article 150-0 D du code général des impôts, applicables aux gains nets obtenus dans les conditions prévues à l'article 150-0 A du même code et pris en compte pour la détermination du revenu net global soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu en vertu du 2 de l'article 200 A, s'appliquent aux gains réalisés à compter du 1er janvier 2013.

9. En premier lieu, il résulte de l'ensemble de ces dispositions que l'abattement pour durée de détention prévu par l'article 150-0 D du code général des impôts ne peut s'appliquer aux plus-values réalisées antérieurement au 1er janvier 2013 et placées en report d'imposition en application de l'article 150-0 B ter de ce même code. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que les commentaires administratifs qu'il attaque méconnaitraient la portée des dispositions législatives qu'ils ont pour objet d'interpréter.

10. En deuxième lieu, M. B... ne peut utilement se prévaloir, à l'appui des conclusions pour lesquelles il est recevable à agir telles que définies au point 3, de ce que les dispositions de la loi, telles que réitérées par les énonciations attaquées, méconnaîtraient les stipulations de l'article 20 de la Charte des droits fondamentaux, lesquelles s'appliquent aux Etats membres lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union européenne et non aux situations seulement régies par le droit interne.

11. En troisième lieu, par sa décision du 19 décembre 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a renvoyé au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du III de l'article 17 de la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, en combinaison avec celles de l'article 150-0 B ter du code général des impôts dans sa rédaction issue des articles 32, 33 et 34 de la loi du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 et jugé n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité à la Constitution du 2 ter de l'article 200 A du code général des impôts.

12. Par sa décision n° 2019-832/833 QPC du 3 avril 2020, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution le renvoi opéré par la première phrase du paragraphe III de l'article 17 de la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 au b du 1° du F du paragraphe I du même article et les mots " dans les conditions prévues au 2 ter de l'article 200 A " figurant au dernier alinéa du paragraphe I de l'article 150-0 B ter du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016. Par suite le moyen tiré de ce que les commentaires administratifs attaqués réitèreraient des dispositions législatives contraires aux droits et libertés garantis par la Constitution ne peut qu'être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation des commentaires administratifs attaqués.

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 423118
Date de la décision : 01/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 01 jui. 2020, n° 423118
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bastien Lignereux
Rapporteur public ?: Mme Karin Ciavaldini

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:423118.20200701
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