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22/06/2020 | FRANCE | N°417968

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 22 juin 2020, 417968


Vu les procédures suivantes :

La société 3CI Investissements a demandé au tribunal administratif de Montpellier, d'une part, de constater la nullité de la convention de participation du 25 novembre 2004 qu'elle a conclue avec la communauté d'agglomération Béziers-Méditerranée et la société d'équipement du biterrois et de son littoral (SEBLI) et, d'autre part, de lui donner acte de ce qu'elle ne s'oppose pas au versement de la taxe locale d'équipement, après décharge de la participation qui lui a été réclamée au titre d'un programme d'aménagement d'ensemble. Par un j

ugement n° 1000296 du 11 mars 2011, le tribunal administratif de Montpelli...

Vu les procédures suivantes :

La société 3CI Investissements a demandé au tribunal administratif de Montpellier, d'une part, de constater la nullité de la convention de participation du 25 novembre 2004 qu'elle a conclue avec la communauté d'agglomération Béziers-Méditerranée et la société d'équipement du biterrois et de son littoral (SEBLI) et, d'autre part, de lui donner acte de ce qu'elle ne s'oppose pas au versement de la taxe locale d'équipement, après décharge de la participation qui lui a été réclamée au titre d'un programme d'aménagement d'ensemble. Par un jugement n° 1000296 du 11 mars 2011, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 11MA01791 du 14 novembre 2014, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société 3CI Investissements contre ce jugement.

Par une décision n° 387246 du 17 mars 2017, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Marseille.

Par un second arrêt n° 17MA01387 du 7 décembre 2017, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du 11 mars 2011 du tribunal administratif de Montpellier et la convention du 25 novembre 2004 conclue entre la société 3CI Investissements, la communauté d'agglomération Béziers-Méditerranée et la SEBLI.

1° Sous le n° 417968, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 7 février et 7 mai 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société d'économie mixte (SEM) Viaterra, venant aux droits de la SEBLI, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de la société 3CI Investissements la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 417976, par un pourvoi, un mémoire complémentaire et des observations complémentaires, enregistrés les 7 février, 7 et 28 mai 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la communauté d'agglomération Béziers-Méditerranée demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel formé par la société 3CI Investissements et à titre subsidiaire, d'ordonner la reprise des relations contractuelles et d'enjoindre une mesure de régularisation ;

3°) de mettre à la charge de la société 3CI Investissements la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Nicolas Agnoux, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Colin-Stoclet, avocat de la société Viaterra, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de la société 3CI Investissements et à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de la communauté d'agglomération Béziers-Méditerranée ;

Considérant ce qui suit :

1. Les pourvois visés ci-dessus sont dirigés contre le même arrêt et présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 10 novembre 2004, le maire de Sérignan a accordé à la société 3CI Investissements le permis de construire un local commercial sur un terrain de la zone d'aménagement concerté de Bellegarde, inclus dans le périmètre du programme d'aménagement d'ensemble (PAE) du même nom déclaré d'intérêt communautaire par la communauté d'agglomération Béziers-Méditerranée (CABM). Ce permis de construire mettait à la charge de la société bénéficiaire une participation de 242 944 euros due au titre des dépenses d'équipements publics du PAE et renvoyait à une convention pour les modalités de son paiement. Cette convention conclue entre la CABM, la société d'équipement du biterrois et de son littoral (SEBLI) en qualité d'aménageur et la société 3CI Investissements en qualité de constructeur a été signée le 25 novembre 2004 et rappelait notamment, à son article 5, le montant de la participation due par le constructeur. La société 3CI Investissements a réalisé le projet mais n'a pas versé la participation mise à sa charge. Sa demande tendant à l'annulation de la convention du 25 novembre 2004 a été rejetée par un jugement du 11 mars 2011 du tribunal administratif de Montpellier. L'appel qu'elle a formé contre ce jugement a également été rejeté par un arrêt du 14 novembre 2014 de la cour administrative d'appel de Marseille. Par une décision du 17 mars 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt. La CABM et la SEM Viaterra, qui vient aux droits de la SEBLI, se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 7 décembre 2017 de la cour administrative d'appel de Marseille qui, sur renvoi, a fait droit à la requête de la société 3CI Investissements et annulé la convention du 25 novembre 2004.

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la date de la délivrance du permis de construire : " Dans les secteurs de la commune où un programme d'aménagement d'ensemble a été approuvé par le conseil municipal, il peut être mis à la charge des constructeurs tout ou partie du coût des équipements publics réalisés pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers des constructions à édifier dans le secteur concerné. Lorsque la capacité des équipements programmés excède ces besoins, seule la fraction du coût proportionnelle à ces besoins peut être mise à la charge des constructeurs. Lorsqu'un équipement doit être réalisé pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers des constructions à édifier dans plusieurs opérations successives devant faire l'objet de zones d'aménagement concerté ou de programmes d'aménagement d'ensemble, la répartition du coût de ces équipements entre différentes opérations peut être prévue dès la première, à l'initiative de l'autorité publique qui approuve l'opération. / (...) / Le conseil municipal détermine le secteur d'aménagement, la nature, le coût et le délai prévus pour la réalisation du programme d'équipements publics. Il fixe, en outre, la part des dépenses de réalisation de ce programme qui est à la charge des constructeurs, ainsi que les critères de répartition de celle-ci entre les différentes catégories de constructions (...) ". Aux termes de l'article L. 332-28 du même code dans sa rédaction applicable au litige : " Les contributions mentionnées ou prévues (...) à l'article L. 332-9 sont prescrites, selon le cas, par l'autorisation de construire, l'autorisation de lotir, l'autorisation d'aménager un terrain destiné à l'accueil d'habitations légères de loisir ou l'acte approuvant un plan de remembrement. Cette autorisation ou cet acte en constitue le fait générateur. Il en fixe le montant (...) ". En vertu de ces dispositions, l'autorisation de construire constitue le fait générateur de la contribution prévue par l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme et en fixe le montant.

4. En second lieu, les parties à un contrat administratif peuvent saisir le juge d'un recours de plein contentieux contestant la validité du contrat qui les lie. Il appartient alors au juge, lorsqu'il constate l'existence d'irrégularités, d'en apprécier l'importance et les conséquences, après avoir vérifié que les irrégularités dont se prévalent les parties sont de celles qu'elles peuvent, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, invoquer devant lui. Il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité commise et en tenant compte de l'objectif de stabilité des relations contractuelles, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties, soit de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, la résiliation du contrat ou, en raison seulement d'une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, son annulation.

5. Après avoir jugé que l'article 5 de la convention avait fixé le montant de la participation due par la société 3CI Investissements sur la base de la surface hors oeuvre nette constructible sans tenir compte, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme, de la surface effectivement construite, la cour a jugé que cette clause avait un caractère déterminant et indivisible du reste de la convention et a prononcé l'annulation de celle-ci dans son entier. En se fondant ainsi sur le contenu illicite de l'article 5 de la convention pour prononcer l'annulation de cette dernière, alors que la clause en cause ne faisait que rappeler, comme indiqué au point 3 ci-dessus, une décision prise par ailleurs, la cour a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des pourvois, la CABM et la SEM Viaterra sont fondées à demander l'annulation de l'arrêt qu'elles attaquent.

7. L'affaire faisant l'objet d'un deuxième pourvoi en cassation, il incombe au Conseil d'Etat de la régler au fond en application des dispositions du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

8. En premier lieu, pour solliciter l'annulation de la convention du 25 novembre 2004, la société 3CI Investissements invoque des manoeuvres dolosives de la part de ses co-contractantes. En se bornant à alléguer, d'une part, une surévaluation du prix d'achat du terrain à construire, dont il n'est pourtant pas contesté qu'il a été fixé par un acte auquel ni la CABM ni la SEM Viaterra n'étaient parties et, d'autre part, la circonstance que la CABM et la SEM Viaterra auraient eu connaissance de ce que la réalisation complète des équipements publics, notamment de voirie, serait rendue impossible par l'absence de maîtrise foncière des parcelles concernées, sans établir l'existence ni de manoeuvres ni d'une intention dolosives, la société requérante n'apporte pas d'élément de nature à établir que son consentement aurait été vicié à la date de la signature de la convention attaquée. Ce moyen ne peut en conséquence qu'être écarté.

9. En second lieu, ainsi qu'il a été dit aux points 3 et 5 ci-dessus, l'article 5 de la convention attaquée était dépourvu de portée normative, dès lors que seule l'autorisation de construire pouvait fixer le montant de la participation due par la société 3CI Investissements. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité de l'article 5 de la convention est inopérant et ne peut être qu'écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société 3CI Investissements n'est pas fondée à demander l'annulation de la convention du 25 novembre 2004 et, par suite, pas plus fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande.

11. Il n'appartient pas au Conseil d'Etat, dans le cadre du règlement de l'affaire au fond, de donner acte à la requérante de ce qu'elle ne s'oppose pas au versement d'une taxe locale d'équipement. Dès lors, les conclusions qu'elle a présentées à ce titre seront également rejetées.

12. Il y a lieu, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la société 3CI Investissements des sommes de 2 000 euros à verser respectivement à la CABM et à la SEM Viaterra. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce même titre à la charge de la CABM et de la SEM Viaterra qui ne sont pas, dans la présente instance, des parties perdantes.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 7 décembre 2017 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.

Article 2 : La requête présentée par la société 3CI Investissements devant la cour administrative d'appel de Marseille est rejetée.

Article 3 : La société 3CI Investissements versera la somme de 2 000 euros à la communauté d'agglomération Béziers-Méditerranée et la somme de 2 000 euros à la SEM Viaterra au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société 3CI Investissements au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la communauté d'agglomération Béziers-Méditerranée, à la société d'économie mixte Viaterra et à la société 3CI Investissements.

Copie en sera adressée à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 417968
Date de la décision : 22/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 22 jui. 2020, n° 417968
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Nicolas Agnoux
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP COLIN-STOCLET ; SCP ROUSSEAU, TAPIE ; SCP BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, SEBAGH

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:417968.20200622
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