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19/06/2020 | FRANCE | N°431731

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 19 juin 2020, 431731


Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 24 mai 2016 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'asile. Par une décision du 25 janvier 2017, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande.

Par une décision du 11 avril 2018, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cette décision et renvoyé à la Cour nationale du droit d'asile le jugement de l'affaire.

Par une décision n°s 16021185, 18034570 du 16 avril 2019, la

Cour nationale du droit d'asile, faisant droit à la demande de M. A..., a annulé l...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du 24 mai 2016 par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'asile. Par une décision du 25 janvier 2017, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande.

Par une décision du 11 avril 2018, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cette décision et renvoyé à la Cour nationale du droit d'asile le jugement de l'affaire.

Par une décision n°s 16021185, 18034570 du 16 avril 2019, la Cour nationale du droit d'asile, faisant droit à la demande de M. A..., a annulé la décision du 24 mai 2016 et lui a reconnu la qualité de réfugié.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 juin et 5 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'OFPRA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. A....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Réda Wadjinny-Green, auditeur,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du 2° du A de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, doit être considérée comme réfugiée toute personne qui " craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ". Aux termes du F du même article : " les dispositions de cette convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser (...) c) qu'elles se sont rendues coupables d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies ". Aux termes de l'article L. 711-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le statut de réfugié n'est pas accordé à une personne qui relève de l'une des clauses d'exclusion prévues aux sections D, E ou F de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 [...] / La même section F s'applique également aux personnes qui sont les instigatrices ou les complices des crimes ou des agissements mentionnés à ladite section ou qui y sont personnellement impliquées ". Constituent des agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies ceux qui sont susceptibles d'affecter la paix et la sécurité internationale, les relations pacifiques entre Etats ainsi que les violations graves des droits de l'homme. L'exclusion du statut de réfugié prévue par le c) du F de l'article 1er précité de la convention de Genève est subordonnée à l'existence de raisons sérieuses de penser qu'une part de responsabilité dans les agissements qu'il mentionne peut-être imputée personnellement au demandeur d'asile. Il appartient en conséquence à la Cour nationale du droit d'asile de rechercher si les éléments de fait résultant de l'instruction sont de nature à fonder de sérieuses raisons de penser que le demandeur était personnellement impliqué dans de tels agissements.

2. En premier lieu, il ressort des énonciations de la décision attaquée que, pour faire droit à la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision du 24 mai 2016 par laquelle l'Office de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a refusé de lui reconnaître la qualité de réfugié en application de l'article L. 711-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la Cour nationale du droit d'asile ne s'est pas seulement fondée sur son statut de subalterne et la nature administrative des fonctions qu'il a exercées au sein des services de renseignement syriens, mais a relevé que M. A... n'était pas associé aux décisions opérationnelles, ne disposait pas de pouvoir décisionnel au sein du service et ne disposait pas non plus des moyens d'influer sur la préparation et la mise en oeuvre des opérations spéciales. En statuant ainsi, sans omettre de rechercher si, par ses fonctions successives au sein des services de renseignement de l'armée de l'air syrienne, M. A... n'avait pas effectivement contribué à la commission des exactions perpétrées par cette organisation, la Cour n'a pas insuffisamment motivé sa décision ni commis d'erreur de droit.

3. En second lieu, il ressort des pièces du dossier soumis à la Cour nationale du droit d'asile et des énonciations de sa décision que, nonobstant le caractère allusif de certaines déclarations de l'intéressé et en dépit de son affectation auprès de son beau-frère chef des opérations spéciales, M. A..., qui a pu rejoindre les services de renseignement de l'armée de l'air à 19 ans grâce à ses relations familiales, y est resté cantonné à des tâches administratives subalternes et, ainsi qu'il a été dit au point 2, n'était pas associé aux décisions opérationnelles ni ne disposait des moyens d'influer sur la préparation et la mise en oeuvre d'opérations ayant donné lieu à des exactions. La Cour a en outre relevé que dès qu'il a eu connaissance de telles exactions, M. A... a pris des initiatives ayant conduit à son arrestation et à sa détention. En en déduisant qu'il n'y avait pas de raisons sérieuses de penser que pourrait lui être personnellement imputée une part de responsabilité dans des agissements contraires aux buts et principes des Nations unies, la Cour n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.

4. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de l'OFPRA doit être rejeté. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Rocheteau, Uzan-Surano, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'OFPRA le versement à cette société de la somme de 3 000 euros.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides est rejeté.

Article 2 : L'Office français de protection des réfugiés et apatrides versera la somme de 3 000 euros à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de M. A..., au titre des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à M. B... A....


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 431731
Date de la décision : 19/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 19 jui. 2020, n° 431731
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Réda Wadjinny-Green
Rapporteur public ?: M. Alexandre Lallet
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:431731.20200619
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