Vu la procédure suivante :
La société Celtipharm a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) a rejeté sa demande de communication du règlement intérieur, des ordres du jour, procès-verbaux, notes d'orientation et documents utilisés et produits dans le cadre de la préparation et de la tenue des réunions du comité d'orientation et de pilotage de l'information interrégimes (COPIIR) des 2 février 2011, 5 janvier 2013 et 18 avril 2013 et d'ordonner la communication de ces documents.
Par un jugement n° 1602616 du 26 octobre 2016, le tribunal administratif de Paris a fait droit à ses demandes et a enjoint à la CNAMTS de lui communiquer ces documents.
Par une décision n° 406289 du 9 mars 2018, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé ce jugement et a renvoyé l'affaire devant le même tribunal.
Par un jugement n° 1602616/5-1 du 22 novembre 2018, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision implicite de la CNAMTS en tant qu'elle refuse la communication des ordres du jour, procès-verbaux ou comptes rendus et listes de personnes présentes aux réunions du COPIIR des 2 février 2011, 5 janvier 2013 et 18 avril 2013 ainsi que des autres documents administratifs demandés relatifs à ces réunions et a enjoint à la caisse nationale d'assurance maladie de communiquer ces documents à la société Openhealth, venue aux droits de la société Celtipharm, après occultation des mentions dont la communication porterait atteinte à la sécurité du système national d'informations interrégimes de l'assurance maladie ou permettrait la réidentification soit de patients, soit de professionnels de santé.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 janvier 2019 et 23 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la caisse nationale d'assurance maladie (CNAM), venue aux droits de la CNAMTS, demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler les articles 1er, 2, 3 et 5 du jugement du 22 novembre 2018 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la requête de la société Openhealth ;
3°) de mettre à la charge de la société Openhealth la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Réda Wadjinny-Green, auditeur,
- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la caisse nationale d'assurance maladie et à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de la société Openhealth ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Celtipharm, devenue la société Openhealth, a demandé à la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés de lui communiquer les ordres du jour, procès-verbaux et listes des personnes ayant participé aux réunions du Comité d'orientation et de pilotage d'informations interrégimes (COPIIR) des 2 février 2011, 8 juin 2012, 5 janvier 2013 et 18 avril 2013, ainsi que des notes d'orientation et documents, manuscrits ou informatisés, utilisés ou produits dans le cadre de la préparation et de la tenue de ces réunions, y compris les courriers postaux ou électroniques et documents joints à ces derniers, les prises de notes, les avis et notes d'analyse ainsi que les comptes rendus, extraits d'agenda, rapports ou études s'y rapportant. Par un jugement en date du 22 novembre 2018, contre lequel la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision implicite de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés en tant qu'elle refuse la communication des ordres du jour, procès-verbaux ou comptes rendus et listes de personnes présentes aux réunions du COPIIR des 2 février 2011, 5 janvier 2013 et 18 avril 2013 ainsi que des autres documents administratifs demandés relatifs à ces réunions et a enjoint à la CNAM de communiquer ces documents à la société Openhealth, après occultation des mentions dont la communication porterait atteinte à la sécurité du système national d'informations interrégimes de l'assurance maladie ou permettrait la réidentification soit de patients, soit de professionnels de santé.
2. En premier lieu, l'article 1er de la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal, dans sa rédaction applicable à la date du jugement attaqué, dispose que : " Sont considérés comme documents administratifs, au sens des chapitres Ier, III et IV du présent titre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, directives, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions et décisions ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les autorités mentionnées à l'article 1er sont tenues de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent titre ". Il résulte de ces dispositions que l'administration est en principe tenue de communiquer aux personnes qui en font la demande les documents qu'elle détient et qui ont été produits ou reçus dans le cadre de sa mission de service public. En revanche, ces dispositions ne lui imposent pas de faire droit aux demandes de communication qui présenteraient un caractère trop général ou insuffisamment précis.
3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, si la demande de la société Openhealth porte sur une grande variété de documents, ceux encore en litige se rapportent à des réunions du COPIIR qui se sont tenues à trois dates précises. En jugeant, d'une part, que cette demande comportait une précision suffisante, et en rappelant, d'autre part, que l'obligation de communication ne s'étendait qu'aux seuls documents administratifs au sens de l'article 1er de la loi du 17 juillet 1978 précitée et non à l'ensemble des documents sollicités, le tribunal administratif, qui a suffisamment motivé son jugement, n'a pas commis d'erreur de droit. Par ailleurs, dès lors qu'il a défini de façon suffisamment précise le champ de l'injonction prononcée à l'encontre de la CNAM, il n'a pas entaché son jugement d'erreur de droit.
4. En deuxième lieu, l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978, dans sa rédaction applicable à la date du jugement attaqué, dispose que : " I.- Ne sont pas communicables : (...) 2° Les autres documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte : / (...) h) (...) aux autres secrets protégés par la loi ".
5. L'article L. 161-28-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date du jugement attaqué, dispose que : " Il est créé un système national d'information interrégimes de l'assurance maladie qui contribue : / 1° A la connaissance des dépenses de l'ensemble des régimes d'assurance maladie par circonscription géographique, par nature de dépenses, par catégorie de professionnels responsables de ces dépenses et par professionnel ou établissement ; / 2° A la transmission en retour aux prestataires de soins d'informations pertinentes relatives à leur activité et leurs recettes, et s'il y a lieu à leurs prescriptions ; / 3° A la définition, à la mise en oeuvre et à l'évaluation de politiques de santé publique. / Le système national d'information interrégimes est mis en place par les organismes gérant un régime de base d'assurance maladie. Ces derniers transmettent au système national d'information interrégimes de l'assurance maladie les données nécessaires. / Les modalités de gestion et de renseignement du système national d'information interrégimes de l'assurance maladie, définies conjointement par protocole passé entre au moins la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, la Caisse centrale de mutualité sociale agricole et la Caisse nationale du régime social des indépendants, sont approuvées par un arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale. / Cet arrêté est pris après avis motivé de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. / Les données reçues et traitées par le système national d'information interrégimes de l'assurance maladie préservent l'anonymat des personnes ayant bénéficié des prestations de soins ". Si le protocole interrégimes, conclu par les caisses nationales de l'assurance maladie et approuvé par l'arrêté ministériel du 19 juillet 2013, a prévu que les réunions du COPIIR, qui assure le pilotage du système national d'information interrégimes de l'assurance maladie, ne sont pas publiques et que ses membres sont tenus au respect de la confidentialité des informations qu'ils auraient à connaître, il ne résulte pas de l'économie générale des dispositions précitées que le législateur ait entendu couvrir les documents détenus ou produits par le COPIIR d'un des secrets visés au h) du 2° du I de l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978 cité au point 4. Il s'ensuit qu'en jugeant que la confidentialité des réunions du COPIIR, prévue par le protocole mentionné ci-dessus, ne saurait être assimilée à une règle de secret protégé par la loi interdisant la communication des documents relatifs à ces réunions, le tribunal administratif de Paris n'a pas entaché son jugement d'erreur de droit.
6. En troisième lieu, l'article L. 161-29 du code de la sécurité sociale dispose que : " (...) Le personnel des organismes d'assurance maladie est soumis à l'obligation de secret dans les conditions et sous les peines prévues à l'article 226-13 du code pénal (...) ". Ces dispositions, applicables au personnel des organismes d'assurance maladie pour les secrets qu'ils auraient à connaître dans l'exercice de leurs fonctions, ne sauraient être utilement invoquées par la CNAM pour justifier son refus de communiquer les documents détenus et produits par le COPIIR, sous réserve, le cas échéant, de l'occultation des données à caractère secret qu'ils contiendraient. Il s'ensuit que, contrairement à ce qui est soutenu, le tribunal administratif de Paris, qui n'a pas entendu limiter au seul secret médical la portée des dispositions de l'article L. 161-29 du code de la sécurité sociale et a suffisamment motivé son jugement sur ce point, n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que ces dispositions ne faisaient pas obstacle à ce que les documents relatifs aux réunions du COPIIR soient communiqués.
7. En quatrième lieu, l'article 6 la loi du 17 juillet 1978, applicable à la date du jugement attaqué, dispose que : " 2° Les autres documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte : / (...) a) Au secret des délibérations du Gouvernement et des autorités responsables relevant du pouvoir exécutif ". D'une part, si le système national d'information interrégimes de l'assurance maladie contribue, en vertu de l'article L. 161-28-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, à la définition, la mise en oeuvre et l'évaluation de politiques de santé publique, le COPIIR est un organe de gestion administrative. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les documents dont il est demandé communication ne seraient pas détachables de la conception des politiques de santé et qu'ils participeraient ainsi à la définition de la politique du gouvernement. Il s'ensuit que c'est sans erreur de droit que le tribunal administratif de Paris a jugé que leur communication ne portait pas atteinte au secret des délibérations du gouvernement.
8. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que c'est par une appréciation souveraine exempte de dénaturation que le tribunal administratif de Paris a jugé que la CNAM n'apportait aucune précision quant aux documents qu'elle serait dans l'impossibilité matérielle de produire.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la CNAM doit être rejeté.
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Openhealth qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la CNAM la somme de 3 000 euros au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la CNAM est rejeté.
Article 2 : La CNAM versera une somme de 3 000 euros à la société Openhealth au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Caisse nationale d'assurance maladie et à la société Openhealth.