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10/06/2020 | FRANCE | N°435573

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 10 juin 2020, 435573


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 24 octobre 2019 et 18 février 2020, le syndicat UATS-UNSA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite, née du silence gardé sur sa demande présentée le 24 juin 2019, par laquelle la ministre des outre-mer a rejeté sa demande tendant à ce que soient pris les arrêtés définissant les cycles de travail auxquels peuvent avoir recours les services employant les agents civils du service militair

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Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 24 octobre 2019 et 18 février 2020, le syndicat UATS-UNSA demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite, née du silence gardé sur sa demande présentée le 24 juin 2019, par laquelle la ministre des outre-mer a rejeté sa demande tendant à ce que soient pris les arrêtés définissant les cycles de travail auxquels peuvent avoir recours les services employant les agents civils du service militaire adapté n'étant pas en fonction dans l'administration centrale et l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité ;

2°) d'enjoindre à la ministre des outre-mer de prendre ces arrêtés et d'indiquer si un tel arrêté a été pris pour l'agence de santé du territoire des îles de Wallis et Futuna.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la défense ;

- le code des transports ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 ;

- le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;

- le décret n° 2008-370 du 18 avril 2008 ;

- le décret n° 2015-1925 du 30 décembre 2015 ;

- l'arrêté du 28 janvier 2020 portant application au ministère des outre-mer de l'organisation du temps de travail de certains services relevant de l'administration centrale du ministère de l'intérieur ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexis Goin, auditeur,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 28 mai 2020, présentée par le syndicat UATS-UNSA ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 65 bis de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Sans préjudice des dispositions statutaires fixant les obligations de service pour les personnels enseignants et de la recherche, la durée du travail effectif des agents de l'Etat est celle fixée à l'article L. 3121-27 du code du travail. Le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d'une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures, dans des conditions prévues par un décret en Conseil d'Etat précisant notamment les mesures d'adaptation tenant compte des sujétions auxquelles sont soumis certains agents ". Aux termes de l'article 1er du décret du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature : " La durée du travail effectif est fixée à trente-cinq heures par semaine dans les services et établissements publics administratifs de l'Etat ainsi que dans les établissements publics locaux d'enseignement. / (...) ". Aux termes de l'article 4 du même décret : " Le travail est organisé selon des périodes de référence dénommées cycles de travail. Les horaires de travail sont définis à l'intérieur du cycle, qui peut varier entre le cycle hebdomadaire et le cycle annuel de manière que la durée du travail soit conforme sur l'année au décompte prévu à l'article 1er. / Des arrêtés ministériels pris après avis des comités techniques ministériels compétents définissent les cycles de travail auxquels peuvent avoir recours les services. Ces arrêtés déterminent notamment la durée des cycles, les bornes quotidiennes et hebdomadaires, les modalités de repos et de pause. / Ces cycles peuvent être définis par service ou par nature de fonction. / Les conditions de mise en oeuvre de ces cycles et les horaires de travail en résultant sont définies pour chaque service ou établissement, après consultation du comité technique (...) ". L'application de ces dispositions législatives et réglementaires aux fonctionnaires relevant de chaque ministre est subordonnée à l'intervention de l'arrêté ministériel qu'elles prévoient. Pour en assurer la mise en oeuvre, les ministres intéressés sont tenus de prendre dans un délai raisonnable les arrêtés qu'elles appellent.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la décision implicite de refus de prendre un arrêté définissant les cycles de travail pour les services employant des agents civils du service militaire adapté :

2. Aux termes de l'article 33 de la loi du 11 janvier 1984 : " L'activité est la position du fonctionnaire qui, titulaire d'un grade, exerce effectivement les fonctions de l'un des emplois correspondant à ce grade dans les administrations de l'Etat, les autorités administratives indépendantes et les établissements publics administratifs de l'Etat ". En vertu de l'article 1er du décret du 18 avril 2008 organisant les conditions d'exercice des fonctions, en position d'activité, dans les administrations de l'Etat : " Les fonctionnaires de l'Etat ont vocation à exercer les fonctions afférentes à leur grade dans les services d'un ministère et, nonobstant toute disposition statutaire contraire : / (...) 2° Dans les services (...) relevant d'autres départements ministériels ". Les conditions d'emploi des fonctionnaires qui, en application de ces dispositions et sans être détachés, sont affectés en position normale d'activité dans les services relevant d'un autre département ministériel que celui qui assure leur gestion sont en principe régies par les règles de l'administration d'accueil. Il en va ainsi notamment des règles relatives à l'aménagement et à la réduction du temps de travail.

3. Aux termes de l'article D. 3222-19 du code de la défense : " Le commandement du service militaire adapté est placé pour emploi auprès du ministre chargé de l'outre-mer ". Aux termes de l'article D. 3222-21 du même code : " Les effectifs du service militaire adapté sont inscrits au budget du ministre chargé de l'outre-mer. Les emplois sont pourvus par le ministre de la défense ". Selon l'article 10 du décret du 12 août 2013 portant organisation de l'administration centrale du ministère de l'intérieur et du ministère des outremer : " Le commandement du service militaire adapté est (...) rattaché à la direction générale des outre-mer ". Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 30 septembre 1991 portant mission et organisation du service militaire adapté, le ministre de la défense " met en place auprès du ministère des départements et territoires d'outre-mer les personnels nécessaires au fonctionnement du service militaire adapté ". Il résulte de ces dispositions que les fonctionnaires dont la gestion est assurée par le ministère des armées et qui sont affectés, en position normale d'activité, au sein des formations du service militaire adapté exercent leurs fonctions dans un service placé sous l'autorité de la ministre des outre-mer.

4. Il résulte des points 1 à 3 ci-dessus que le ministre chargé de l'outre-mer était tenu de prendre dans un délai raisonnable l'arrêté définissant les cycles de travail auxquels peuvent avoir recours les services employant les agents civils du service militaire adapté. L'arrêté pris le 28 janvier 2020 par la ministre des outre-mer se borne à prévoir l'application de dispositions relatives à l'organisation du temps de travail aux services relevant de l'administration centrale du ministère des outre-mer. Le refus implicite de la ministre de prendre des mesures pour les services employant les agents civils du service militaire adapté n'étant pas en fonction dans l'administration centrale, intervenu plus de dix-neuf ans après la publication du décret du 25 août 2000, soit après l'expiration du délai raisonnable qui lui était imparti, est entaché d'illégalité. Par suite, le syndicat UATS-UNSA est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de sa requête, à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite par laquelle la ministre des outre-mer a rejeté sa demande tendant à ce que soit pris cet arrêté.

En ce qui concerne la décision implicite de refus de prendre un arrêté définissant les cycles de travail pour l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité :

5. Aux termes de l'article R. 1803-17 du code des transports : " L'Agence de l'outre-mer pour la mobilité, mentionnée aux articles L. 1803-10 à L. 1803-16, dénommée ci-dessous l'Agence, est placée sous la tutelle conjointe du ministre chargé de l'outre-mer et du ministre chargé du budget ".

6. Il résulte des points 1 et 5 ci-dessus que le ministre chargé de l'outre-mer et le ministre chargé du budget étaient tenus de prendre dans un délai raisonnable l'arrêté définissant les cycles de travail auxquels peut avoir recours l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité. Le refus implicite de la ministre des outre-mer de prendre cet arrêté, intervenu plus de trois ans et demi après la création de cet établissement public administratif par le décret du 30 décembre 2015, soit après l'expiration du délai raisonnable qui lui était imparti, est entaché d'illégalité. Par suite, le syndicat UATS-UNSA est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de sa requête, à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite par laquelle la ministre a rejeté sa demande tendant à ce que soit pris cet arrêté.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

8. L'annulation de la décision de la ministre des outre-mer refusant de prendre les mesures réglementaires indispensables à l'application du décret du 25 août 2000 pour certains services et catégories d'agents implique nécessairement l'édiction de telles mesures. Il suit de là qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat d'ordonner, d'une part, à la ministre des outre-mer de prendre l'arrêté définissant les cycles de travail auxquels peuvent avoir recours les services employant les agents civils du service militaire adapté n'étant pas en fonction dans l'administration centrale et, d'autre part, au ministre de l'action et des comptes publics et à la ministre des outre-mer de prendre l'arrêté définissant les cycles de travail auxquels peut avoir recours l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité, dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision. En revanche, les conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit enjoint à la ministre des outre-mer d'indiquer si un tel arrêté a été pris pour l'agence de santé du territoire des îles de Wallis et Futuna, qui ne sont pas assorties des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision implicite née du silence gardé sur la demande présentée le 24 juin 2019 par le syndicat UATS-UNSA est annulée.

Article 2 : Il est enjoint à la ministre des outre-mer de prendre l'arrêté définissant les cycles de travail auxquels peuvent avoir recours les services employant les agents civils du service militaire adapté n'étant pas en fonction dans l'administration centrale dans le délai de six mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'action et des comptes publics et à la ministre des outre-mer de prendre l'arrêté définissant les cycles de travail auxquels peut avoir recours l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité dans le délai de six mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête du syndicat UATS-UNSA est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au syndicat UATS-UNSA, au ministre de l'action et des comptes publics, au ministre de l'intérieur et à la ministre des outre-mer.

Copie en sera adressée à la section du rapport et des études.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 435573
Date de la décision : 10/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 2020, n° 435573
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alexis Goin
Rapporteur public ?: M. Gilles Pellissier

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:435573.20200610
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