Vu la procédure suivante :
L'Ordre des avocats du barreau de Martinique, Mme D... B..., M. F... AD..., M. AE..., M. C... K..., M. H... G..., M. C... AA..., M. AC... Q..., M. N... L..., M. X... Y..., M. I... R..., M. T... Z..., M. M... O..., M. E... S..., M. Honoré Joseph, M. AI..., M. A... AB..., M. P... Noël-Augustin, M. V... U..., M. AH..., M. AG..., M. J... W... et M. AF... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Martinique, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'enjoindre à la garde des sceaux, ministre de la justice et au directeur du centre pénitentiaire de Ducos, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, de :
- prendre toutes mesures utiles afin de ramener le nombre de personnes détenues à Ducos à un chiffre permettant un encellulement individuel ;
- permettre à tout intervenant, et notamment aux avocats, de remplir leur mission dans un cadre sécurisé avec application effective des règles sanitaires imposées à l'ensemble des citoyens ;
- doter le service pénitentiaire d'insertion et de probation des effectifs et des moyens lui permettant, dans un tel contexte, de remplir sa mission d'assistance aux personnes détenues ;
- procéder à la distribution de masques, gants et gel hydroalcoolique pour chaque détenu ;
- procéder à la distribution de produits d'hygiène corporelle en quantité suffisante et permettre un accès régulier aux douches ;
- procéder à un lavage régulier de la literie et des vêtements des détenus ;
- procéder à la distribution de produits d'hygiène en quantité suffisante, permettant le nettoyage des cellules ;
- procéder au transfert des détenus à risques vers une unité de vie dédiée ;
- doter les auxiliaires, chargés de la distribution des repas, de gants et de masques en quantités suffisantes ;
- permettre aux détenus de contacter leur famille par téléphone au moins trois fois par semaine, chaque appel étant d'une durée minimale de trois minutes ;
- procéder à des tests de dépistage du covid-19 sur chaque personne détenue, afin que les personnes détenues en phase d'incubation fassent l'objet de mesures adéquates d'urgence permettant de prévenir le développement de l'épidémie au sein du centre pénitentiaire ;
- leur communiquer le plan mis en place pour prévenir le développement de l'épidémie de covid-19 au sein du centre pénitentiaire de Ducos ou, à défaut, d'élaborer un tel plan, en concertation avec l'agence régionale de santé de Martinique et le centre hospitalier universitaire de Martinique ;
2°) d'ordonner une expertise sur les conditions d'hygiène et de sécurité et des détenus, et d'ordonner la mise en oeuvre des éventuelles recommandations de l'expert.
Par une ordonnance n° 2000200 du 4 avril 2020, le juge des référés du tribunal administratif de la Martinique a partiellement fait droit aux demandes présentées et rejeté le surplus des conclusions. Il a enjoint à la garde des sceaux, ministre de la justice et au directeur du centre pénitentiaire de Ducos, en premier lieu, de distribuer des masques de protection sanitaires et gants aux détenus, afin qu'ils en disposent, prioritairement, lors des situations les amenant à être en contact avec plusieurs détenus issus d'autres cellules, en deuxième lieu, de distribuer des masques et gants aux auxiliaires lorsqu'ils assurent la distribution des repas et, en dernier lieu, de se doter de tests de dépistage, en nombre suffisant, pour permettre prioritairement, le dépistage des personnes ayant été en contact direct avec une personne présentant des symptômes de covid-19.
Par un recours et des mémoires, enregistrés les 18, 23, 28 et 30 avril et les 5 et 6 mai 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la garde des sceaux, ministre de la justice, demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler cette ordonnance en tant qu'elle lui enjoint, d'une part, de distribuer des masques de protection sanitaires à l'ensemble des personnes détenues amenées à être en contact avec des personnes ne partageant pas leur cellule et, d'autre part, de se doter d'un nombre suffisant de tests pour procéder au dépistage de toutes les personnes ayant été en contact avec une personne présentant les symptômes du covid-19 ;
2°) de rejeter, dans cette mesure, la demande de première instance.
Elle soutient que :
- l'appréciation retenue par le juge des référés du tribunal administratif de la Martinique quant à la densité carcérale du centre pénitentiaire de Ducos est erronée dès lors qu'elle ne fait pas obstacle, d'une part, au sein d'une même cellule, à ce que les personnes présentant des symptômes de covid-19 et celles ayant été en contact avec elles fassent l'objet d'un placement en confinement dans un espace dédié de l'établissement et, d'autre part, au sein des parties communes, à ce que les personnes détenues respectent les règles de distanciation sociale ;
- aucun élément ne permet de considérer qu'il existe un risque de propagation plus rapide du Covid-19 au sein du centre pénitentiaire de Ducos dès lors que, en premier lieu, de multiples mesures ont été mises en oeuvre, en deuxième lieu, aucun cas de covid-19 n'a été détecté et, en dernier lieu, il n'est pas possible de déduire de la seule densité carcérale que la vitesse de propagation du covid-19 serait, en dépit des mesures prises, plus importante que celle constatée dans le reste de la population ;
- l'administration pénitentiaire intervient dans le respect de la doctrine du ministre des solidarités et de la santé qui dans une note du 9 avril 2020 a inclus les personnes détenues et les services pénitentiaires parmi les cinq populations prioritaires vers lesquelles le gouvernement souhaite déployer les nouvelles capacités de test ;
- l'obligation pour le centre pénitentiaire de Ducos de se doter de tests de dépistage en nombre suffisant ne peut être maintenue dès lors que, en premier lieu, des mesures ont été prises pour réduire sensiblement les mouvements et les contacts entre l'intérieur et l'extérieur du centre pénitentiaire, en deuxième lieu, les seules activités maintenues ont été adaptées et visent à garantir la santé et le respect de dignité des personnes détenues, en troisième lieu, aucune nouvelle personne détenue n'est introduite dans un groupe préconstitué de personnes détenues sans vérification préalable de son état de santé, en quatrième lieu, les personnels pénitentiaires en contact physique avec les personnes détenues disposent de masques et les avocats, amenés à se rendre au sein des établissements pénitentiaires, d'une part, sont autorisé à porter leur propre masque et, d'autre part, doivent informer l'établissement sur leur état de santé, en cinquième lieu, des consignes ont été données sur les gestes barrières au sein de l'établissement et, en dernier lieu, le repérage des personnes considérées comme vulnérables est assuré par l'administration pénitentiaire en lien avec le personnel médical ;
- le juge des référés du tribunal administratif de la Martinique a commis une erreur d'appréciation en considérant comme caractérisée la carence de l'administration pénitentiaire dans son obligation de protéger les personnes détenues dès lors que, d'une part, la généralisation du port du masque n'est pas directement applicable aux personnes détenues dont le seul point de contact avec l'extérieur résulte des relations avec le personnel pénitentiaire et, d'autre part, des consignes ont été rappelées pour garantir le respect des mesures générales d'hygiène lors de la distribution des repas.
Par un mémoire en défense et des mémoires, enregistrés les 22, 23, 29 avril et 6 mai 2020, l'Ordre des avocats au barreau de Martinique conclut :
1°) au rejet du recours ;
2°) à l'annulation de l'ordonnance du 4 avril 2020 en tant qu'elle n'a pas fait droit à sa demande de distribution aux auxiliaires chargés de la distribution des repas de masques de protection non sanitaires ;
3°) à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient, d'une part, qu'aucun des moyens du recours n'est fondé et, d'autre part, que seule la distribution de masques de protection sanitaires est de nature à assurer une protection efficace des personnes détenues chargées de distribuer les repas.
Par une intervention et un mémoire, enregistrés les 22 avril et 6 mai 2020, l'Ordre des avocats au barreau de Guyane et le Syndicat des avocats de France déclarent intervenir au soutien des conclusions de l'Ordre des avocats au barreau de la Martinique.
Par des interventions, enregistrées le 22 avril 2020, la Section française de l'Observatoire international des prisons (OIP-SF), le Conseil national des barreaux, la Conférence des bâtonniers et l'Ordre des avocats au barreau de Paris déclarent intervenir en défense.
La requête a été communiquée au Premier ministre et au ministre des solidarités et de la santé qui n'ont pas produit d'observations.
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le Premier ministre, la garde des sceaux, ministre de la justice et le ministre des solidarités et de la santé, d'autre part, l'Ordre des avocats au barreau de Martinique ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 23 avril 2020, à 14 heures 30 :
- les représentants de la garde des sceaux, ministre de la justice ;
- Me Mathonnet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'Ordre des avocats au barreau de Martinique, de l'Ordre des avocats au barreau de Guyane et du Syndicat des avocats de France ;
- les représentants de l'Ordre des avocats au barreau de la Martinique, de l'Ordre des avocats au barreau de Guyane et du Syndicat des avocats de France ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a reporté la clôture de l'instruction au 29 avril puis au 6 mai à 18 heures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, et notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de la santé publique ;
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;
- l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 ;
- le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. L'article L. 511-1 du code de justice administrative dispose que : " Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n'est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais. " Aux termes de l'article L. 521-2 du même code : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. ".
Sur les interventions :
2. L'Ordre des avocats au barreau de Guyane et le Syndicat des avocats de France justifient d'un intérêt suffisant au soutien des conclusions de l'Ordre des avocats au barreau de Martinique. Leurs interventions sont, par suite, recevables. La Section française de l'Observatoire international des prisons, le Conseil national des barreaux, la Conférence des bâtonniers et l'Ordre des avocats au barreau de Paris justifient d'un intérêt suffisant au maintien de l'ordonnance attaquée. Leurs interventions en défense sont, par suite, recevables.
Sur les circonstances :
3. L'émergence d'un nouveau coronavirus (covid-19), de caractère pathogène et particulièrement contagieux et sa propagation sur le territoire français ont conduit le ministre des solidarités et de la santé à prendre, par plusieurs arrêtés à compter du 4 mars 2020, des mesures sur le fondement des dispositions de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique. En particulier, par un arrêté du 14 mars 2020, un grand nombre d'établissements recevant du public ont été fermés au public, les rassemblements de plus de 100 personnes ont été interdits et l'accueil des enfants, élèves et étudiants dans les établissements les recevant et les établissements scolaires et universitaires a été suspendu. Puis, par un décret du 16 mars 2020 motivé par les circonstances exceptionnelles découlant de l'épidémie de covid-19, modifié par décret du 19 mars, le Premier ministre a interdit le déplacement de toute personne hors de son domicile, sous réserve d'exceptions limitativement énumérées et devant être dûment justifiées, à compter du 17 mars à 12h, sans préjudice de mesures plus strictes susceptibles d'être ordonnées par le représentant de l'Etat dans le département. Le ministre des solidarités et de la santé a pris des mesures complémentaires par des plusieurs arrêtés successifs.
4. Par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, a été déclaré l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois sur l'ensemble du territoire national. Par un nouveau décret du 23 mars 2020 pris sur le fondement de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique issu de la loi du 23 mars 2020, plusieurs fois modifié et complété depuis lors, le Premier ministre a réitéré les mesures précédemment ordonnées tout en leur apportant des précisions ou restrictions complémentaires. Leurs effets ont été prolongés en dernier lieu par décret du 14 avril 2020.
Sur le cadre juridique du litige, l'office du juge des référés et les libertés fondamentales en jeu :
5. Dans l'actuelle période d'état d'urgence sanitaire, il appartient aux différentes autorités compétentes de prendre, en vue de sauvegarder la santé de la population, toutes dispositions de nature à prévenir ou à limiter les effets de l'épidémie. Ces mesures, qui peuvent limiter l'exercice des droits et libertés fondamentaux doivent, dans cette mesure, être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif de sauvegarde de la santé publique qu'elles poursuivent.
6. Il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 511-1 et L. 521-2 du code de justice administrative qu'il appartient au juge des référés, lorsqu'il est saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 et qu'il constate une atteinte grave et manifestement illégale portée par une personne morale de droit public à une liberté fondamentale, résultant de l'action ou de la carence de cette personne publique, de prescrire les mesures qui sont de nature à faire disparaître les effets de cette atteinte, dès lors qu'existe une situation d'urgence caractérisée justifiant le prononcé de mesures de sauvegarde à très bref délai. Ces mesures doivent, en principe, présenter un caractère provisoire, sauf lorsque aucune mesure de cette nature n'est susceptible de sauvegarder l'exercice effectif de la liberté fondamentale à laquelle il est porté atteinte. Sur le fondement de l'article L. 521-2, le juge des référés peut ordonner à l'autorité compétente de prendre, à titre provisoire, des mesures d'organisation des services placés sous son autorité, dès lors qu'il s'agit de mesures d'urgence qui lui apparaissent nécessaires pour sauvegarder, à très bref délai, la liberté fondamentale à laquelle il est gravement, et de façon manifestement illégale, porté atteinte. Le caractère manifestement illégal de l'atteinte doit s'apprécier notamment en tenant compte des moyens dont dispose l'autorité administrative compétente et des mesures qu'elle a déjà prises.
7. Pour l'application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, le droit au respect de la vie et le droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants constituent des libertés fondamentales au sens des dispositions de cet article.
8. Eu égard à la vulnérabilité des détenus et à leur situation d'entière dépendance vis à vis de l'administration, il appartient à celle-ci, et notamment au garde des sceaux, ministre de la justice et aux directeurs des établissements pénitentiaires, en leur qualité de chefs de service, de prendre les mesures propres à protéger leur vie ainsi qu'à leur éviter tout traitement inhumain ou dégradant afin de garantir le respect effectif des libertés fondamentales énoncées au point précédent. Lorsque la carence de l'autorité publique crée un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes, les expose à être soumises, de manière caractérisée, à un traitement inhumain ou dégradant ou conduit à ce qu'elles soient privées, de manière caractérisée, des traitements et des soins appropriés à leur état de santé portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à ces libertés fondamentales, et que la situation permet de prendre utilement des mesures de sauvegarde dans un délai de quarante-huit heures, le juge des référés peut, au titre de la procédure particulière prévue par l'article L. 521-2, prescrire, dans les conditions et les limites définies au point 6, les mesures de nature à faire cesser la situation résultant de cette carence.
Sur la demande en référé :
9. L'Ordre des avocats du barreau de Martinique et vingt-deux personnes détenues au centre pénitentiaire de Ducos ont saisi, le 2 avril 2020, le juge des référés du tribunal administratif de La Martinique, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une demande tendant à ce que soient prises toutes les mesures nécessaires pour assurer, durant l'épidémie de covid-19, la sécurité sanitaire au sein de cet établissement pénitentiaire et réduire le risque de contamination. Par une ordonnance en date du 4 avril 2020, le juge des référés du tribunal administratif de La Martinique a enjoint à la garde des sceaux, ministre de la justice et au directeur du centre pénitentiaire de Ducos, en premier lieu, de distribuer des masques chirurgicaux et des gants aux détenus, afin qu'ils en disposent, prioritairement, lors des situations les amenant à être en contact avec plusieurs détenus issus d'autres cellules, en deuxième lieu, de distribuer des masques non sanitaires et des gants aux auxiliaires lorsqu'ils assurent la distribution des repas et, en dernier lieu, de se doter de tests de dépistage, en nombre suffisant, pour permettre prioritairement, le dépistage des personnes ayant été en contact direct avec une personne présentant des symptômes de covid-19 et a rejeté le surplus des conclusions dont il était saisi.
10. La garde des sceaux, ministre de la justice relève appel de cette ordonnance en tant qu'elle ordonne la distribution de masques chirurgicaux aux personnes détenues et la mise à disposition d'un nombre suffisant de tests pour permettre le dépistage de l'ensemble des personnes ayant été en contact direct avec une personne présentant des symptômes de covid-19. Pour sa part, l'Ordre des avocats au barreau de Martinique, qui conclut au rejet du recours de la ministre de la justice, relève appel de l'ordonnance du 4 avril 2020 en tant qu'elle ordonne la distribution aux auxiliaires pénitentiaires en charge de la distribution des repas de masques non sanitaires et non de masques chirurgicaux.
11. Il résulte de l'instruction qu'à la date du 4 mai 2020, 756 personnes sont détenues au centre pénitentiaire de Ducos qui est doté de 738 places, ce qui correspond, à l'échelle de l'établissement, à un taux d'occupation de 102 %. Au sein de cet établissement, le quartier maison d'arrêt accueille 412 personnes pour 316 places soit un taux d'occupation de 130 %. A la même date, on ne recense, parmi les personnels pénitentiaires et les personnes détenues au centre pénitentiaire de Ducos, ni cas confirmé de contamination au virus du covid-19 ni cas symptomatique. En l'état de l'instruction, ne se trouvent placés en confinement sanitaire que les nouveaux arrivants au titre de la quatorzaine dont ils font l'objet à titre préventif.
En ce qui concerne la condition d'urgence :
12. Eu égard aux circonstances rappelées aux points 3 et 4 et compte tenu de la vulnérabilité des détenus et de leur situation d'entière dépendance vis à vis de l'administration, la condition d'urgence posée à l'article L. 521-2 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie alors même qu'ainsi qu'il est dit au point précédent, aucun cas confirmé de contamination au virus covid-19 ni aucun cas symptomatique ne sont recensés, le 4 mai 2020, au centre pénitentiaire de Ducos.
En ce qui concerne l'atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées :
13. Il résulte de l'instruction que, depuis que l'épidémie de covid-19 a atteint la France et au fur et à mesure de l'évolution des stades 1, 2 et 3 de l'épidémie, la ministre de la justice a édicté, au moyen de plusieurs instructions adressées aux services compétents, un certain nombre de mesures visant à prévenir le risque de propagation du virus au sein des établissements pénitentiaires. Ces instructions définissent des orientations générales et arrêtent des mesures d'organisation du service public pénitentiaire qu'il revient aux chefs des 187 établissements pénitentiaires de mettre en oeuvre et d'appliquer sous l'autorité des directions interrégionales des services pénitentiaires. Il appartient aux chefs d'établissements pénitentiaires responsables de l'ordre et de la sécurité au sein de ceux-ci, de s'assurer du respect des consignes données pour lutter contre la propagation du virus et de prendre, dans le champ de leurs compétences, toute mesure propre à garantir le respect effectif des libertés fondamentales des personnes détenues et des personnes y travaillant ou y intervenant.
14. En premier lieu, la ministre de la justice a demandé, dès le 27 février 2020, qu'il soit strictement veillé au respect des règles de sécurité sanitaire à l'intérieur des établissements pénitentiaires. Des consignes ont été données de veiller à ce que soient strictement respectés, tant par les personnes détenues que par les personnels pénitentiaires, les " gestes barrières " : lavage régulier des mains, limitation stricte des contacts physiques. La consigne générale a également été donnée à l'ensemble des établissements pénitentiaires d'effectuer un nettoyage renforcé et une aération régulière des locaux, de fournir à toutes les personnes détenues une quantité suffisante de produits d'hygiène et d'entretien, d'assurer aussi régulièrement que possible le lavage des draps et le nettoyage du linge. Il résulte de l'instruction, ainsi que l'a relevé l'ordonnance du 4 avril 2020 par des motifs non contestés en appel, que ces consignes sont effectivement respectées au sein du centre pénitentiaire de Ducos.
15. En deuxième lieu, un protocole relatif au signalement et à la détection des cas symptomatiques a été défini, par une note du 6 avril 2020 et par l'actualisation, à la même date, de la fiche intitulée " Etablissements pénitentiaires : organisation de la réponse sanitaire par les unités sanitaires en milieu pénitentiaire en collaboration avec les services pénitentiaires " afin que puissent être détectées, dans les meilleurs délais, les personnes détenues présentant les symptômes du covid-19. Il résulte de l'instruction que ce protocole, qui repose sur une responsabilité partagée entre les personnes détenues, le personnel pénitentiaire et les équipes des unités sanitaires en milieu pénitentiaire, est effectivement mis en oeuvre au sein du centre pénitentiaire de Ducos.
16. En troisième lieu, il a été décidé, dès le 27 février 2020, de limiter les mouvements à l'intérieur des établissements pénitentiaires et de réduire les flux de circulation entre l'intérieur et l'extérieur.
17. D'une part, à compter du 17 mars 2020, les activités socio-culturelles et d'enseignement, le sport en espace confiné, la pratique des cultes, la formation professionnelle, le travail ainsi que les visites aux parloirs, parloirs familiaux et unités de vie familiale et les entretiens avec les visiteurs de prison ont été suspendus. Il résulte de l'instruction que cette consigne générale est effectivement appliquée au sein du centre pénitentiaire de Ducos où seuls ont été maintenus les déplacements qu'impliquent les promenades et activités de sport en plein air, l'accès aux douches collectives et, le cas échéant, les missions de l'unité de consultations et de soins ambulatoires, la tenue de la commission de discipline, les entretiens avec les conseillers pénitentiaires d'insertion et probation ainsi que les rendez-vous aux " parloirs avocats ".
18. D'autre part, il a été décidé d'organiser, au sein de chaque établissement pénitentiaire, un " anneau sanitaire " destiné à protéger, dans toute la mesure du possible, les personnes détenues du risque d'exposition au virus du covid-19. A ce titre, le port d'un masque de protection sanitaire a été imposé, à compter du 31 mars 2020, aux personnels en contact direct et prolongé avec les personnes détenues. A titre de précaution, les personnes entrant en détention sont placées en quatorzaine, le temps nécessaire à la vérification qu'elles sont asymptomatiques. Il résulte de l'instruction, en particulier des éléments produits par le ministère de la justice à l'issue de l'audience publique, que ces consignes sont effectivement appliquées au centre pénitentiaire de Ducos. Les besoins journaliers en masques de protection sanitaire, évalués à 184, pour permettre la mise en oeuvre de l'instruction du 31 mars 2020 déclinée à l'échelle de l'établissement, en dernier lieu, par une note de service du 27 avril 2020, ont été satisfaits et sont en mesure de continuer à l'être. L'établissement dispose d'un quartier arrivant d'une capacité d'accueil de 40 personnes situé dans l'unité de vie 18 du quartier maison d'arrêt hommes n° 2 (MAH 2). Il résulte également de l'instruction que, conformément aux consignes générales, sont définies, au sein de cet établissement, des modalités de prise en charge des personnes détenues suspectées ou positives au covid-19 visant à limiter la propagation du virus. Toute personne correspondant à un cas confirmé ou un cas symptomatique dont la prise en charge médicale ne justifie pas une hospitalisation fait l'objet d'un confinement sanitaire c'est-à-dire un placement en cellule individuelle, dans un quartier spécifique de l'établissement, l'unité de vie 0 du quartier maison d'arrêt pour hommes n° 1 (MAH1), d'une capacité d'accueil de quinze personnes. Elle n'a ainsi plus vocation à entrer en contact avec des personnes détenues asymptomatiques. Elle est munie d'un masque de protection sanitaire qu'elle doit porter pendant l'ensemble de ses déplacements et de ses rendez-vous. Est également prévu, à titre préventif, le placement en quatorzaine des personnes ayant été codétenues avec elle.
S'agissant de la distribution de masques aux personnes détenues chargées de la distribution des repas :
19. L'Ordre des avocats au barreau de Martinique conteste l'ordonnance du 4 avril 2020 en tant qu'elle s'est bornée à enjoindre la distribution aux personnes détenues chargées de la distribution des repas de masques de protection non sanitaires.
20. Il résulte de l'instruction qu'au sein du centre pénitentiaire de Ducos, 48 personnes détenues sont classées au service général en qualité d'auxiliaires chargés de la distribution des repas. Ces personnes reçoivent, à l'occasion de la distribution de chaque repas (déjeuner et dîner), un kit d'hygiène alimentaire composé d'un masque de restauration et d'une paire de gants jetables. Les auxiliaires chargés de la distribution des repas dans l'unité de confinement sanitaire sont, pour leur part, dotés de masques de protection sanitaires (masques chirurgicaux).
21. En outre, à compter du 11 mai 2020, ainsi qu'il ressort des éléments produits en réponse à un supplément d'instruction, l'ensemble des auxiliaires du centre pénitentiaire de Ducos amenés par leurs missions à se trouver en contact répété ou en contact direct et prolongé avec d'autres personnes détenues se verra remettre des masques de type chirurgical. Sont notamment concernés les auxiliaires d'étage chargés de la distribution des repas et de l'entretien des coursives et les auxiliaires de cantine chargés de la distribution des produits.
22. Dans ces conditions, la demande de l'Ordre des avocats au barreau de Martinique tendant à ce qu'il soit enjoint au chef d'établissement du centre pénitentiaire de Ducos de distribuer, dans les meilleurs délais, des masques de protection sanitaires aux personnes détenues chargées de la distribution des repas est privée d'objet. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ses conclusions d'appel qui se bornaient à demander la réformation de l'ordonnance du 4 avril 2020 en tant qu'elle n'a pas prononcé d'injonction satisfaisant cette demande.
S'agissant de la distribution de masques aux personnes détenues :
23. La garde des sceaux, ministre de la justice conteste l'ordonnance du 4 avril 2020 en tant qu'elle ordonne la distribution de masques chirurgicaux aux personnes détenues afin qu'ils en disposent, prioritairement, lors des situations les amenant à être en contact avec plusieurs personnes issues d'autres cellules. Au soutien de son appel, elle fait valoir que tant la mise en oeuvre du régime " portes ouvertes " appliqué au sein de certains quartiers de l'établissement que les déplacements qu'implique l'organisation des promenades ont pour conséquence que chaque personne détenue est appelée à rencontrer quotidiennement d'autres détenus que celui ou ceux qui partagent sa cellule si bien que l'injonction contestée revient à ordonner la distribution d'au moins deux masques de protection sanitaire par jour à l'ensemble de la population du centre pénitentiaire de Ducos. Elle soutient que le respect effectif des gestes barrière au sein de cet établissement ainsi que l'efficacité de l'" anneau sanitaire " qui y est mis en place suffisent à assurer la sécurité sanitaire des personnes détenues. Pour sa part, l'Ordre des avocats au barreau de Martinique soutient que la configuration des locaux et l'organisation des déplacements à l'intérieur de l'établissement font obstacle au respect effectif de la règle de distance minimale entre les personnes, ainsi que l'a relevé le juge des référés du tribunal administratif de La Martinique dans son ordonnance du 4 avril 2020.
24. D'une part, la protection des personnes détenues repose, ainsi qu'il a été dit au point 18, sur la mise en place d'un " anneau sanitaire " visant à prévenir, dans toute la mesure du possible, le risque de contamination au virus du covid-19 par des personnes allant et venant de l'extérieur de l'établissement.
25. Il ressort des éléments produits en réponse à un supplément d'instruction qu'il a été décidé, afin de renforcer l'efficacité de l'" anneau sanitaire " lors de la première phase de déconfinement, qu'à compter du 11 mai 2020, tous les personnels pénitentiaires intervenant au sein du centre pénitentiaire de Ducos seront dotés d'un masque de protection sanitaire et non plus seulement ceux dont les fonctions impliquent un contact direct et prolongé avec les personnes détenues.
26. S'agissant des contacts entre les personnes détenues et les intervenants extérieurs, il résulte de l'instruction qu'ils ont lieu dans des locaux configurés de telle façon que les règles de distance entre les personnes puissent y être effectivement respectées. Les " parloirs avocats " se déroulent dans un local d'une superficie de plus de 29 m². La commission de discipline se tient dans une salle de plus de 23 m². En outre, il ressort des éléments produits par le ministère de la justice en réponse à un supplément d'instruction qu'à compter du 11 mai 2020, tous les intervenants extérieurs (avocats, conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation, assesseur extérieur de la commission de discipline) se verront imposer le port d'un masque de protection non sanitaire lors de leurs contacts avec les personnes détenues au centre pénitentiaire de Ducos. Il ressort de ces mêmes éléments que si l'administration pénitentiaire envisage, le cas échéant, de les autoriser à porter, le temps de ces échanges, le masque de protection qui leur aurait été apporté par l'intervenant extérieur, le principe reste que les personnes détenues ne seront pas dotées d'un masque lors de ces contacts. Compte tenu de l'obligation, à compter du 11 mai 2020, pour l'ensemble des personnels pénitentiaires de porter le masque de type chirurgical qu'il leur aura été remis par l'administration pénitentiaire et pour les intervenants extérieurs de se présenter munis d'un masque de protection non sanitaire, il apparaît que les personnes détenues seront les seules à ne pas avoir de masque de protection, à l'occasion des contacts avec des intervenants extérieurs qu'occasionnent la tenue des " parloirs avocats " ou de la commission de discipline et les entretiens avec les conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation. Compte tenu de la nécessité d'assurer la plus grande efficacité possible au dispositif d'" anneau sanitaire " mis en place pour protéger les personnes détenues du risque de contamination à l'occasion de contacts avec des intervenants extérieurs, il apparaît, en l'état de l'instruction, que, dans de telles hypothèses, l'absence de fourniture d'un masque de protection non sanitaire aux personnes détenues afin qu'elles puissent le porter le temps des échanges avec le ou les intervenants extérieurs révèle, de manière caractérisée, une carence de nature à justifier, eu égard aux libertés fondamentales invoquées, qu'il soit enjoint à la ministre de la justice et au chef d'établissement du centre pénitentiaire de Ducos de fournir, à compter du 11 mai 2020, un masque de protection non sanitaire aux personnes détenues appelées à se rendre à un " parloir avocat ", une commission de discipline ou un entretien avec un conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation. Ce masque devra être distribué par l'administration pénitentiaire à l'occasion d'un tel contact et lui être remis à son issue.
27. D'autre part, la protection des personnes détenues repose sur une organisation des déplacements à l'intérieur du centre pénitentiaire de Ducos visant à permettre le respect effectif des gestes barrières, en particulier des règles de distance entre les personnes, afin de prévenir, dans toute la mesure du possible, le risque de contamination au virus du covid-19 au sein de l'établissement.
28. Il résulte de l'instruction, en particulier des échanges au cours de l'audience publique et des éléments produits par le ministère de la justice à son issue, que le chef d'établissement du centre pénitentiaire de Ducos a veillé à organiser les déplacements des personnes détenues à l'intérieur de l'établissement dans des conditions permettant de respecter les règles de sécurité sanitaire. En ce qui concerne l'activité de promenade et l'accès aux douches collectives dans les quartiers maison d'arrêt des hommes, les déplacements sont ainsi effectués par des groupes de personnes restant les mêmes d'un jour sur l'autre afin que les contacts ne se fassent qu'entre les membres d'un groupe préconstitué de personnes asymptomatiques. S'agissant du quartier maison d'arrêt des hommes n°1, ces règles d'organisation ont été formalisées, à la suite de l'audience publique, dans une note de service du 27 avril 2020 versée au débat contradictoire. Il en ressort que les six unités de vie (UV) que compte ce quartier sont jumelées. Les UV 1 et UV 2 qui fonctionnent en régime " portes ouvertes " sont binômées. Elles bénéficient chacune d'une courette de 50 m² où sont situées des douches collectives et d'une cour de promenade de 600 m². Les quatre autres unités de vie, qui comportent chacune un rez-de-chaussée et un étage, sont jumelées de telle sorte que les groupes correspondent toujours aux mêmes étages des deux mêmes unités. Chaque unité de vie dispose d'une courette de 50 m² dotée de douches collectives. S'y ajoute une cour de promenade de 700 m². L'accès aux courettes et à la cour de promenade se fait par rotation, en fonction d'une organisation des mouvements répartie entre le matin et l'après-midi telle que puissent être évités les croisements, dans les espaces communs, des différents groupes et respectées, au sein de ceux-ci, les règles de distance minimale. L'accès aux courettes est ainsi limité à un groupe comportant simultanément entre 6 et 9 personnes. Il résulte de l'instruction que les mouvements sont organisés de la même manière au sein du quartier maison d'arrêt des hommes n°2, dont les cellules comportent une douche individuelle, qui comprend, outre le quartier arrivant, trois unités de vie divisées en deux secteurs et bénéficiant chacune d'une courette de 50 m². S'y ajoutent deux cours de promenade de 500 m².
29. Compte tenu des mesures effectivement prises par le chef d'établissement du centre pénitentiaire de Ducos pour limiter, conformément aux instructions de la ministre de la justice, les contacts avec l'extérieur et réduire les mouvements à l'intérieur de son établissement, des consignes et des mesures effectivement prises pour assurer, au sein de cet établissement, l'entretien et le nettoyage des locaux ainsi que le respect des règles de sécurité sanitaire, en particulier en ce qui concerne l'organisation des promenades et l'accès aux douches collectives, de la mise en place de l' " anneau sanitaire " décrit aux points 24 et suivants de la présente ordonnance, des nouvelles consignes, applicables à compter du 11 mai 2020, relatives au port du masque par les personnels pénitentiaires, les intervenants extérieurs et les personnes détenues auxiliaires, de l'injonction prononcée au point 26, du protocole relatif au signalement et à la détection des cas symptomatiques ainsi que des modalités de prise en charge des cas confirmés ou symptomatiques, il n'apparaît pas, en l'état de l'instruction et à la date de la présente ordonnance, que l'absence de distribution de masques de protection à l'ensemble des personnes détenues au centre pénitentiaire de Ducos révèlerait une carence portant, de manière caractérisée, une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées.
30. Il s'ensuit que la garde des sceaux, ministre de la justice est fondée à demander à ce que l'ordonnance attaquée soit réformée en ce qu'elle a de contraire à la présente ordonnance.
S'agissant de la pratique des tests de dépistage :
31. La garde des sceaux, ministre de la justice conteste l'ordonnance du 4 avril 2020 en tant qu'elle lui ordonne de se doter des tests de dépistage en nombre suffisant afin de permettre le dépistage de toute personne ayant été en contact direct avec une personne présentant les symptômes du covid-19. Au soutien de son appel, elle fait valoir que la mise en oeuvre de note conjointe du ministre de l'intérieur et du ministre des solidarités et de la santé en date du 9 avril 2020 suffit à assurer, de manière efficace, la détection et la prise en charge médicale des personnes contaminées.
32. La note du 9 avril 2020 relative au déploiement des nouvelles capacités de tests de dépistage virologiques identifie des populations prioritaires parmi lesquelles figurent désormais les personnes détenues et les personnels pénitentiaires. Il y est préconisé que dans les établissements pénitentiaires, tout personnel symptomatique fasse l'objet d'un test de dépistage. S'il s'avère que ce cas est confirmé, l'ensemble des personnels doivent être dépistés. S'agissant des personnes détenues, il est préconisé, dans les établissements sans cas connu de contamination, ce qui correspond, à la date de la présente ordonnance, à la situation du centre pénitentiaire de Ducos, de dépister le premier cas symptomatique.
33. Il résulte de l'instruction, en particulier des échanges au cours de l'audience publique et des éléments produits par le ministère de la justice à son issue, que l'administration est en mesure, avec une capacité de dépistage évaluée, sur le territoire de la Martinique, à 460 tests par jour sur 6 jours par semaine, de mettre effectivement en oeuvre les consignes arrêtées par la note du 9 avril 2020. En ce qui concerne le centre pénitentiaire de Ducos, l'application de cette instruction combinée avec les modalités de prise en charge médicale arrêtées au sein de cet établissement se traduirait de la manière suivante. Le premier cas symptomatique détecté parmi les personnes détenues ferait l'objet d'un test de dépistage virologique. Dans le cas où il serait confirmé, cette personne ferait l'objet d'un confinement sanitaire ou, le cas échéant, d'une prise en charge hospitalière. L'ensemble des personnes détenues ayant été en contact direct avec cette personne seraient placées, à titre préventif, en quatorzaine. Si, pendant la durée de ce confinement sanitaire, apparaissaient d'autres cas symptomatiques, ils feraient alors l'objet d'un test de dépistage, ainsi que le recommande, dans pareille hypothèse, la note du 9 avril 2020. Dans ces conditions, il n'apparaît pas, en l'état de l'instruction et à la date de la présente ordonnance, eu égard aux critères, constamment ajustés, retenus en l'état des disponibilités des tests, pour effectuer les dépistages, et qui sont appelés à évoluer après le 11 mai 2020, que l'absence de dépistage systématique de l'ensemble des personnes détenues ayant été en contact direct avec une personne présentant les symptômes du covid-19 révèlerait une carence portant, de manière caractérisée, une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées.
34. Il s'ensuit que la garde des sceaux, ministre de la justice est fondée à demander la reformation de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle lui enjoint de se doter de tests virologiques en nombre suffisant pour procéder à des dépistages dans une mesure excédant ce que prévoit la note du 9 avril 2020.
35. Il résulte de tout ce qui précède que la garde des sceaux, ministre de la justice est seulement fondée à demander la réformation de l'ordonnance du 4 avril 2020 en tant qu'elle prononce des injonctions allant au-delà de la mesure ordonnée au point 26.
36. Il résulte de tout ce qui précède qu'il n'y pas lieu de statuer sur les conclusions d'appel de l'Ordre des avocats au barreau de Martinique. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions qu'il a présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : Les interventions de l'Ordre des avocats au barreau de Guyane, du Syndicat des avocats de France, de la Section française de l'Observatoire international des prisons, du Conseil national des barreaux, de la Conférence des bâtonniers et de l'Ordre des avocats au barreau de Paris sont admises.
Article 2 : Il est enjoint à la ministre de la justice et au chef d'établissement du centre pénitentiaire de Ducos de fournir, à compter du 11 mai 2020, un masque de protection non sanitaire aux personnes détenues dans cet établissement appelées à se rendre à un " parloir avocat ", une commission de discipline ou un entretien avec un conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation, dans les conditions prévues au point 26 de la présente ordonnance.
Article 3 : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de la Martinique du 4 avril 2020 est réformée en ce qu'elle a de contraire à la présente ordonnance.
Article 4 : Le surplus des conclusions du recours de la garde des sceaux, ministre de la justice est rejeté.
Article 5 : Il n'y a pas lieu de statuer sur l'appel présenté par l'Ordre des avocats au barreau de Martinique.
Article 6 : Les conclusions de l'Ordre des avocats au barreau de Martinique présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : La présente ordonnance sera notifiée à la garde des sceaux, ministre de la justice, à l'Ordre des avocats au barreau de Martinique, à l'Ordre des avocats au barreau de Guyane, au Syndicat des avocats de France, à la Section française de l'Observatoire international des prisons, au Conseil national des barreaux, à la Conférence des bâtonniers et à l'Ordre des avocats au barreau de Paris.
Copie en sera adressée au Premier ministre et au ministre de la solidarité et de la santé.