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27/03/2020 | FRANCE | N°433951

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 27 mars 2020, 433951


Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 1er juillet 2019 par laquelle le préfet de police a accordé le concours de la force publique pour procéder à son expulsion du logement qu'il occupe. Par une ordonnance n° 1915970/3 du 9 août 2019, le juge des référés a fait droit à sa demande.

Par un pourvoi, enregistré le 27 août 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le min

istre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnanc...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 1er juillet 2019 par laquelle le préfet de police a accordé le concours de la force publique pour procéder à son expulsion du logement qu'il occupe. Par une ordonnance n° 1915970/3 du 9 août 2019, le juge des référés a fait droit à sa demande.

Par un pourvoi, enregistré le 27 août 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de M. A....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code des procédures civiles d'exécution ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Lambron, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP

Jean-Philippe Caston, avocat de M. B... A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par une décision du 1er juillet 2019, le préfet de police a accordé le concours de la force publique pour l'expulsion de M. A... du logement qu'il occupe rue Belliard à Paris. Saisi par M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a ordonné la suspension de cette décision, par une ordonnance du 9 août 2019 contre laquelle le ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

3. Toute décision de justice ayant force exécutoire peut donner lieu à une exécution forcée, la force publique devant, si elle est requise, prêter main forte à cette exécution. Toutefois, des considérations impérieuses tenant à la sauvegarde de l'ordre public, ou à la survenance de circonstances postérieures à la décision judiciaire d'expulsion telles que l'exécution de celle-ci serait susceptible d'attenter à la dignité de la personne humaine, peuvent légalement justifier, sans qu'il soit porté atteinte au principe de séparation des pouvoirs, le refus de prêter le concours de la force publique. En cas d'octroi de la force publique, il appartient au juge de rechercher si l'appréciation à laquelle s'est livrée l'administration sur la nature et l'ampleur des troubles à l'ordre public susceptibles d'être engendrés par sa décision ou sur les conséquences de l'expulsion des occupants compte tenu de la survenance de circonstances postérieures à la décision de justice l'ayant ordonnée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

4. Il résulte des termes mêmes de l'ordonnance attaquée que, pour ordonner la suspension de l'exécution de la décision du préfet de police du 1er juillet 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a estimé qu'était de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée le moyen tiré de ce que, M. A... ayant, postérieurement à la décision de justice ayant ordonné son expulsion, repris le paiement de son loyer et bénéficié d'un échéancier d'apurement de sa dette par la commission de surendettement, le préfet de police avait commis une erreur manifeste d'appréciation.

5. En estimant que de telles circonstances étaient de nature à faire naître un doute sérieux quant à l'existence d'une atteinte à la dignité de la personne humaine, le juge des référés a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, le ministre de l'intérieur est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par M. A..., en application des dispositions de l'article

L. 821-2 du code de justice administrative.

7. Pour demander la suspension de l'exécution de la décision du 1er juillet 2019 par laquelle le préfet de police a accordé le concours de la force publique pour procéder à son expulsion de son logement, M. A... soutient que cette décision a été signée par une autorité incompétente, qu'elle a été prise au terme d'une procédure irrégulière, le concours de la force publique n'ayant pas été requis dans les formes prévues par l'article R. 153-1 du code des procédures civiles d'exécution et la commission de contrôle des actions de prévention des expulsions locatives n'ayant pas été saisie et qu'elle est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

8. Aucun de ces moyens n'est de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.

9. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition relative à l'urgence, la demande de M. A... doit être rejetée.

10. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées ce titre par M. A..., tant devant le juge des référés du tribunal administratif que devant le Conseil d'Etat.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris du 9 août 2019 est annulée.

Article 2 : la demande présentée par M. A... devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : la présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. B... A....


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 27 mar. 2020, n° 433951
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Marc Lambron
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP JEAN-PHILIPPE CASTON

Origine de la décision
Formation : 5ème chambre
Date de la décision : 27/03/2020
Date de l'import : 21/04/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 433951
Numéro NOR : CETATEXT000041808352 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2020-03-27;433951 ?
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