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11/03/2020 | FRANCE | N°426367

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 11 mars 2020, 426367


Vu la procédure suivante :

La société Abas a demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, de déclarer nul et non avenu le " cahier des charges type pour une étude de sol et de filières d'assainissement non collectif ", dans ses versions successives, établi par l'Agence de l'eau Loire-Bretagne (AELB) et d'annuler la délibération adoptée le 30 octobre 2014 par le conseil d'administration de cette agence en tant qu'elle modifie les modalités d'attribution des aides financières définies par la fiche action 1-2-c1 ainsi que la décision du 9 septembre 2015 du dire

cteur de l'AELB portant rejet de sa demande d'abrogation de ces décis...

Vu la procédure suivante :

La société Abas a demandé au tribunal administratif d'Orléans, d'une part, de déclarer nul et non avenu le " cahier des charges type pour une étude de sol et de filières d'assainissement non collectif ", dans ses versions successives, établi par l'Agence de l'eau Loire-Bretagne (AELB) et d'annuler la délibération adoptée le 30 octobre 2014 par le conseil d'administration de cette agence en tant qu'elle modifie les modalités d'attribution des aides financières définies par la fiche action 1-2-c1 ainsi que la décision du 9 septembre 2015 du directeur de l'AELB portant rejet de sa demande d'abrogation de ces décisions et celle du 20 octobre 2015 par laquelle le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a rejeté le recours hiérarchique formé contre cette dernière décision, d'autre part, de déclarer nul et non avenu le " cahier des charges type pour une étude de sol et de filières d'assainissement non collectif ", dans ses versions successives, établi par l'AELB et d'annuler la délibération adoptée 29 octobre 2015 par le conseil d'administration en tant qu'elle a modifié les modalités d'attribution des aides financières définies par la fiche action 1-2-c1. Par un jugement nos 1503677, 1504183 du 4 juillet 2017, le tribunal administratif d'Orléans a fait droit à ses demandes.

Par un arrêt nos 17NT02704, 17NT02710 du 22 octobre 2018, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur l'appel du ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et de l'AELB, annulé ce jugement et rejeté les demandes présentées par la société Abas.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés le 18 décembre 2018 et les 18 mars et 3 juin 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société Abas demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel formé par l'AELB ;

3°) de mettre à la charge de l'Agence de l'eau Loire-Bretagne la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Carine Chevrier, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la société Abas et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l'Agence de l'eau Loire-Bretagne ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une délibération du 30 octobre 2014, le conseil d'administration de l'Agence de l'eau Loire-Bretagne a modifié la " fiche action " 1-2-c1 de son programme pluriannuel d'intervention approuvé pour la période 2013-2018, relative aux conditions d'éligibilité aux aides relatives aux études de sol et de filières d'assainissement non collectif réalisées soit préalablement à des réhabilitations de ces installations, soit à l'occasion de réhabilitations d'habitations neuves. Elle a ensuite confirmé cette modification par une délibération du 29 octobre 2015. Saisi par la société Abas, spécialisée dans la conception et la fabrication d'installations d'assainissement non collectif, le tribunal administratif d'Orléans a annulé ces délibérations en tant qu'elles modifient la " fiche action " précitée. Par un arrêt du 22 octobre 2018, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé ce jugement et a rejeté les demandes de la société Abas.

2. Aux termes de l'article L. 213-8-1 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable, les agences de l'eau ont pour mission de " favoris[er] une gestion équilibrée et économe de la ressource en eau et des milieux aquatiques, l'alimentation en eau potable, la régulation des crues et le développement durable des activités économiques ". Aux termes de l'article L. 213-9-1 du même code alors applicable : " Pour l'exercice des missions définies à l'article L. 213-8-1, le programme pluriannuel d'intervention de chaque agence de l'eau détermine les domaines et les conditions de son action et prévoit le montant des dépenses et des recettes nécessaires à sa mise en oeuvre. Le Parlement définit les orientations prioritaires du programme pluriannuel d'intervention des agences de l'eau et fixe le plafond global de leurs dépenses sur la période considérée ainsi que celui des contributions des agences à l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (...) ". Cet article est complété par l'article L. 213-9-2, aux termes duquel : " I.- Dans le cadre de son programme pluriannuel d'intervention, l'agence de l'eau apporte directement ou indirectement des concours financiers sous forme de subventions, de primes de résultat ou d'avances remboursables aux personnes publiques ou privées pour la réalisation d'actions ou de travaux d'intérêt commun au bassin ou au groupement de bassins qui contribuent à la gestion équilibrée de la ressource en eau et des milieux aquatiques. (...) ". Enfin, les conditions d'attribution de concours financiers sont précisées par les dispositions, d'une part, de l'article R. 213-32 du même code, en vertu duquel : " I.- Pour l'exercice de ses missions définies aux articles L. 213-8-1 et L. 213-9-2 : 1° L'agence peut attribuer des subventions, des primes de résultat et consentir des avances remboursables aux personnes publiques ou privées, dans la mesure où les études, recherches, travaux ou ouvrages exécutés par ces personnes et leur exploitation entrent dans le cadre de ses attributions. Elle s'assure de la bonne utilisation et de l'efficacité des aides versées (...) ", d'autre part, de l'article R. 213-39 du même code, en vertu duquel le conseil d'administration de l'agence délibère sur " 2° Les programmes généraux d'activité, et notamment les programmes pluriannuels d'intervention prévus à l'article L. 213-9-1 (...) / 7° Les conditions générales d'attribution des subventions et des concours financiers aux personnes publiques et privées (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que les agences de l'eau disposent d'un pouvoir règlementaire pour déterminer, dans la limite des missions qui leur sont fixées par la loi, les domaines et conditions de leur action et définir les conditions générales d'attribution des concours financiers qu'elles peuvent apporter aux personnes publiques et privées sous forme de subventions, de primes de résultat ou d'avances remboursables. Cette compétence doit être exercée, en vertu de l'article R. 213-39 du code de l'environnement cité ci-dessus, par son conseil d'administration.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le conseil d'administration de l'Agence de l'eau Loire-Bretagne a approuvé, par une délibération du 30 octobre 2014 confirmée par une délibération du 29 octobre 2015, la modification de la " fiche action " 1-2-c1 de son programme pluriannuel d'intervention. Il en ressort également que la fiche ainsi modifiée impose, au nombre des conditions d'éligibilité des personnes publiques ou privées aux aides relatives aux études de sol et de filières d'assainissement non collectif, la réalisation de ces études conformément à un cahier des charges type qui, en son point 4, exige que soit étudiée en priorité la solution d'une installation d'assainissement non collectif traditionnelle, dite " par le sol ", la possibilité d'un assainissement par un dispositif alternatif agréé n'étant étudiée qu'au cas où il est justifié qu'un dispositif traditionnel n'est pas techniquement réalisable. Après avoir relevé que le cahier des charges type annexé à la " fiche action " 1-2-c1 formait avec cette dernière un ensemble indissociable de dispositions réglementaires, la cour a jugé qu'il avait été adopté par le conseil d'administration sans que celui-ci n'excède sa compétence. Or il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que le cahier des charges n'avait été ni débattu ni approuvé par le conseil d'administration. La cour a ainsi entaché son arrêt de dénaturation.

5. Il résulte de ce tout qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la société Abas est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Abas qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Agence de l'eau Loire-Bretagne une somme de 3 000 euros à verser à la société Abas au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

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Article 1 : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 22 octobre 2018 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.

Article 3 : L'Agence de l'eau Loire-Bretagne versera à la société Abas une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées au même titre par L'Agence de l'eau Loire-Bretagne sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Abas et à l'Agence de l'eau Loire-Bretagne.

Copie en sera adressée à la ministre de la transition écologique et solidaire.


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 426367
Date de la décision : 11/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 11 mar. 2020, n° 426367
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Carine Chevrier
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:426367.20200311
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