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04/02/2020 | FRANCE | N°437713

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 04 février 2020, 437713


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Cabinet 21 Libération demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative :

1°) d'enjoindre au conseil départemental des Hauts-de-Seine de l'ordre des chirurgiens-dentistes de statuer sur la légalité des modifications qui ont été apportées à ses statuts à la suite de la prise de participation majoritaire au sein de son capital social de la société Cab

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Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Cabinet 21 Libération demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative :

1°) d'enjoindre au conseil départemental des Hauts-de-Seine de l'ordre des chirurgiens-dentistes de statuer sur la légalité des modifications qui ont été apportées à ses statuts à la suite de la prise de participation majoritaire au sein de son capital social de la société Cabinet privé orthodontique du sourire, IKE unipersonnelle dentaire, dans un délai de quinze jours à compter de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

2°) de mettre à la charge du conseil départemental des Hauts-de-Seine de l'ordre des chirurgiens-dentistes la somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le juge des référés du Conseil d'Etat est compétent pour connaître de sa requête ;

- la condition d'urgence est remplie dès lors que le refus du conseil départemental des Hauts-de-Seine de l'ordre des chirurgiens-dentistes de statuer sur la légalité de la prise de participation litigieuse a des conséquences gravement préjudiciables pour elle et ses associés ainsi que pour ses patients ;

- la condition d'utilité de la mesure sollicitée est remplie dès lors que le silence gardé par le conseil départemental des Hauts-de-Seine de l'ordre des chirurgiens-dentistes sur sa demande de modification de ses statuts ne fait naître aucune décision implicite qu'elle pourrait contester ;

- la condition tenant à l'absence de contestation sérieuse est remplie dès lors que le conseil départemental des Hauts-de-Seine de l'ordre des chirurgiens-dentistes ne peut, sans méconnaître le droit de l'Union européenne et la loi du 31 décembre 1990, interdire à une société grecque ayant pour objet l'exercice d'une profession de santé une prise de participation majoritaire dans une société d'exercice libéral française ayant le même objet.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 janvier 2020, le conseil départemental des Hauts-de-Seine de l'ordre des chirurgiens-dentistes conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Cabinet 21 Libération au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient, d'une part, que la demande faite au juge des référés du Conseil d'Etat est irrecevable, dès lors que la décision que réclame la requérante est déjà intervenue et, d'autre part, que cette demande se heurte à une contestation sérieuse.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique la société Cabinet 21 Libération et le conseil départemental des Hauts-de-Seine de l'ordre des chirurgiens-dentistes ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du jeudi 30 janvier 2020 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Bouthors, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la société Cabinet 21 Libération ;

- le représentant de la société Cabinet 21 Libération ;

- Me Thiriez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du conseil départemental des Hauts-de-Seine de l'ordre des chirurgiens-dentistes ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative ".

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 4112-3 du code de la santé publique : " Le conseil départemental de l'ordre statue sur la demande d'inscription au tableau dans un délai maximum de trois mois à compter de la réception de la demande, accompagnée d'un dossier complet. ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 4112-4 du même code : " Les décisions du conseil départemental rendues sur les demandes d'inscription au tableau peuvent être frappées d'appel devant le conseil régional, par (...) le chirurgien-dentiste (...) demandeur (...) A l'expiration du délai imparti pour statuer au conseil départemental, le silence gardé par celui-ci constitue une décision implicite de rejet susceptible de recours. ". Aux termes de l'article R. 4112-5 de ce code : " Les décisions d'inscription ou de refus d'inscription sont notifiées à l'intéressé dans la semaine qui suit la décision du conseil, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. (...) / La notification mentionne que le recours contre ces décisions doit être porté devant le conseil régional ou interrégional dans le ressort duquel se trouve le conseil départemental qui s'est prononcé sur la demande d'inscription, dans un délai de trente jours. (...) ". Aux termes, enfin, de l'article R. 4113-4 du même code : " La société est constituée sous la condition suspensive de son inscription au tableau de l'ordre. La demande d'inscription de la société d'exercice libéral est présentée collectivement par les associés et adressée au conseil départemental de l'ordre du siège de la société par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, accompagnée, sous peine d'irrecevabilité, des pièces suivantes : 1° Un exemplaire des statuts (...) L'inscription ne peut être refusée que si les statuts ne sont pas conformes aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur. (...) Toute modification des statuts et des éléments figurant au 4° ci-dessus est transmise au conseil départemental de l'ordre dans les formes mentionnées au présent article ".

3. Il résulte de ces dispositions que le conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes, qui doit refuser l'inscription au tableau d'une société d'exercice libéral de chirurgiens-dentistes dont les statuts ne seraient pas conformes aux dispositions législatives et réglementaires, doit procéder au même examen lorsque lui est transmise une modification des statuts d'une société inscrite au tableau de l'ordre. S'il estime que cette modification n'est pas conforme aux dispositions législatives et réglementaires, il lui appartient de mettre en demeure la société de se conformer à ces dispositions et, si elle ne le fait pas, de la radier du tableau. Par suite, la décision par laquelle un conseil départemental de l'ordre se prononce sur la conformité d'une modification des statuts d'une société d'exercice libéral aux dispositions législatives et réglementaires a la nature d'une décision prise pour l'inscription au tableau.

4. La société Cabinet 21 Libération, qui exploite un cabinet dentaire situé à Rueil-Malmaison, a décidé de céder 979 des 1000 actions composant son capital social à la société grecque Cabinet privé orthodontique du sourire, IKE unipersonnelle dentaire. Le

5 octobre 2018, la cession a été réalisée et les statuts de la société ont été modifiés en conséquence. En application des dispositions de l'article R. 4113-4 du code de la santé publique citées au point 2, elle a demandé au conseil départemental des Hauts-de-Seine de l'ordre des chirurgiens-dentistes de se prononcer sur les modifications statutaires ainsi intervenues et d'en faire mention au tableau de l'ordre. La société Cabinet 21 Libération demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'enjoindre à ce conseil départemental de statuer sur la légalité des modifications statutaires en question et de les transcrire au tableau de l'ordre ou, à défaut, de la mettre en demeure de modifier ses statuts.

5. Il résulte de l'instruction que, par un courrier en date du 5 septembre 2019, le conseil départemental des Hauts-de-Seine de l'ordre des chirurgiens-dentistes, d'une part, a fait savoir à la société requérante qu'il estimait les modifications apportées aux statuts de cette dernière non conformes aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur, d'autre part, lui a indiqué " nous vous prions, en conséquence, de modifier cette prise de participation ". Si la société Cabinet 21 Libération soutient qu'un tel courrier ne constitue pas une décision répondant aux conditions énoncées au point 3 ci-dessus, il ressort de ses termes mêmes que le conseil départemental, s'il ne l'a effectivement pas formellement mise en demeure, a refusé de transcrire les modifications statutaires qu'elle a opérées au tableau de l'ordre et lui a demandé de modifier en conséquence ses statuts.

6. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que le conseil départemental des

Hauts-de-Seine de l'ordre des chirurgiens-dentistes a, contrairement à ce qui est soutenu, rendu une décision sur la demande de la requérante qu'il lui appartient, si elle s'y croit fondée, de contester devant le conseil régional, puis le cas échéant national, de l'ordre, conformément aux dispositions de l'article L. 4112-4 du code de la santé publique citée au point 2. Il suit de là que sa requête tendant à ce qu'il soit enjoint à ce même conseil départemental des Hauts-de-Seine de l'ordre des chirurgiens-dentistes de statuer sur la légalité des modifications statutaires qu'elle a opérées et de les transcrire au tableau de l'ordre ou, à défaut, de la mettre en demeure de modifier ses statuts, est dépourvue d'objet et, en conséquence, manifestement irrecevable. Elle ne peut, dès lors, qu'être rejetée.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du conseil départemental des

Hauts-de-Seine de l'ordre des chirurgiens-dentistes qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Cabinet 21 Libération la somme de 3 000 euros à verser au conseil départemental des

Hauts-de-Seine de l'ordre des chirurgiens-dentistes au titre des mêmes dispositions.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de la société Cabinet 21 Libération est rejetée.

Article 2 : La société Cabinet 21 Libération versera au conseil départemental des Hauts-de-Seine de l'ordre des chirurgiens-dentistes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Cabinet 21 Libération et au conseil départemental des Hauts-de-Seine de l'ordre des chirurgiens-dentistes.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 437713
Date de la décision : 04/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 04 fév. 2020, n° 437713
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : BOUTHORS ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:437713.20200204
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