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10/01/2020 | FRANCE | N°436687

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 10 janvier 2020, 436687


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision du 10 juillet 2019 par laquelle la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 23 mai 2019 par laquelle la formation restreinte du conseil régional Grand Est a re

jeté son recours contre la décision de refus d'inscription prononcée le 21 ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision du 10 juillet 2019 par laquelle la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 23 mai 2019 par laquelle la formation restreinte du conseil régional Grand Est a rejeté son recours contre la décision de refus d'inscription prononcée le 21 février 2019 par le conseil départemental de la Moselle et, d'autre part, à l'annulation de ces décisions ;

2°) d'enjoindre au Conseil national de l'ordre des médecins et du conseil départemental de l'ordre des médecins de la Moselle de procéder à son inscription au tableau de l'ordre des médecins de la Moselle dans un délai de 7 jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins et du conseil départemental de l'ordre des médecins de la Moselle le versement d'une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est remplie dès lors que l'exécution de la décision du 10 juillet 2019 de la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins préjudicie de manière grave et immédiate à ses intérêts en le plaçant dans une position financière extrêmement délicate ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ;

- elle est entachée d'un détournement de procédure dès lors qu'elle est fondée sur les conclusions d'une expertise diligentée en méconnaissance des dispositions du II de l'article R. 4112-2 du code de la santé publique ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dans l'appréciation de sa compétence professionnelle pour exercer comme médecin généraliste sans faire courir un danger aux patients pris en charge ;

- elle est entaché d'une erreur de droit dès lors que la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins a conditionné l'acceptation de toute nouvelle demande d'inscription au tableau de sa part d'une obligation de formation dans un diplôme

inter-universitaire en médecine générale, alors qu'aucune disposition textuelle ne lui permettrait de prescrire une telle obligation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 décembre 2019, le Conseil national de l'ordre des médecins conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. A... la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A... et, d'autre part, le Conseil national de l'ordre des médecins ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 7 janvier 2020 à 15 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Coudray, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A... ;

- Me Poupot, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins ;

- la représentante du Conseil national de l'ordre des médecins ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Le docteur A... a sollicité, le 12 août 2018, son inscription au tableau du conseil départemental de l'ordre des médecins de la Moselle en qualité de médecin généraliste. Le 21 février 2019, le conseil départemental de l'ordre des médecins de la Moselle a, après saisine du conseil régional de l'ordre du Grand Est afin qu'il diligente une expertise relative au contrôle de sa compétence professionnelle et après avoir reçu le rapport d'expertise réalisé le

20 décembre 2018, refusé l'inscription de M. A... au tableau de l'ordre. Par une décision du 23 mai 2019, le conseil régional du Grand Est a confirmé ce refus. Par une décision du 10 juillet 2019, la formation restreinte du Conseil national de l'ordre des médecins a, d'une part, rejeté son recours et, d'autre part, décidé qu'une nouvelle demande d'inscription au tableau du requérant ne pourra être acceptée qu'à la condition qu'il justifie, dans les conditions de l'article R. 4112-2 du code de santé publique, avoir suivi une formation de remise à niveau qu'elle précise. Par la présente requête, M. A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 10 juillet 2019.

3. Aux termes de l'article L. 4112-1 du code de la santé publique : " Les médecins (...) qui exercent dans un département sont inscrits sur un tableau établi et tenu à jour par le conseil départemental de l'ordre dont ils relèvent. (...) / Nul ne peut être inscrit sur ce tableau s'il ne remplit pas les conditions requises par le présent titre et notamment les conditions nécessaires de moralité, d'indépendance et de compétence ". Aux termes de l'article L. 4112-3 du même code : " Le conseil départemental de l'ordre statue sur la demande d'inscription au tableau dans un délai maximum de trois mois à compter de la réception de la demande, accompagnée d'un dossier complet. / Les modalités selon lesquelles le conseil départemental vérifie que l'intéressé ne présente pas d'insuffisance professionnelle, d'infirmité ou d'état pathologique rendant dangereux l'exercice de la profession sont prévues par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 4112-2 du même code : " I. A la réception de la demande, le président du conseil départemental désigne un rapporteur parmi les membres du conseil. Ce rapporteur procède à l'instruction de la demande et fait un rapport écrit. Le conseil vérifie les titres du candidat et demande communication du bulletin n° 2 du casier judiciaire de l'intéressé. Il refuse l'inscription si le demandeur est dans l'un des trois cas suivants : [...] / 2° Il est établi, dans les conditions fixées au II, qu'il ne remplit pas les conditions nécessaires de compétence ; [...] II. En cas de doute sérieux sur la compétence professionnelle du demandeur, le conseil départemental saisit, par une décision non susceptible de recours, le conseil régional ou interrégional qui diligente une expertise. Le rapport d'expertise est établi dans les conditions prévues aux II, III, IV, VI et VII de l'article R. 4124-3-5 et il est transmis au conseil départemental. S'il est constaté, au vu du rapport d'expertise, une insuffisance professionnelle rendant dangereux l'exercice de la profession, le conseil départemental refuse l'inscription et précise les obligations de formation du praticien. La notification de cette décision mentionne qu'une nouvelle demande d'inscription ne pourra être acceptée sans que le praticien ait au préalable justifié avoir rempli les obligations de formation fixées par la décision du conseil départemental. ".

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'au vu du dossier de demande de M. A... et à l'issue de l'entretien qui a eu lieu le 27 septembre 2018, le conseil départemental de l'ordre des médecins de la Moselle a décidé, sur le fondement de l'article R. 4112-2 du code de la santé publique, de saisir le conseil régional de Lorraine d'" une demande d'expertise relative au contrôle de l'insuffisance professionnelle de ce médecin ". Si M. A... déduit des termes de cette décision un détournement de procédure, il en résulte pourtant que la demande a été motivée par le doute sérieux que le conseil départemental a relevé sur la compétence de l'intéressé pour l'exercice de la médecine générale. Par suite, ce moyen n'est pas propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.

5. En deuxième lieu, si le rapport d'expertise en date du 20 décembre 2018 ne mentionne pas formellement une insuffisance professionnelle rendant dangereux l'exercice de la médecine générale, il relève des lacunes importantes, " notamment relatives au suivi de l'enfant et aux spécificités d'une prise en charge ambulatoire ", une structuration du raisonnement qui semble " insuffisante et inadaptée à un exercice de médecine générale " et l'adoption de " stratégies thérapeutiques non conformes aux recommandations ", pour conclure que " la reprise d'une exercice de médecine générale n'est pas possible en l'état des de ses compétences générales ". Par suite, bien que M. A... fasse valoir ses années d'exercice dans le domaine médical, l'absence de plainte et de signalement à son encontre et les appréciations positives de ses pairs et collègues, les moyens tirés de la méconnaissance des conditions prévues par les dispositions de l'article R. 4112-1 du code de la santé publique pour justifier un refus d'inscription au tableau de l'ordre et de l'erreur manifeste d'appréciation dans leur application ne sont pas, non plus, de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.

6. En dernier lieu, il en est de même du moyen tiré de ce que le Conseil national de l'ordre des médecins ne pouvait subordonner une nouvelle demande d'inscription au suivi d'une formation de remise à niveau dans le cadre d'un diplôme inter-universitaire de médecine générale, une telle faculté étant prévue par les dispositions de l'article R. 4112-2 du code de la santé publique.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la condition d'urgence, que M. A... n'est pas fondé à demander la suspension de l'exécution de la décision contestée. Par suite, il y a lieu de rejeter sa requête, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au même titre par le Conseil national de l'ordre des médecins.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le conseil national de l'ordre des médecins au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au Conseil national de l'ordre des médecins et à M. B... A....


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 436687
Date de la décision : 10/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 jan. 2020, n° 436687
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY ; SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:436687.20200110
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