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20/12/2019 | FRANCE | N°436194

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 20 décembre 2019, 436194


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision n° D. 2017-73 du 5 octobre 2017 par laquelle l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) a, d'une part, prononcé à son encontre la sanction de l'interdiction de participer pendant quatre ans aux compétitions et manifestations sportives organisées ou auto

risées par la Fédération française de rugby à XIII, d'autre part, étendu ce...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de la décision n° D. 2017-73 du 5 octobre 2017 par laquelle l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) a, d'une part, prononcé à son encontre la sanction de l'interdiction de participer pendant quatre ans aux compétitions et manifestations sportives organisées ou autorisées par la Fédération française de rugby à XIII, d'autre part, étendu cette sanction, pour la période restant à courir, aux fédérations sportives françaises agréées, autres que la Fédération française de rugby à XIII et, enfin, a reformé la décision du 4 avril 2017 de l'organe disciplinaire d'appel de lutte contre le dopage de la Fédération de rugby à XIII ;

2°) de mettre à la charge de l'AFLD la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête en annulation de la décision litigieuse est recevable dès lors qu'il n'a jamais reçu notification ni eu connaissance de la décision attaquée et qu'aucun délai de recours n'a pu, dans ces conditions commencer à courir ;

- la condition d'urgence est remplie dès lors que la décision contestée l'empêche d'honorer le contrat qui le lie à son club, mettant en péril sa carrière sportive et portant atteinte de manière substantielle à ses intérêts financiers ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

- elle a été prise en méconnaissance du principe de proportionnalité dès lors qu'elle a prononcé la sanction la plus forte à son encontre ;

-il peut se prévaloir de la décision QPC n° 2017-688 du 2 février 2018 par laquelle le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution le 3° de l'article L. 232-22 du code du sport pour manquement au principe d'impartialité dès lors que la décision contestée a été prise sur le fondement de ces dispositions et que son recours en annulation n'avait pas été définitivement jugé à cette date.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 décembre 2019, l'Agence française de lutte contre le dopage conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens de la requête ne sont pas propres à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée.

La requête a été communiquée à la Fédération française de rugby à XIII qui n'a pas produit d'observations.

Après avoir convoqué à une audience publique d'une part, M. A... et, d'autre part, l'Agence française de lutte contre le dopage et la Fédération française de rugby à XIII ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 12 décembre 2019 à 10 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Ricard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A... ;

- Me Poupot, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'Agence française de lutte contre le dopage ;

- les représentants de l'Agence française de lutte contre le dopage ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au mardi 17 décembre à 18 heures, puis au mercredi 18 décembre à 12 heures, puis au vendredi 20 décembre à 12 heures ;

Vu le nouveau mémoire et les pièces complémentaires, enregistrés le 16 décembre 2019, par lesquels M. A... maintient ses conclusions et ses moyens ;

Vu le nouveau mémoire et les pièces complémentaires, enregistrés le 17 décembre 2019, par lequel l'Agence française de lutte contre le dopage maintient ses conclusions et ses moyens ;

Vu le nouveau mémoire et les pièces complémentaires, enregistrés le 18 décembre 2019, par lequel M. A... maintient ses conclusions et ses moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du sport ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Aux termes de l'article L. 232-21 du code du sport, dans sa rédaction applicable au litige : " Toute personne qui a contrevenu aux dispositions des articles L. 232-9, L. 232-9-1, L. 232-10, L. 232-14-5, L. 232-15, L. 232-15-1 ou L. 232-17 encourt des sanctions disciplinaires de la part de la fédération dont elle est licenciée. Il en est de même pour les licenciés complices de ces manquements. Est également passible de sanctions disciplinaires le sportif qui a contrevenu aux dispositions de l'article L. 232-9 et dont la mise en cause est justifiée au vu des documents en possession de l'Agence française de lutte contre le dopage, en application de l'article L. 232-20-1. Ces sanctions sont prononcées par les fédérations sportives mentionnées à l'article L. 131-8. (...). Les fédérations agréées informent sans délai l'Agence française de lutte contre le dopage des décisions prises en application du présent article ". Aux termes de l'article L. 232-22 du même code, dans rédaction applicable au litige : " En cas d'infraction aux dispositions des articles L. 232-9, L. 232-9-1, L. 232-10, L. 232-14-5, L. 232-15, L. 232-15-1 ou L. 232-17, l'Agence française de lutte contre le dopage exerce un pouvoir de sanction dans les conditions suivantes : 3° Elle peut réformer les décisions prises en application de l'article L. 232-21. Dans ces cas, l'agence se saisit, dans un délai de deux mois à compter de la réception du dossier complet, des décisions prises par les fédérations agréées ".

3. Il résulte de l'instruction que M. A..., joueur titulaire d'une licence délivrée par la Fédération française de rugby à XIII (FFR XIII), a fait l'objet d'un contrôle antidopage le 30 octobre 2016, à l'issue d'une rencontre du championnat Elite 1 de rugby à XIII opposant l'AS-Carcassonne XIII au XIII Limousin. Par un courrier du 4 janvier 2017, le représentant de la FFR XIII a informé M. A... des griefs retenus contre lui. Par un second courrier du 10 janvier 2017, M. A... a été informé qu'une décision de suspension provisoire avait été prononcée à son encontre le 28 décembre 2016 par le président de l'organe disciplinaire de première instance de lutte contre le dopage de la FFR XIII. Par une décision du 8 février 2017, cet organe disciplinaire a, d'une part, prononcé à l'encontre de M. A... la sanction de l'interdiction de participer pendant deux ans aux manifestations sportives organisées ou autorisées par la FFR XIII, et, d'autre part, demandé à 1'AFLD que cette sanction soit étendue aux activités de l'intéressé relevant d'autres fédérations, en particulier la Fédération française de rugby (FFR XV). A la suite de l'appel formé par M. A... contre cette décision, l'organe disciplinaire d'appel de lutte contre le dopage de la FFR XIII a, par une décision du 4 avril 2017, d'une part, prononcé à son encontre la sanction de l'interdiction de participer pendant deux ans dont vingt-et-un mois avec sursis aux manifestations sportives organisées ou autorisées par la FFR XIII et, d'autre part, demandé à l'AFLD que cette sanction soit étendue aux activités de l'intéressé relevant d'autres fédérations, en particulier la FFR XV. L'AFLD s'est alors saisie d'office de cette décision de sanction afin de réexaminer le dossier de M. A.... Par une décision n° D. 2017-73 du 5 octobre 2017, l'Agence a, d'une part, prononcé à son encontre la sanction de l'interdiction de participer pendant quatre ans aux compétitions et manifestations sportives organisées ou autorisées par la FFR XIII, d'autre part, étendu cette sanction, pour la période restant à courir, aux fédérations sportives françaises agréées, autres que la FFR XIII et, enfin, a réformé la décision du 4 avril 2017 de l'organe disciplinaire d'appel en ce qu'elle avait de contraire à sa décision. M. A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de cette décision.

4. La décision contestée de l'AFLD du 5 octobre 2017 a été notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception datée du 8 décembre 2017 à l'adresse de la mère de M. A..., adresse indiquée en dernier lieu par celui-ci, à laquelle lui avait été notifiés préalablement l'ensemble des actes de la procédure, ainsi que les décisions de première instance et d'appel. Il est constant que l'avis de réception postal de la notification de la décision litigieuse a été signé par la mère de M. A.... Si, quelles que soient par ailleurs les prévisions de la réglementation postale, un pli recommandé peut être valablement remis à une personne de l'entourage du destinataire dont il peut être présumé, eu égard au lien qui l'unit à ce dernier, qu'elle le lui remettra, il incombe au destinataire du pli qui conteste l'avoir reçu de détruire cette présomption en rapportant des éléments précis et concordants pour établir les circonstances qui ont fait obstacle à ce que le pli lui soit remis. M. A... produit deux attestations de sa mère, qui ne sont d'ailleurs pas pleinement concordantes, affirmant n'avoir pas remis le pli à son fils parce qu'elle était alors en froid avec lui. Dans les circonstances de l'espèce, ces attestations ne peuvent être regardées comme suffisamment probantes. Il suit de là que M. A... doit être réputé avoir reçu notification de la décision de l'AFLD à la date de remise du pli recommandé soit le 9 décembre 2017. Cette notification, qui était accompagnée de l'indication des voies et délais de recours, a fait courir le délai de deux mois imparti par les dispositions de l'article L. 232-24 du code du sport pour former devant le Conseil d'Etat un recours de pleine juridiction. Ce recours, qui n'a été introduit que le 25 novembre 2019, est donc tardif et, par voie de conséquence, aucun des moyens articulés au soutien de la requête de M. A... ne peut être regardé comme propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision qu'il attaque.

5. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner si la condition d'urgence est remplie, M. A... n'est pas fondé à demander la suspension de l'exécution de la décision contestée.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'AFLD qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. A... la somme que demande, à ce titre, l'AFLD.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Agence française de lutte contre le dopage tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A..., à l'Agence française de lutte contre le dopage et à la Fédération française de rugby à XIII.

Copie pour information en sera adressée à la ministre des sports.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 436194
Date de la décision : 20/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 déc. 2019, n° 436194
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP RICARD, BENDEL-VASSEUR, GHNASSIA ; SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:436194.20191220
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