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20/12/2019 | FRANCE | N°402443

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 20 décembre 2019, 402443


Vu les procédures suivantes :

La société A. Barbaud et Cie, d'une part, et la société Polygone Béziers, d'autre part, ont demandé à la cour administrative d'appel de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir l'acte du 25 juin 2015 par lequel la Commission nationale d'aménagement commercial a rejeté leurs recours contre la décision de la commission départementale d'aménagement commercial de l'Hérault du 5 février 2015 autorisant la société Bessan développement à créer un ensemble commercial d'une surface de vente de 9 602 m2 à Bessan (Hérault). Par deux arrêts n°

15MA03577 et n° 15MA03790 du 17 juin 2016, la cour administrative d'appel a r...

Vu les procédures suivantes :

La société A. Barbaud et Cie, d'une part, et la société Polygone Béziers, d'autre part, ont demandé à la cour administrative d'appel de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir l'acte du 25 juin 2015 par lequel la Commission nationale d'aménagement commercial a rejeté leurs recours contre la décision de la commission départementale d'aménagement commercial de l'Hérault du 5 février 2015 autorisant la société Bessan développement à créer un ensemble commercial d'une surface de vente de 9 602 m2 à Bessan (Hérault). Par deux arrêts n° 15MA03577 et n° 15MA03790 du 17 juin 2016, la cour administrative d'appel a rejeté leurs requêtes.

1° Sous le n° 402443, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 août et 26 octobre 2016 et le 19 mai 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société A. Barbaud et Cie demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 15MA03577 du 17 juin 2016 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa requête ;

3°) de mettre à la charge de la société Bessan développement la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 402464, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 août et 25 octobre 2016 et le 19 mai 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Polygone Béziers demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 15MA03790 du 17 juin 2016 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa requête ;

3°) de mettre à la charge de la société Bessan développement la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 ;

- le décret n° 2015-165 du 12 février 2015 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie Baron, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de la société A. Barbaud et Cie et de la société Polygone Béziers et à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de la société Bessan développement.

Considérant ce qui suit :

1. Les pourvois des sociétés A. Barbaud et Cie et Polygone Béziers présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que, par une " décision " du 25 juin 2015, la Commission nationale d'aménagement commercial a rejeté comme irrecevables les recours formés par les sociétés A. Barbaud et Compagnie et Polygone Béziers contre la décision du 5 février 2015 par laquelle la commission départementale de l'Hérault a autorisé la société Bessan développement à créer un ensemble commercial d'une surface de vente de 9 602 m2 sur la commune de Bessan (Hérault), au motif que ces sociétés, qui exploitaient des magasins situés en dehors de la zone de chalandise du projet, n'avaient pas intérêt à agir contre la décision de la commission départementale. La société A. Barbaud et Cie et la société Polygone Béziers se pourvoient en cassation contre les deux arrêts du 17 juin 2016 par lesquels la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté leurs requêtes respectives tendant à l'annulation de cette " décision " de la Commission nationale d'aménagement commercial. Il y a lieu de joindre ces pourvois pour statuer par une même décision.

Sur le droit applicable :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de l'article 39 de la loi du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial (...) ". En vertu des termes mêmes de l'article 6 du décret du 12 février 2015 relatif à l'aménagement commercial, ces dispositions sont entrées en vigueur le 15 février 2015. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'un projet soumis à autorisation d'exploitation commerciale en vertu des dispositions de l'article L. 752-1 du code de commerce fait l'objet d'un permis de construire délivré après le 14 février 2015, ce permis tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale dès lors qu'il a été précédé d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, sur recours, d'un avis favorable de la Commission nationale d'aménagement commercial. Les décisions par lesquelles la Commission nationale d'aménagement commercial statue, après le 14 février 2015, sur de tels recours, ne sont, par suite, pas susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, sauf si elles se rapportent à un projet pour lequel un permis de construire a été délivré avant le 15 février 2015.

4. En deuxième lieu, le I de l'article L. 752-17 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'article 52 de la loi du 18 juin 2014, dispose que : " Conformément à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, le demandeur, le représentant de l'Etat dans le département, tout membre de la commission départementale d'aménagement commercial, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial. / La Commission nationale d'aménagement commercial émet un avis sur la conformité du projet aux critères énoncés à l'article L. 752-6 du présent code, qui se substitue à celui de la commission départementale. En l'absence d'avis exprès de la commission nationale dans le délai de quatre mois à compter de sa saisine, l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial est réputé confirmé. / A peine d'irrecevabilité, la saisine de la commission nationale par les personnes mentionnées au premier alinéa du présent I est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire. Le maire de la commune d'implantation du projet et le représentant de l'Etat dans le département ne sont pas tenus d'exercer ce recours préalable ". En vertu des termes mêmes de l'article 6 du décret du 12 février 2015 relatif à l'aménagement commercial, ces dispositions sont entrées en vigueur le 15 février 2015.

5. Il résulte des dispositions citées au point 4 que, lorsque la commission départementale d'aménagement commercial a rendu un avis favorable à un projet, cet avis peut, dans le délai d'un mois, faire l'objet d'un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial par les personnes qu'elles mentionnent, au nombre desquelles figurent notamment les professionnels dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise du projet, est susceptible d'être affectée par celui-ci. La décision expresse par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial statue sur un recours dirigé contre un avis d'une commission départementale d'aménagement commercial ou la décision tacite qui naît, en application des dispositions citées au point 4, du silence qu'elle garde pendant quatre mois ne revêt le caractère d'un avis qui se substitue à l'avis de la commission départementale que si le recours a été régulièrement introduit devant la Commission nationale, et notamment qu'il a été déposé par une personne y ayant intérêt.

6. De l'ensemble des dispositions rappelées ci-dessus, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 18 juin 2014 de laquelle elles sont issues, il résulte que le législateur a entendu que, pour tout projet simultanément soumis à autorisation d'exploitation commerciale et à permis de construire, toute contestation touchant à la régularité ou au bien-fondé d'une autorisation d'exploitation commerciale ne puisse désormais être soulevée que dans le cadre du recours introduit, le cas échéant, contre le permis de construire finalement délivré, en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

7. Par suite, tout acte pris par la Commission nationale d'aménagement commercial sur un recours introduit devant elle contre un avis favorable délivré par une commission départementale d'aménagement commercial, qu'il soit exprès ou tacite et qu'il ait ou non, conformément aux principes rappelés au point 5, la nature d'un avis, revêt le caractère d'un acte préparatoire, insusceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Il en va notamment ainsi des actes par lesquels la Commission nationale rejette, que ce soit ou non à bon droit, le recours comme irrecevable. La régularité et le bien-fondé d'un tel acte de la Commission nationale sont, en revanche, susceptibles d'être critiqués au soutien d'un recours contre le permis de construire ultérieurement délivré, en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

Sur les pourvois :

8. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le projet de la société Bessan développement, qui requiert une autorisation d'exploitation commerciale et un permis de construire, n'a fait l'objet d'aucun permis de construire avant le 15 février 2015. Il résulte, par suite, de ce qui a été dit aux points précédents que l'acte du 25 juin 2015 par lequel la Commission nationale d'aménagement commercial a rejeté pour irrecevabilité le recours dirigé contre la décision du 5 février 2015 de la commission départementale de l'Hérault est insusceptible de faire l'objet d'un recours contentieux. Les requêtes par lesquelles les sociétés A. Barbaud et Compagnie et Polygone Béziers demandaient à la cour administrative d'appel de Marseille d'annuler cet acte du 25 juin 2015 étaient, par suite, irrecevables. Ce motif, qui est d'ordre public et ne requiert l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué aux motifs retenus par les arrêts attaqués, dont il justifie légalement les dispositifs. L'unique moyen du pourvoi, tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise la cour administrative d'appel de Marseille en jugeant que la procédure suivie devant la Commission nationale d'aménagement commercial n'entachait pas sa décision d'irrégularité, est dès lors inopérant.

9. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés A. Barbaud et Cie et Polygone Béziers ne sont pas fondées à demander l'annulation des arrêts du 17 juin 2016 par lesquels la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté leurs requêtes.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des sociétés A. Barbaud et Cie et Polygone Béziers une somme de 1 500 euros à verser, chacune, à la société Bessan développement au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Bessan développement, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

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Article 1er : Les pourvois des sociétés A. Barbaud et Cie et Polygone Béziers sont rejetés.

Article 2 : Les sociétés A. Barbaud et Cie et Polygone Béziers verseront à la société Bessan développement une somme de 1 500 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée aux sociétés A. Barbaud et Cie, Polygone Béziers et Bessan développement.

Copie en sera adressée, à la commune de Bessan et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 402443
Date de la décision : 20/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 déc. 2019, n° 402443
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sophie Baron
Avocat(s) : SCP L. POULET-ODENT ; SCP CELICE, SOLTNER, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 07/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:402443.20191220
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