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18/12/2019 | FRANCE | N°428768

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 18 décembre 2019, 428768


Vu la procédure suivante :

La société Parc éolien de Guern a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 novembre 2013 par lequel le préfet de Morbihan a refusé de lui délivrer un permis de construire de régularisation portant sur un parc éolien composé de trois éoliennes et d'un poste de livraison, situé au lieu dit Nizio, sur le territoire de la commune de Guern, ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé contre ce refus. Par un jugement n° 1402734 du 23 décembre 2016, le tribunal administratif

a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17NT00678 en date du 11 janvier 20...

Vu la procédure suivante :

La société Parc éolien de Guern a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 novembre 2013 par lequel le préfet de Morbihan a refusé de lui délivrer un permis de construire de régularisation portant sur un parc éolien composé de trois éoliennes et d'un poste de livraison, situé au lieu dit Nizio, sur le territoire de la commune de Guern, ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé contre ce refus. Par un jugement n° 1402734 du 23 décembre 2016, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17NT00678 en date du 11 janvier 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel qu'elle a formé contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 12 mars et 12 juin 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Parc éolien de Guern demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire, enregistré le 26 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, la société Parc éolien de Guern demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 15 de l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ratifié par l'article 56-III de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ;

- l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014 ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Airelle Niepce, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Occhipinti, avocat de la société Parc éolien de Guern ;

Vu la note en délibéré, présentée par la société Parc éolien de Guern, enregistrée le 10 décembre 2019 ;

Considérant ce qui suit :

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Le principe d'égalité établi par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

3. Aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale, ratifié par paragraphe III de l'article 56 de la loi du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : 1° Les autorisations délivrées au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance, ou au titre de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014, avant le 1er mars 2017, sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état ; (...) / Les dispositions du présent article sont précisées et, le cas échéant, complétées par décret en Conseil d'Etat ".

4. La société requérante soutient que ces dispositions méconnaitraient le principe d'égalité garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen au motif qu'elles traiteraient différemment les éoliennes terrestres suivant qu'elles ont été autorisées sur le fondement du titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance, ou au titre de l'ordonnance du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement ou de l'ordonnance du 12 juin 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique pour les installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement, avant le 1er mars 2017, et celles qui bénéficient du droit d'antériorité prévu par l'article L. 513-1 du code de l'environnement.

5. Il résulte toutefois des dispositions citées au point 3 que le législateur a entendu organiser une transition entre le régime de l'autorisation environnementale qu'il instituait par l'ordonnance du 26 janvier 2017 et les régimes antérieurs en prévoyant que les autorisations délivrées sur la base des régimes antérieurement en vigueur sont considérées comme des autorisations environnementales. Tel est notamment le cas des installations autorisées à fonctionner au bénéfice des droits acquis, que l'article L. 553-1 du code de l'environnement assimile à des installations autorisées sur le fondement du titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement. Par suite, l'article 15 ne peut être regardé comme portant atteinte au principe d'égalité devant la loi résultant de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

6. Il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, qui n'est pas nouvelle, est dépourvue de caractère sérieux. Il n'y a, dès lors, pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

Sur les autres moyens du pourvoi :

7. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".

8. Pour demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes qu'elle attaque, la société Parc éolien de Guern soutient qu'il est entaché :

- d'une erreur de droit en ce qu'il se fonde sur l'autorité de la chose jugée alors que les circonstances de droit et de fait ont changé entre temps, notamment par l'intervention de l'ordonnance du 11 juin 2009 portant modification de l'article L. 512-1 du code de l'environnement et de la loi du 12 juillet 2010 qui soumet les éoliennes au régime des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- d'une insuffisance de motivation faute de répondre au moyen tiré d'un changement des circonstances de fait.

9. Aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Parc éolien de Guern.

Article 2 : Le pourvoi de la société Parc éolien de Guern n'est pas admis.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Parc éolien de Guern.

Copie en sera adressée au Premier ministre, à la ministre de la transition écologique et solidaire et au Conseil constitutionnel.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 428768
Date de la décision : 18/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 18 déc. 2019, n° 428768
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Airelle Niepce
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Avocat(s) : OCCHIPINTI

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:428768.20191218
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