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11/12/2019 | FRANCE | N°425958

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 11 décembre 2019, 425958


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés le 3 décembre 2018 et les 29 mai et 20 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union nationale des syndicats CGT SPIP, dite CGT Insertion Probation, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2018-858 du 8 octobre 2018 portant modification de l'article D. 600 et création des articles D. 600-1 et D. 600-2 du code de procédure pénale ;

2°) d'enjoindre à l'administration de substituer dans le futur d

écret les termes de " directeur interrégional de la mission des services pénitenti...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés le 3 décembre 2018 et les 29 mai et 20 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union nationale des syndicats CGT SPIP, dite CGT Insertion Probation, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2018-858 du 8 octobre 2018 portant modification de l'article D. 600 et création des articles D. 600-1 et D. 600-2 du code de procédure pénale ;

2°) d'enjoindre à l'administration de substituer dans le futur décret les termes de " directeur interrégional de la mission des services pénitentiaires de l'outre-mer " par les termes " directeur pénitentiaire d'insertion et de probation du SPIP ".

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code pénal ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 2010-1639 du 23 décembre 2010 ;

- le décret n° 2011-184 du 15 février 2011 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Fanélie Ducloz, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat CGT Insertion Probation demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 8 octobre 2018 portant modification de l'article D. 600 et création des articles D. 600-1 et D. 600-2 du code de procédure pénale, prévoyant la création à Saint-Pierre-et-Miquelon d'un conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation ainsi que son rattachement au directeur interrégional de la mission des services pénitentiaires et de l'outre-mer, pour exercer les missions prévues par les articles D. 573 à D. 575, habituellement dévolues aux services pénitentiaires d'insertion et de probation.

Sur le cadre juridique du litige :

2. D'une part, aux termes de l'article LO 6413-1 du code général des collectivités territoriales : " Les dispositions législatives et réglementaires sont applicables de plein droit à Saint-Pierre-et-Miquelon, à l'exception de celles qui interviennent dans les matières relevant de la loi organique en application de l'article 74 de la Constitution ou dans l'une des matières relevant de la compétence de la collectivité en application du II de l'article LO 6414-1. / L'applicabilité de plein droit des lois et règlements ne fait pas obstacle à leur adaptation à l'organisation particulière de la collectivité. (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article D. 572 du code de procédure pénale : " Dans chaque département, est créé un service pénitentiaire d'insertion et de probation, service déconcentré de l'administration pénitentiaire, chargé d'exécuter les missions prévues par les articles D. 573 à D. 574. / Le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation est placé sous l'autorité du directeur interrégional des services pénitentiaires. (...) ". Selon l'article 1er du décret du 23 décembre 2010 portant statut particulier des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation : " Les conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation sont placés sous l'autorité hiérarchique des directeurs pénitentiaires d'insertion et de probation dans les services pénitentiaires d'insertion et de probation. (...) ". Aux termes de l'article D. 580 du code de procédure pénale : " Au sein du service, il est tenu un dossier pour chaque personne faisant l'objet d'une mesure visée à l'article D. 574. Ce dossier comprend les pièces d'ordre judiciaire nécessaires au suivi de la mesure, les éléments relatifs au contrôle des obligations ou conditions imposées ainsi que la copie des rapports adressés au magistrat mandant. / Les documents couverts par le secret professionnel ne peuvent être consultés que par un membre du service pénitentiaire d'insertion et de probation (...) ". Enfin, l'article D. 581 du même code prévoit : " Les membres du service pénitentiaire d'insertion et de probation sont tenus au secret professionnel dans les conditions prévues par les articles 226-13 et 226-14 du code pénal. (...) ".

Sur la légalité externe du décret attaqué :

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le relevé des avis rendus par le comité technique des services pénitentiaires d'insertion et de probation de l'administration pénitentiaire lors de sa séance du 27 septembre 2017 mentionne le nom et la qualité des personnes présentes, l'ordre du jour de la séance, la présentation des projets de textes soumis au vote, ainsi que les avis rendus pour chacun des textes examinés, dont le décret attaqué, détaillant le nombre de présents, les votes pour, les votes contre et les abstentions. Par suite, le syndicat requérant n'est pas fondé à soutenir qu'un avis n'aurait pas été formellement rendu par le comité technique des services pénitentiaires d'insertion et de probation de l'administration pénitentiaire faute, pour l'administration, d'avoir établi un procès-verbal de la réunion du comité comportant le compte-rendu des débats et la répartition des votes.

5. En second lieu, les circonstances, d'une part, que le procès-verbal de la séance au cours de laquelle a été examiné le projet de décret, produit par l'administration, ne soit pas revêtu de la signature du secrétaire et du secrétaire adjoint de séance, contrairement aux prescriptions de l'article 41 du décret du 15 février 2011, d'autre part, que le comité technique n'ait pas été avisé, dans le délai de deux mois suivant la réunion, des suites données à ses délibérations, contrairement aux prescriptions de l'article 21 du règlement intérieur type des comités techniques de la direction générale de l'administration et de la fonction publique, sont sans incidence sur la régularité de l'avis rendu.

Sur la légalité interne du décret attaqué :

En ce qui concerne l'autorité hiérarchique du conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation de Saint-Pierre-et-Miquelon :

6. Aux termes de l'article 4 du décret du 8 octobre 2018 portant modification de l'article D. 600 et création des articles D. 600-1 et D. 600-2 du code de procédure pénale : " Il est créé, dans le code de procédure pénale, un article D. 600-2 rédigé comme suit : / " Art. D. 600-2.- Pour leur application à Saint-Pierre-et-Miquelon : / " I.- L'article D. 572 est ainsi rédigé : / " " Art. D. 572.- Un conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation est chargé d'exécuter les missions prévues par les articles D. 573 à D. 575. / " " Il est placé sous l'autorité du directeur interrégional de la mission des services pénitentiaires de l'outre-mer (...) ".

7. Ces dispositions, qui placent le conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation de Saint-Pierre-et-Miquelon sous l'autorité hiérarchique du directeur interrégional de la mission des services pénitentiaires de l'outre-mer, se bornent, ainsi que l'autorise l'article LO 6413-1 du code général des collectivités territoriales rappelé au point 2, à adapter les dispositions de l'article D. 572 du code de procédure pénale à l'organisation particulière de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, en tenant compte des spécificités de cette collectivité d'outremer. Par ailleurs, si la requérante soutient que le conseiller d'insertion et de probation de Saint-Pierre-et-Miquelon aurait dû être rattaché au service pénitentiaire d'insertion et de probation des départements de la Martinique ou de la Guadeloupe, qui sont les plus proches géographiquement, il ressort des pièces du dossier qu'ils se situent à une distance de près de 4 000 kilomètres et ont en charge une population pénale très différente de celle de Saint-Pierre-et-Miquelon. Par suite, les moyens tirés de ce que le décret attaqué serait, sur ce point, entaché d'une erreur de droit, d'une erreur manifeste d'appréciation, et méconnaîtrait le principe d'égalité, ne peuvent qu'être écartés.

En ce qui concerne le secret professionnel :

8. Aux termes de l'article 4 du décret attaqué : " Il est créé, dans le code de procédure pénale, un article D. 600-2 rédigé comme suit : / " Art. D. 600-2.- Pour leur application à Saint-Pierre-et-Miquelon : (...) / III.- L'article D. 580 est ainsi rédigé : " " Art. D. 580.- Le conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation tient un dossier pour chaque personne faisant l'objet d'une mesure visée à l'article D. 574. Ce dossier comprend les pièces judiciaires nécessaires au suivi de la mesure, les éléments relatifs au contrôle des obligations ou conditions imposées ainsi que la copie des rapports adressés au magistrat mandant. / " " Les documents couverts par le secret professionnel ne peuvent être consultés que par le conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation, et par le directeur interrégional de la mission des services pénitentiaires de l'outre-mer (...) / IV.- L'article D. 581 est ainsi rédigé : / " " Art. D. 581.- Le conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation est tenu au secret professionnel dans les conditions prévues par les articles 226-13 et 226-14 du code pénal. (...) ".

9. En premier lieu, contrairement à ce qui est soutenu, il résulte des textes précités que le conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation de Saint-Pierre-et-Miquelon est tenu au secret professionnel au même titre et dans les mêmes conditions que les autres membres des services pénitentiaires d'insertion et de probation. Par suite, le moyen tiré de ce que l'article 4 du décret attaqué serait entaché d'erreur de droit et méconnaîtrait le principe d'égalité en ce qu'il soumettrait ce conseiller à un secret professionnel " par profession " et non " par mission " comme pour les autres membres des services pénitentiaires d'insertion et de probation, ne peut qu'être écarté.

10. En second lieu, l'article 226-13 du code pénal dispose que " La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. ". Aux termes de l'article 26 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les fonctionnaires sont tenus au secret professionnel dans le cadre des règles instituées dans le code pénal. (...) ".

11. Il résulte de ces dispositions que le directeur interrégional de la mission des services pénitentiaires de l'outre-mer est, en sa qualité de fonctionnaire, membre de l'administration pénitentiaire, tenu par sa profession au secret professionnel dans les conditions prévues notamment à l'article 226-13 du code pénal. Dès lors, le syndicat requérant n'est pas fondé à soutenir que le décret attaqué, en tant qu'il place le conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation de Saint-Pierre-et-Miquelon sous l'autorité hiérarchique du directeur interrégional de la mission des services pénitentiaires de l'outre-mer, méconnaîtrait le principe d'égalité et le droit au respect de la vie privée faute que ce dernier soit soumis au secret professionnel.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de l'Union nationale des syndicats CGT SPIP, dite CGT Insertion Probation, doit être rejetée.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de l'Union nationale des syndicats CGT SPIP, dite CGT Insertion Probation, est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Union syndicale des syndicats CGT SPIP, dite CGT Insertion Probation, au Premier ministre, à la garde des sceaux, ministre de la justice et à la ministre des Outre-mer.


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 425958
Date de la décision : 11/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 11 déc. 2019, n° 425958
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Fanélie Ducloz
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:425958.20191211
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