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20/11/2019 | FRANCE | N°420772

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 20 novembre 2019, 420772


Par une requête et deux autres mémoires, enregistrés les 20 mai 2018 et 11 septembre et 18 octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Grand Barreau de France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Premier ministre sur sa demande du 14 mai 2018 tendant à l'édiction d'un décret en Conseil d'Etat précisant les modalités d'application du premier alinéa de l'article 21 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions ju

diciaires et juridiques ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre de prend...

Par une requête et deux autres mémoires, enregistrés les 20 mai 2018 et 11 septembre et 18 octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Grand Barreau de France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Premier ministre sur sa demande du 14 mai 2018 tendant à l'édiction d'un décret en Conseil d'Etat précisant les modalités d'application du premier alinéa de l'article 21 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre de prendre, dans le délai de trois mois, à compter de l'arrêt à intervenir, et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, ce décret en Conseil d'Etat ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 12 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2018, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 21 ;

- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, notamment ses articles 17, 21 et 53 ;

- le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, notamment le chapitre 1 de son titre 1er ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Coralie Albumazard, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. En vertu de l'article 21 de la Constitution, le Premier ministre " assure l'exécution des lois " et " exerce le pouvoir réglementaire ", sous réserve de la compétence conférée au Président de la République par l'article 13 de la Constitution pour les décrets délibérés en Conseil des ministres. L'exercice du pouvoir réglementaire comporte non seulement le droit, mais aussi l'obligation de prendre dans un délai raisonnable les mesures qu'implique nécessairement l'application de la loi, hors le cas où le respect des engagements internationaux de la France y ferait obstacle.

2. Aux termes de l'article 15 de la loi du 31 décembre 1971 susvisée : " Les avocats font partie de barreaux qui sont établis auprès des tribunaux de grande instance, suivant les règles fixées par les décrets prévus à l'article 53. Ces décrets donnent aux barreaux la faculté de se regrouper. / Chaque barreau est administré par un conseil de l'ordre élu pour trois ans, au scrutin secret binominal majoritaire à deux tours, par tous les avocats inscrits au tableau de ce barreau et par les avocats honoraires dudit barreau. (...) / Le conseil de l'ordre est renouvelable par tiers chaque année. Il est présidé par un bâtonnier élu pour deux ans dans les mêmes conditions. (...) ". Aux termes de l'article 17 de cette même loi : " Le conseil de l'ordre a pour attribution de traiter toutes questions intéressant l'exercice de la profession et de veiller à l'observation des devoirs des avocats ainsi qu'à la protection de leurs droits. Sans préjudice des dispositions de l'article 21-1, il a pour tâches, notamment : / 1° D'arrêter et, s'il y a lieu, de modifier les dispositions du règlement intérieur, de statuer sur l'inscription au tableau des avocats, sur l'omission de ce tableau décidée d'office ou à la demande du procureur général, sur l'inscription et sur le rang des avocats qui, ayant déjà été inscrits au tableau et ayant abandonné l'exercice de la profession, se présentent de nouveau pour la reprendre ainsi que sur l'autorisation d'ouverture de bureaux secondaires ou le retrait de cette autorisation. / (...) / 1° bis De communiquer au Conseil national des barreaux la liste des avocats inscrits au tableau, ainsi que les mises à jour périodiques, selon les modalités fixées par le Conseil national des barreaux ; / 2° De concourir à la discipline dans les conditions prévues par les articles 22 à 25 de la présente loi et par les décrets visés à l'article 53 ; / 3° De maintenir les principes de probité, de désintéressement, de modération et de confraternité sur lesquels repose la profession et d'exercer la surveillance que l'honneur et l'intérêt de ses membres rendent nécessaire ; / 4° De veiller à ce que les avocats soient exacts aux audiences et se comportent en loyaux auxiliaires de la justice ; / 5° De traiter toute question intéressant l'exercice de la profession, la défense des droits des avocats et la stricte observation de leurs devoirs ; / 6° De gérer les biens de l'ordre, de préparer le budget, de fixer le montant des cotisations des avocats relevant de ce conseil de l'ordre ainsi que de celles des avocats qui, appartenant à un autre barreau, ont été autorisés à ouvrir un ou plusieurs bureaux secondaires dans son ressort, d'administrer et d'utiliser ses ressources pour assurer les secours, allocations ou avantages quelconques attribués à ses membres ou anciens membres, à leurs conjoints survivants ou à leurs enfants dans le cadre de la législation existante, de répartir les charges entre ses membres et d'en poursuivre le recouvrement ; / 7° D'autoriser le bâtonnier à ester en justice, à accepter tous dons et legs faits à l'ordre, à transiger ou à compromettre, à consentir toutes aliénations ou hypothèques et à contracter tous emprunts ; / 8° D'organiser les services généraux de recherche et de documentation nécessaires à l'exercice de la profession ; / 9° De vérifier la tenue de la comptabilité des avocats, personnes physiques ou morales, et la constitution des garanties imposées par l'article 27 et par les décrets visés à l'article 53 ; / 10° D'assurer dans son ressort l'exécution des décisions prises par le Conseil national des barreaux ; / 11° De veiller à ce que les avocats aient satisfait à l'obligation de formation continue prévue par l'article 14-2 ; / 12° De collaborer avec les autorités compétentes des Etats membres de l'Union européenne ou des autres Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen pour faciliter l'application de la directive 2005 / 36 / CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 modifiée relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles ; / 13° De vérifier le respect par les avocats de leurs obligations prévues par le chapitre Ier du titre VI du livre V du code monétaire et financier en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et de se faire communiquer, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, les documents relatifs au respect de ces obligations. / (...) ". Aux termes de l'article 21 de cette même loi : " Chaque barreau est doté de la personnalité civile. / Le bâtonnier représente le barreau dans tous les actes de la vie civile. Il prévient ou concilie les différends d'ordre professionnel entre les membres du barreau et instruit toute réclamation formulée par les tiers. / Tout différend entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel est, en l'absence de conciliation, soumis à l'arbitrage du bâtonnier qui, le cas échéant, procède à la désignation d'un expert pour l'évaluation des parts sociales ou actions de sociétés d'avocats. / (...) ". Aux termes de l'article 21-1 de cette même loi : " Le Conseil national des barreaux, établissement d'utilité publique doté de la personnalité morale, est chargé de représenter la profession d'avocat notamment auprès des pouvoirs publics. Dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, le Conseil national des barreaux unifie par voie de dispositions générales les règles et usages de la profession d'avocat. / (...) ". Aux termes de l'article 53 de cette même loi : " Dans le respect de l'indépendance de l'avocat, de l'autonomie des conseils de l'ordre et du caractère libéral de la profession, des décrets en Conseil d'Etat fixent les conditions d'application du présent titre. / Ils présentent notamment : / (...) / 3° Les règles d'organisation professionnelle, notamment la composition des conseils de l'ordre et les modes d'élection, de fonctionnement, de financement et les attributions du Conseil national des barreaux ; / (...) ". En application de ces dispositions, le chapitre 1er du titre 1er du décret du 27 novembre 1991 susvisé précise la composition des conseils de l'ordre et les règles applicables aux élections.

3. Il résulte des dispositions citées au point précédent que, pour chaque tribunal de grande instance, le législateur a prévu l'existence de " barreaux ", personnes privées chargées de missions de service public, formés de tous les avocats inscrits au tableau établis près de ce tribunal de grande instance. Il en a précisément défini les missions, à l'article 17 de la loi du 31 décembre 1971, et les a dotés de la personnalité morale, à l'article 21 de cette même loi. En vertu de la loi également, chaque barreau est administré par un conseil de l'ordre, dont la composition et le mode d'élection sont précisés par le décret du 27 novembre 1991. Contrairement à ce que soutient l'association requérante, les dispositions législatives et réglementaires en vigueur ont ainsi suffisamment déterminé la forme sociale spécifique ainsi que les missions des barreaux. Par suite, le moyen tiré de ce que le pouvoir réglementaire avait été tenu, en complément des textes existants, d'intervenir afin de prévoir les formalités que chaque barreau doit accomplir pour " acquérir effectivement la personnalité civile que la loi lui reconnaît " ne peut qu'être écarté.

4. Il résulte de ce qui précède que la requête de l'association requérante doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de l'association Grand Barreau de France est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association Grand Barreau de France, au Premier ministre et à la garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 420772
Date de la décision : 20/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 nov. 2019, n° 420772
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Coralie Albumazard
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:420772.20191120
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