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06/11/2019 | FRANCE | N°418621

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 06 novembre 2019, 418621


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 février et 25 mai 2018 et 4 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération générale du travail (CGT) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2017-1880 du 29 décembre 2017 relatif à l'abondement du compte personnel de formation des salariés licenciés à la suite du refus d'une modification du contrat de travail résultant de la négociation d'un accord d'entreprise ;
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Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 février et 25 mai 2018 et 4 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération générale du travail (CGT) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2017-1880 du 29 décembre 2017 relatif à l'abondement du compte personnel de formation des salariés licenciés à la suite du refus d'une modification du contrat de travail résultant de la négociation d'un accord d'entreprise ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 98/59/CE du Conseil du 20 juillet 1998 ;

- le code du travail ;

- l'ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Yaël Treille, auditeur,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Les dispositions du I et du II de l'article L. 2254-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective, définissent les conditions dans lesquelles un accord d'entreprise peut modifier certains éléments de l'organisation du travail, de la rémunération des salariés ou de leur mobilité géographique ou professionnelle afin de répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l'entreprise ou en vue de préserver ou développer l'emploi. En vertu des dispositions du III, les stipulations de cet accord se substituent de plein droit aux clauses contraires du contrat de travail. Le IV fixe à un mois le délai dont dispose le salarié pour faire connaître par écrit à l'employeur son refus de l'accord. Le V prévoit qu'en cas de refus, l'employeur peut licencier le salarié pour ce motif spécifique, qui constitue alors une cause réelle et sérieuse de licenciement, et précise les seules modalités et conditions auxquelles le licenciement est soumis. Le VI prévoit que le salarié licencié peut être inscrit et indemnisé comme demandeur d'emploi et que l'employeur abonde son compte de formation dans des conditions et limites définies par décret.

2. La Confédération générale du travail demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 29 décembre 2017 relatif à l'abondement du compte personnel de formation des salariés licenciés à la suite du refus d'une modification du contrat de travail résultant de la conclusion d'un accord d'entreprise. A l'appui de ses conclusions, le syndicat requérant soulève, par la voie de l'exception, le moyen tiré de l'incompatibilité de l'article L. 2254-2 du code du travail avec les objectifs définis à l'article 2 de la directive 98/59/CE du Conseil du 20 juillet 1998 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux licenciements collectifs. Elle fait valoir que, alors que sa mise en oeuvre peut conduire à des licenciements collectifs au sens de la directive, cet article ne rend pas applicables les dispositions de la section 4 du chapitre III du titre III du livre II de la première partie du code du travail, relatives aux procédures d'information et de consultation des représentants du personnel en cas de licenciement collectif pour motif économique.

3. La contrariété d'une disposition législative aux stipulations d'un traité international ou au droit de l'Union européenne ne peut utilement être invoquée à l'appui de conclusions dirigées contre un acte réglementaire que si ce dernier a été pris pour son application ou si elle en constitue la base légale.

4. Dès lors, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 29 décembre 2017, la Confédération générale du travail ne peut utilement contester, par la voie de l'exception, que les dispositions du VI de l'article L. 2254-2 du code du travail, pour l'application desquelles le décret attaqué est pris. Or, les dispositions du VI de l'article L. 2254-2 du code du travail sont étrangères à la procédure de licenciement, qui est régie par les seules dispositions de la seconde phrase du V, dont elles sont divisibles. Par suite, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'incompatibilité de l'article L. 2254-2 du code du travail avec les objectifs définis à l'article 2 de la directive 98/59/CE du Conseil du 20 juillet 1998 est inopérant.

5. Il résulte de ce qui précède que la Confédération générale du travail n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 29 décembre 2017 qu'elle attaque. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la Confédération générale du travail est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Confédération générale du travail, à la ministre du travail et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 418621
Date de la décision : 06/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 06 nov. 2019, n° 418621
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Yaël Treille
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:418621.20191106
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