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06/11/2019 | FRANCE | N°412051

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 06 novembre 2019, 412051


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 30 juin 2017 et le 14 octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des entreprises de portage salarial demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 28 avril 2017 portant extension de la convention collective de branche des salariés en portage salarial du 22 mars 2017 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 eu

ros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les au...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 30 juin 2017 et le 14 octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des entreprises de portage salarial demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 28 avril 2017 portant extension de la convention collective de branche des salariés en portage salarial du 22 mars 2017 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- le code du travail ;

- le décret n°2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie Baron, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat du syndicat des professionnels de l'emploi en portage salarial et à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la Confédération française de l'encadrement - confédération générale des cadres, de la Confédération générale du travail - Force ouvrière, de la Confédération générale du travail et de la Confédération française des travailleurs chrétiens.

Considérant ce qui suit :

1. La Fédération des entreprises de portage salarial demande l'annulation de l'arrêté du 28 avril 2017 par lequel le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a étendu, sous certaines réserves, à tous les employeurs et tous les salariés compris dans son champ d'application, les stipulations de la convention collective de branche des salariés en portage salarial du 22 mars 2017.

Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement, les directeurs d'administration centrale " peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité ". Par suite, le moyen tiré de ce que M. A..., nommé directeur général du travail par décret du 20 mars 2014, publié au Journal officiel du 21 mars 2014, n'aurait pas été compétent, faute de délégation expresse à cette fin, pour signer l'arrêté attaqué, ne peut qu'être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article D. 2261-3 du code du travail : " Lorsqu'un arrêté d'extension ou d'élargissement est envisagé, il est précédé de la publication au Journal officiel de la République française d'un avis. Cet avis invite les organisations et personnes intéressées à faire connaître leurs observations. (...) Les organisations et les personnes intéressées disposent d'un délai de quinze jours à compter de la publication de l'avis pour présenter leurs observations ". Il ressort des pièces du dossier que l'avis prévu par ces dispositions a été publié au Journal officiel de la République française le 13 avril 2017 et que l'arrêté attaqué a été signé le 28 avril 2017, soit avant l'expiration du délai de quinze jours que prévoient ces mêmes dispositions. Toutefois, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. Or il ne ressort des pièces du dossier, ni que des observations auraient été formulées entre la signature de l'arrêté attaqué et l'expiration, le soir du même jour, du délai réglementaire de quinze jours, ni que cette signature anticipée aurait pu dissuader des organisations ou personnes intéressées de faire valoir leurs observations dans ce délai, dès lors, notamment, que l'arrêté signé le 28 avril 2017 n'a été publié au Journal officiel que le 30 avril 2017. Ainsi, l'irrégularité commise ne peut être regardée, en l'espèce, comme ayant exercé une influence sur le sens de la décision prise et elle n'a pas privé les personnes intéressées d'une garantie. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté serait illégal pour avoir été signé avant l'expiration du délai prévu par l'article D. 2261-3 du code du travail doit être écarté.

4. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la fédération requérante, la circonstance que ses observations produites le 24 avril 2017, à la suite de la publication de l'avis prévu à l'article D. 2261-3 du code du travail, n'ont pas été communiquées à la sous-commission des conventions et accords n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure d'adoption de l'arrêté attaqué.

Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :

En ce qui concerne les moyens dirigés contre l'arrêté dans sa totalité :

5. En premier lieu, en vertu des articles L. 2261-15 et L. 2261-19 du code du travail : " Les stipulations d'une convention de branche (...) peuvent être rendues obligatoires pour tous les salariés et employeurs compris dans le champ d'application de cette convention ou de cet accord, par arrêté du ministre chargé du travail, après avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective " et " Pour pouvoir être étendus, la convention de branche ou l'accord professionnel ou interprofessionnel, leurs avenants ou annexes, doivent avoir été négociés et conclus au sein de la commission paritaire (...) composée de représentants des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives dans le champ d'application considéré ". Il résulte de ces dispositions qu'une convention de branche ne peut légalement faire l'objet d'un arrêté d'extension que si toutes les organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives dans son champ d'application ont été invitées à participer à sa négociation et si elle a été signée par des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives.

6. La fédération requérante conteste d'abord le fait qu'elle n'ait pas été invitée à participer aux négociations de la convention étendue par l'arrêté attaqué alors qu'elle serait au nombre des organisations d'employeurs représentatives dans son champ d'application. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la signature de la convention, le 22 mars 2017, la requérante, qui a déposé ses statuts le 19 décembre 2015, ne remplissait pas le critère d'une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation, appréciée à compter de la date de dépôt légal des statuts, prévu à l'article L. 2151-1 du code du travail.

7. Si la fédération requérante conteste ensuite la représentativité de l'organisation d'employeurs qui a signé la convention étendue par l'arrêté litigieux, elle se borne à faire valoir qu'il n'y a pas eu, préalablement à la conclusion de la convention, d'enquête de représentativité ou d'arrêté mesurant l'audience des organisations d'employeurs représentatives dans la branche. On ne saurait déduire de ces seules circonstances que l'organisation signataire n'était pas représentative dans le champ d'application de cette convention.

8. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait procédé à une extension en méconnaissance des dispositions des articles L. 2261-15 et L. 2261-19 du code du travail doit être écarté.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2261-22 du code du travail : " I.- Pour pouvoir être étendue, la convention de branche conclue au niveau national contient des clauses portant sur la détermination des règles de négociation et de conclusion (...) / II. - Elle contient en outre des clauses portant sur : / (...) 9° L'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, la suppression des écarts de rémunération et les mesures tendant à remédier aux inégalités constatées ; / (...) 12° En tant que de besoin dans la branche : / (....) b) Les conditions d'emploi et de rémunération du personnel à temps partiel ; / (...) 14° Les modalités d'accès à un régime de prévoyance ou à un régime de remboursements complémentaires de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident (...) ". Aux termes de l'article L. 2261-27 du même code : " Quand l'avis motivé favorable de la Commission nationale de la négociation collective a été émis sans opposition écrite et motivée soit de deux organisations d'employeurs, soit de deux organisations de salariés représentées à cette commission, le ministre chargé du travail peut étendre par arrêté une convention ou un accord ou leurs avenants ou annexes : / (...) 2° Lorsque la convention ne comporte pas toutes les clauses obligatoires énumérées à l'article L. 2261-22 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le ministre chargé du travail peut légalement procéder à l'extension d'une convention collective ne comportant pas toutes les clauses obligatoires énumérées à l'article L. 2261-22, sous réserve du respect de la procédure prévue à l'article L. 2261-27. Par suite, si la convention de branche des salariés en portage salarial ne comportait pas de clause relative à l'égalité entre les femmes et les hommes, aux conditions d'emploi à temps partiel et à la prévoyance, le ministre a pu légalement en prononcer l'extension après avoir, ainsi qu'il l'a fait, recueilli l'avis favorable motivé de la Commission nationale de la négociation collective, émis sans opposition écrite et motivée soit de deux organisations d'employeurs, soit de deux organisations de salariés représentées à cette commission. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 2261-22 du code du travail doit, dès lors, être écarté.

En ce qui concerne les moyens dirigés contre l'arrêté en tant qu'il procède à l'extension de certaines stipulations de la convention :

10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1254-5 du code du travail : " Les activités de services à la personne mentionnées à l'article L. 7231-1 ne peuvent faire l'objet d'un contrat de travail en portage salarial ". L'article 1er de la convention étendue par l'arrêté attaqué se borne à reproduire la loi en ce qu'il stipule, pour définir le champ d'application de la convention, que " les prestations de service à la personne ne peuvent pas être effectuées en portage salarial ". Dès lors, la fédération requérante ne peut utilement soutenir que cette stipulation méconnaîtrait la liberté d'entreprendre.

11. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient la fédération requérante, il résulte clairement des stipulations de l'article 1er de la convention étendue par l'arrêté attaqué ainsi que de celles son chapitre VIII, qui prévoient que les salariés qu'elle régit ont la qualité de technicien, d'agent de maîtrise ou de cadre, que ces stipulations n'ont ni pour objet ni pour effet de faire obstacle, par elles-mêmes, à ce que des ouvriers et des employés puissent acquérir la qualité de salarié porté, mais seulement de conférer à tout salarié porté régi par la convention la qualité de technicien, d'agent de maîtrise ou de cadre.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 1254-2 du code du travail : " I. - Le salarié porté justifie d'une expertise, d'une qualification et d'une autonomie qui lui permettent de rechercher lui-même ses clients et de convenir avec eux des conditions d'exécution de sa prestation et de son prix. / II.- Le salarié porté bénéficie d'une rémunération minimale définie par accord de branche étendu. A défaut d'accord de branche étendu, le montant de la rémunération mensuelle minimale est fixé à 75 % de la valeur mensuelle du plafond de la sécurité sociale prévu à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale pour une activité équivalant à un temps plein (...) ". L'article 2.2 de la convention étendue par l'arrêté attaqué stipule que les salariés portés doivent avoir une qualification professionnelle au moins égale au niveau III ou une expérience significative de trois ans au moins dans le même secteur d'activité. En outre, l'article 21.3 de la même convention fixe pour les salariés portés des rémunérations minimales comprenant une " réserve financière " ainsi qu'un salaire minimum qui s'échelonne, en fonction de la catégorie à laquelle appartient le salarié concerné, entre 70% et 85% du plafond de la sécurité sociale. La requérante soutient que les stipulations de ces deux articles méconnaissent la liberté d'entreprendre garantie par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, dès lors qu'elles feraient obstacle à ce qu'exercent en qualité de salarié porté des personnes qui ne parviennent pas à trouver un emploi après plusieurs années de recherche, ou des personnes qui choisissent ce statut pour commencer une nouvelle activité, ou encore des personnes dont les prestations ne pourront faire l'objet d'une facturation suffisamment importante pour couvrir les niveaux minimum de rémunération prévus. Par une telle argumentation, la requérante, qui ne critique ni la compétence des parties à la convention pour adopter de telles stipulations, ni la conformité à la loi de ces stipulations, doit être regardée comme critiquant, au regard de la liberté d'entreprendre, le principe, posé par la loi, de conditions pour l'exercice d'une activité en qualité de salarié porté. Or, une telle critique ne saurait être portée devant le Conseil d'Etat, statuant au contentieux en dehors de la procédure prévue à l'article 61-1 de la Constitution. Dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté.

13. En quatrième lieu, en vertu de l'article L. 2232-8 du code du travail, les conventions de branche comportent des stipulations relatives à la compensation des pertes de salaires en faveur des salariés d'entreprises participant aux négociations ou aux réunions des instances paritaires qu'elles instituent. Si l'article 6-3 de la convention étendue par l'arrêté attaqué, qui prévoit l'instauration d'une contribution ayant vocation à être prélevée sur l'ensemble des entreprises de la branche pour assurer la prise en charge des compensations salariales versées par les employeurs, se borne à renvoyer les modalités de collecte de cette contribution à la signature d'un avenant, cette circonstance, qui fait seulement obstacle à ce que la contribution soit mise en oeuvre dans le champ d'application de la convention en l'absence d'un nouvel accord collectif étendu, ne soulève pas une contestation sérieuse de la licéité des stipulations en question.

14. En cinquième lieu, la fédération requérante soutient que l'arrêté litigieux méconnaît le principe de sécurité juridique et l'objectif de clarté et d'intelligibilité de la norme en raison du caractère imprécis des stipulations de l'article 22.3. Toutefois, il résulte clairement, en tout état de cause, de ces stipulations, qu'elles se bornent à reprendre le principe selon lequel le licenciement d'un salarié porté doit, pour être légal, avoir une cause réelle et sérieuse. La fédération requérante soumet par ailleurs à la même critique les stipulations du chapitre IX de la convention étendue. Il résulte toutefois clairement, en tout état de cause, de ces stipulations qu'en prévoyant que tout salarié porté qui a " trois ans d'ancienneté dans l'activité de portage salarial " bénéficie du statut de cadre, elles se réfèrent à une condition d'ancienneté d'exercice en qualité de salarié porté.

15. En sixième lieu, le moyen tiré de ce que l'article 27-2 de la convention étendue par l'arrêté attaqué méconnait les dispositions du code du travail relatives au travail des salariés à temps partiel en ce qu'il stipule que " le salarié porté effectue une prestation de travail pour une durée qui peut être équivalente à un temps partiel, à un temps plein, ou encore effectuer des heures de travail au-delà de 35 heures par semaine./(...) Le compte-rendu d'activité indique la répartition de la durée du travail sur les jours de la semaine ou les semaines du mois, laquelle peut évoluer selon les semaines ou les mois à l'initiative du salarié porté, et par voie de conséquence, sans délai de prévenance ", n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

16. Enfin, en procédant à l'extension des articles 17 et 19 de la convention de branche, lesquels se bornent à reproduire les dispositions des articles L. 1254-8 et L. 1221-25 du code du travail applicables aux salariés portés, le ministre chargé du travail n'a pas entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation.

17. Il résulte de tout ce qui précède que la fédération requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté qu'elle attaque. Sa requête doit, par suite, être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Au même titre, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Fédération des entreprises de portage salarial les sommes de 500 euros à verser à la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres, à la Confédération française des travailleurs chrétiens, à la Confédération générale du travail - Force ouvrière et à la Confédération générale du travail et la somme de 2 000 euros à verser au Syndicat des professionnels de l'emploi en portage salarial.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la Fédération des entreprises de portage salarial est rejetée.

Article 2 : La Fédération des entreprises de portage salarial versera, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, les sommes de 500 euros à la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres, à la Confédération française des travailleurs chrétiens, à la Confédération générale du travail - Force ouvrière et à la Confédération générale du travail chacune ainsi que la somme de 2 000 euros au Syndicat des professionnels de l'emploi en portage salarial.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Fédération des entreprises de portage salarial, à la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres, à la Confédération française des travailleurs chrétiens, à la Confédération générale du travail - Force ouvrière, à la Confédération générale du travail, au Syndicat des professionnels de l'emploi en portage salarial et à la ministre du travail.


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 412051
Date de la décision : 06/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA RÈGLE DE DROIT - CONSTITUTION ET PRINCIPES DE VALEUR CONSTITUTIONNELLE - LIBERTÉ D'ENTREPRENDRE (ART - 4 DE LA DDHC) - INVOCABILITÉ - ABSENCE - ECRAN LÉGISLATIF [RJ1].

01-04-005 L'article L. 1254-2 du code du travail relatif au portage salarial prévoit que le salarié porté doit justifier d'une expertise, d'une qualification et d'une autonomie qui lui permettent de rechercher lui-même ses clients et de convenir avec eux des conditions d'exécution de sa prestation et de son prix,,,Convention collective de branche, étendue par l'arrêté attaqué, stipulant que les salariés portés doivent avoir une qualification professionnelle au moins égale au niveau III ou une expérience significative de trois ans au moins dans le même secteur d'activité. Convention fixant en outre pour les salariés portés des rémunérations minimales comprenant une réserve financière ainsi qu'un salaire minimum qui s'échelonne, en fonction de la catégorie à laquelle appartient le salarié concerné, entre 70 % et 85 % du plafond de la sécurité sociale.... ,,Moyen tiré de ce que ces stipulations méconnaissent la liberté d'entreprendre garantie par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC), dès lors qu'elles feraient obstacle à ce qu'exercent en qualité de salarié porté des personnes qui ne parviennent pas à trouver un emploi après plusieurs années de recherche, ou des personnes qui choisissent ce statut pour commencer une nouvelle activité, ou encore des personnes dont les prestations ne pourront faire l'objet d'une facturation suffisamment importante pour couvrir les niveaux minimum de rémunération prévus.... ,,Par une telle argumentation, la requérante, qui ne critique ni la compétence des parties à la convention pour adopter de telles stipulations, ni la conformité à la loi de ces stipulations, doit être regardée comme critiquant, au regard de la liberté d'entreprendre, le principe, posé par l'article L. 1254-2 du code du travail, de conditions pour l'exercice d'une activité en qualité de salarié porté. Or, une telle critique ne saurait être portée devant le Conseil d'Etat, statuant au contentieux en dehors de la procédure prévue à l'article 61-1 de la Constitution.

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GÉNÉRALES - MOYENS - MOYENS INOPÉRANTS - LOI PRÉVOYANT DES CONDITIONS POUR L'EXERCICE D'UNE ACTIVITÉ EN QUALITÉ DE SALARIÉ PORTÉ (ART - L - 1254-2 DU CODE DU TRAVAIL) - MOYEN TIRÉ DE LA MÉCONNAISSANCE DE LA LIBERTÉ D'ENTREPRENDRE (ART - 4 DE LA DDHC) CONTRE LES STIPULATIONS D'UNE CONVENTION COLLECTIVE ÉTENDUE PRÉCISANT CES CONDITIONS - ECRAN LÉGISLATIF - EXISTENCE [RJ1].

54-07-01-04-03 L'article L. 1254-2 du code du travail relatif au portage salarial prévoit que le salarié porté doit justifier d'une expertise, d'une qualification et d'une autonomie qui lui permettent de rechercher lui-même ses clients et de convenir avec eux des conditions d'exécution de sa prestation et de son prix ,,,Convention collective de branche, étendue par l'arrêté attaqué, stipulant que les salariés portés doivent avoir une qualification professionnelle au moins égale au niveau III ou une expérience significative de trois ans au moins dans le même secteur d'activité. Convention fixant en outre pour les salariés portés des rémunérations minimales comprenant une réserve financière ainsi qu'un salaire minimum qui s'échelonne, en fonction de la catégorie à laquelle appartient le salarié concerné, entre 70 % et 85 % du plafond de la sécurité sociale.... ,,Moyen tiré de ce que ces stipulations méconnaissent la liberté d'entreprendre garantie par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC), dès lors qu'elles feraient obstacle à ce qu'exercent en qualité de salarié porté des personnes qui ne parviennent pas à trouver un emploi après plusieurs années de recherche, ou des personnes qui choisissent ce statut pour commencer une nouvelle activité, ou encore des personnes dont les prestations ne pourront faire l'objet d'une facturation suffisamment importante pour couvrir les niveaux minimum de rémunération prévus.... ,,Par une telle argumentation, la requérante, qui ne critique ni la compétence des parties à la convention pour adopter de telles stipulations, ni la conformité à la loi de ces stipulations, doit être regardée comme critiquant, au regard de la liberté d'entreprendre, le principe, posé par l'article L. 1254-2 du code du travail, de conditions pour l'exercice d'une activité en qualité de salarié porté. Or, une telle critique ne saurait être portée devant le Conseil d'Etat, statuant au contentieux en dehors de la procédure prévue à l'article 61-1 de la Constitution.


Références :

[RJ1]

Rappr. CE, 27 octobre 2011, Confédération française démocratique du travail (CFDT) et autres, n°s 343943 343973 343974, T. pp. 743-1096.


Publications
Proposition de citation : CE, 06 nov. 2019, n° 412051
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sophie Baron
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI ; SCP CELICE, SOLTNER, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:412051.20191106
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