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06/11/2019 | FRANCE | N°410594

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 06 novembre 2019, 410594


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 16 mai 2017 et le 6 août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération nationale des sourds de France demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 15 mars 2017 modifiant l'arrêté du 28 décembre 2009 fixant les sections et les modalités d'organisation des concours de l'agrégation en tant qu'il ne prévoit pas la langue des signes française parmi les options de la section " langues de France " du concours de l'agrégation qu'il crée.
>Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le décr...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 16 mai 2017 et le 6 août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération nationale des sourds de France demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 15 mars 2017 modifiant l'arrêté du 28 décembre 2009 fixant les sections et les modalités d'organisation des concours de l'agrégation en tant qu'il ne prévoit pas la langue des signes française parmi les options de la section " langues de France " du concours de l'agrégation qu'il crée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le décret n° 72-580 du 4 juillet 1972 ;

- l'arrêté du 23 décembre 2003 relatif aux conditions d'attribution aux personnels enseignants des premier et second degrés relevant du ministre chargé de l'éducation d'une certification complémentaire dans certains secteurs disciplinaires ;

- l'arrêté du 28 décembre 2009 fixant les sections et les modalités d'organisation des concours de l'agrégation ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Yaël Treille, auditeur,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 5-1 du décret du 4 juillet 1972 relatif au statut particulier des professeurs agrégés de l'enseignement du second degré : " Les épreuves de l'agrégation comprennent : / 1° Les épreuves d'un concours externe, d'un concours externe spécial ou d'un concours interne ; (...) Le concours externe, le concours externe spécial et le concours interne sont organisés par sections qui peuvent comprendre des options. Ils comportent des épreuves d'admissibilité et des épreuves d'admission. / Un arrêté du ministre chargé de l'éducation nationale et du ministre chargé de la fonction publique fixe les sections et les modalités d'organisation des concours. (...) ". Par un arrêté du 15 mars 2017, les ministres de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et la ministre de la fonction publique ont modifié l'arrêté du 28 décembre 2009 fixant les sections et les modalités d'organisation des concours de l'agrégation afin d'ajouter aux sections d'agrégation existantes une nouvelle section, intitulée " langues de France ". L'article 1er de cet arrêté prévoit que la nouvelle section comporte les options basque, breton, catalan, corse, créole, occitan-langue d'oc et tahitien. La Fédération nationale des sourds de France demande l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté en tant que la liste des langues d'option n'inclut pas la langue des signes française.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 312-9-1 du code de l'éducation : " La langue des signes est reconnue comme une langue à part entière. Tout élève concerné doit pouvoir recevoir un enseignement de la langue des signes française. (...) Elle peut être choisie comme épreuve optionnelle aux examens et concours, y compris ceux de la formation professionnelle (...) ". L'arrêté attaqué a eu pour seul objet de créer une nouvelle section du concours de l'agrégation, par lequel sont recrutés les professeurs agrégés de l'enseignement du second degré. Le moyen tiré de ce qu'il serait entaché " d'incompétence négative " ne peut donc, en tout état de cause, qu'être écarté. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que les ministres chargés de l'éducation et de la fonction publique auraient méconnu les principes fixés par l'article L. 312-9-1 précité en n'incluant pas la langue des signes française parmi les diverses langues régionales constituant les options de la nouvelle section d'agrégation, intitulée " langues de France ", alors d'ailleurs, notamment, que les concours du certificat d'aptitude au professorat du second degré comportent, en vertu de l'arrêté interministériel du 19 avril 2013 fixant les modalités d'organisation de ces concours, une section " langue des signes ", et permettent ainsi le recrutement d'enseignants de cette langue. Par ailleurs, l'arrêté attaqué n'ayant ni pour objet ni pour effet de fixer des règles relatives aux examens et concours passés par les élèves et étudiants, il n'a pu davantage méconnaître le droit des élèves et étudiants de choisir la langue des signes comme langue d'option.

3. En deuxième lieu, l'absence d'option " langue des signes françaises " au sein de la section " langues de France " ne place pas les personnes sourdes dans une situation différente des personnes entendantes, dès lors qu'il n'a ni pour objet ni pour effet de priver les personnes sourdes du droit de se présenter au concours de l'agrégation dans l'ensemble des sections existantes. Par suite, l'arrêté attaqué ne peut être regardé comme instituant une discrimination indirecte à l'encontre des personnes sourdes.

4. Il résulte de tout ce qui précède que la Fédération nationale des sourds de France n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté qu'elle attaque.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la Fédération nationale des sourds de France est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération nationale des sourds de France, au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 410594
Date de la décision : 06/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 06 nov. 2019, n° 410594
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Yaël Treille
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:410594.20191106
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