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30/09/2019 | FRANCE | N°423907

France | France, Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 30 septembre 2019, 423907


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 5 et 12 septembre 2018 et le 30 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Fuel Motors demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite du 25 août 2018 par laquelle le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire a rejeté sa demande tendant à l'abrogation de l'arrêté du 9 février 2009 relatif aux modalités d'immatriculation des véhicules, en tant qu'il permet à l'administration d'e

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Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 5 et 12 septembre 2018 et le 30 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Fuel Motors demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite du 25 août 2018 par laquelle le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire a rejeté sa demande tendant à l'abrogation de l'arrêté du 9 février 2009 relatif aux modalités d'immatriculation des véhicules, en tant qu'il permet à l'administration d'exiger du demandeur qu'il produise, en vue d'attester des caractéristiques techniques du véhicule, des documents, notamment le certificat de conformité CE du véhicule, en complément de son certificat d'immatriculation ;

2°) d'enjoindre au ministre d'abroger cet arrêté dans cette mesure ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la directive 1999/37/CE du Conseil du 29 avril 1999, modifiée par la directive 2006/103/CE du Conseil du 20 novembre 2006 ;

- la directive 2002/24/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 mars 2002 ;

- la directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 septembre 2007 ;

- le code de la route ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêt n° C-150/11 du 6 septembre 2012 de la Cour de justice de l'Union européenne ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme B... A..., auditrice,

- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que la société Fuel Motors, entreprise spécialisée dans le commerce de vente de détail en France de véhicules précédemment immatriculés dans un autre Etat de l'Union européenne, a demandé le 28 juin 2018 au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire d'abroger l'arrêté du 9 février 2009 relatif aux modalités d'immatriculation des véhicules, en tant qu'il permet à l'administration d'exiger du demandeur qu'il produise, en vue d'attester des caractéristiques techniques d'un véhicule conforme à un type communautaire, des documents venant en complément du certificat d'immatriculation du véhicule. Le silence gardé par le ministre sur cette demande a fait naître une décision implicite de refus, dont la société Fuel Motors demande, par la présente requête, l'annulation pour excès de pouvoir.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé ".

3. L'article 4 de la directive 1999/37/CE du Conseil du 29 avril 1999 relative aux documents d'immatriculation des véhicules, modifiée par la directive 2006/103/CE du Conseil du 20 novembre 2006 prévoit que : " Aux fins de la présente directive, le certificat d'immatriculation délivré par un État membre est reconnu par les autres États membres en vue de l'identification du véhicule en circulation internationale ou en vue de sa nouvelle immatriculation dans un autre État membre ". Il résulte de ces dispositions, éclairées par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, que les États membres ne sauraient exiger de celui qui demande l'immatriculation d'un véhicule précédemment immatriculé dans un autre Etat membre de l'Union européenne qu'il produise, en plus du certificat d'immatriculation délivré par cet Etat, des documents complémentaires, tels que le certificat de conformité du véhicule délivré par le constructeur, permettant d'établir les caractéristiques techniques du véhicule, en dehors de certains cas particuliers tels qu'un certificat d'immatriculation ne correspondant pas au véhicule importé, ne permettant pas de l'identifier, ou ne comportant pas toutes les données obligatoires.

4. Or l'article 1er de l'arrêté litigieux du 9 février 2009 relatif aux modalités d'immatriculation des véhicules dispose, dans sa rédaction en vigueur à la date de la présente décision, que les dossiers de demande d'immatriculation doivent comporter, au titre des justificatifs techniques de conformité : " a) Pour les véhicules conformes à un type communautaire : / Un certificat de conformité à un type CE ou une attestation d'identification à un type communautaire si le certificat d'immatriculation CE n'est pas fourni ou ne permet pas d'immatriculer le véhicule. / Lorsque le certificat de conformité à un type CE est conforme à la directive 74/150/CE, il est complété par les indications complémentaires au certificat de conformité 74/150/CE. / Si le certificat de conformité à un type CE ou l'attestation d'identification à un type communautaire ne permettent pas d'immatriculer le véhicule, un procès-verbal de RTI est fourni. / Le certificat de conformité à un type CE pourra être le duplicata du certificat délivré par le constructeur ou son représentant dans l'Etat de première immatriculation ou d'immatriculation précédente, ou la copie du certificat certifiée conforme par les autorités de l'Etat de première immatriculation ou d'immatriculation précédente (...) ".

5. Ces dispositions, en ce qu'elles permettent à l'administration d'exiger la production " d'un certificat de conformité à un type CE ou une attestation d'identification à un type communautaire " dans tous les cas où elle estime que le certificat d'immatriculation établi par un autre Etat membre de l'Union européenne " ne permet pas d'immatriculer le véhicule ", méconnaissent les objectifs de la directive du 29 avril 1999, dans la mesure où elles laissent à l'administration la possibilité d'exiger la production d'autres documents que le certificat d'immatriculation au-delà des seuls cas susceptibles d'être admis au regard de la directive, tels que ceux où le certificat d'immatriculation ne correspond pas au véhicule importé, ne permet pas de l'identifier, ou ne comporte pas toutes les données obligatoires.

6. Il résulte de ce qui précède que la société Fuel Motors est fondée à demander, dans cette mesure, l'annulation du refus d'abrogation qui lui a été opposé.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

8. L'annulation de la décision implicite refusant d'abroger l'arrêté du 9 février 2009 dans la mesure demandée par la société requérante implique nécessairement l'abrogation partielle des dispositions réglementaires entachées d'illégalité. Il y a lieu pour le Conseil d'Etat d'enjoindre au ministre de procéder à cette abrogation dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement, à ce titre, d'une somme de 3 000 euros à la société Fuel Motors.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision implicite par laquelle le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire a refusé d'abroger l'arrêté du 9 février 2009 relatif aux modalités d'immatriculation des véhicules en tant qu'il permet d'exiger la production d'un certificat de conformité CE en complément du certificat d'immatriculation établi par un autre Etat membre de l'Union européenne si le certificat d'immatriculation " ne permet pas d'immatriculer le véhicule " est annulée.

Article 2 : Il est enjoint à la ministre de la transition écologique et solidaire d'abroger l'arrêté du 9 février 2009 relatif aux modalités d'immatriculation des véhicules dans la mesure énoncée dans les motifs de la présente décision, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à la société Fuel Motors la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Fuel Motors et à la ministre de la transition écologique et solidaire.

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et à la section du rapport et des études du Conseil d'Etat.


Synthèse
Formation : 5ème - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 423907
Date de la décision : 30/09/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 sep. 2019, n° 423907
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Louise Cadin
Rapporteur public ?: Mme Cécile Barrois de Sarigny

Origine de la décision
Date de l'import : 17/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:423907.20190930
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