La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/08/2019 | FRANCE | N°418918

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre jugeant seule, 21 août 2019, 418918


Vu la procédure suivante :

Les sociétés WPD Offshore GmbH et WPD Offshore France ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler, d'une part, les décisions du 2 juin 2014 par lesquelles le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a rejeté l'offre présentée par la société Eoliennes offshore des deux îles en vue de la délivrance d'une autorisation d'exploiter un parc de production d'électricité par éoliennes et désigné la société Les éoliennes en mer de Vendée, devenue la société Eoliennes en mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier laur

éate de l'offre et, d'autre part, l'arrêté du 1er juillet 2014 par lequel ce mi...

Vu la procédure suivante :

Les sociétés WPD Offshore GmbH et WPD Offshore France ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler, d'une part, les décisions du 2 juin 2014 par lesquelles le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a rejeté l'offre présentée par la société Eoliennes offshore des deux îles en vue de la délivrance d'une autorisation d'exploiter un parc de production d'électricité par éoliennes et désigné la société Les éoliennes en mer de Vendée, devenue la société Eoliennes en mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier lauréate de l'offre et, d'autre part, l'arrêté du 1er juillet 2014 par lequel ce ministre a délivré à la société Les éoliennes en mer de Vendée une autorisation d'exploiter un parc d'électricité éolienne au large des îles d'Yeu et de Noirmoutier. Par un jugement nos 15007987, 1507989 du 15 décembre 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.

Par un arrêt n° 17NT00615 du 26 février 2018, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par les sociétés WPD Offshore GmbH et WPD Offshore France contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 12 mars et 1er juin 2018 et les 12 juin et 4 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les sociétés WPD Offshore GmbH et WPD Offshore France demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code de l'énergie ;

- le code de l'environnement ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le décret n° 2000-877 du 7 septembre 2000 ;

- le décret n° 2002-1434 du 4 décembre 2002 ;

- le décret n° 2014-401 du 16 avril 2014 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société WPD Offshore Gmbh et de la société WPD Offshore France et à la SCP Meier-Bourdeau, Lecuyer, avocat de la société Eoliennes en mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 12 juillet 2019, présentée par les sociétés WPD Offshore GmbH et WPD Offshore France ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 juillet 2019, présentée par la société Éoliennes en mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, dans le cadre d'une procédure d'appel d'offres portant sur cinq lots en vue de la sélection des opérateurs chargés de répondre aux objectifs de développement de la production électrique à partir de l'énergie éolienne en mer, la société WPD Offshore France, filiale à 100 % de la société de droit allemand WPD Offshore GmbH, a conclu avec la société Eoliennes offshore des deux îles une convention de prestation de services. Le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a, par décision du 2 juin 2014, rejeté l'offre présentée par la société Eoliennes offshore des deux îles et attribué le lot n° 2 relatif à l'implantation d'un parc éolien sur le domaine public maritime au large des îles d'Yeu et de Noirmoutier (Vendée) à la société Eoliennes en mer de Vendée, devenue la société Eoliennes en mer Iles d'Yeu et Noirmoutier. Par un arrêté du 1er juillet 2014, ce même ministre a autorisé la société Eoliennes en mer de Vendée, sur le fondement de l'article L. 311-1 du code de l'énergie, à implanter et exploiter ce parc éolien, d'une puissance de 500 MW. Par un jugement du 15 décembre 2016, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande des sociétés WPD Offshore France et WPD Offshore GmbH tendant à l'annulation de ces décisions. Par un arrêt du 26 février 2018, contre lequel les sociétés WPD Offshore France et WPD Offshore GmbH se pourvoient en cassation, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté leur appel formé contre ce jugement au motif qu'elles ne justifiaient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour agir contre ces actes.

2. Aux termes de l'article L. 311-10 du code de l'énergie, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque les capacités de production ne répondent pas aux objectifs de la programmation pluriannuelle des investissements, notamment ceux concernant les techniques de production et la localisation géographique des installations, l'autorité administrative peut recourir à la procédure d'appel d'offres. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, d'une part, que la société WPD Offshore GmbH, spécialisée dans le développement, la construction et l'exploitation de parcs éoliens notamment maritimes, était membre du consortium pour le compte duquel la société Eoliennes offshore des deux îles avait candidaté à l'appel d'offres. D'autre part, la société WPD Offshore France, détenue en totalité par la société WPD Offshore GmbH, avait conclu avec la société Eoliennes offshore des deux îles un contrat de prestation de services aux termes duquel elle devait assurer " le pilotage des études préalables au projet à réaliser après l'attribution de l'appel d'offres, la préparation des dossiers de demande des autorisations administratives nécessaires à la gestion des procédures d'obtention d'autorisation, ainsi que l'accompagnement de la société Eolienne des deux îles dans les différentes consultations instaurées à la suite d'une éventuelle attribution de l'appel d'offres ", ces prestations étant rémunérées 200 000 euros hors taxes par an à compter de l'attribution du lot visé par l'appel d'offres. L'offre de la société Eoliennes offshore des deux îles reposait ainsi sur les prestations spécifiques que devait exécuter la société WPD Offshore France et dont elle-même et la société WPD Offshore GmbH devaient retirer une rémunération. Par suite, en jugeant que les clauses de cette convention étaient insusceptibles de caractériser, de la part des sociétés WPD Offshore GmbH et WPD Offshore France, un intérêt personnel et direct leur donnant qualité à agir à l'encontre de la décision de rejet de l'offre de la société Eoliennes offshore des deux îles, de la décision attribuant l'offre à un autre concurrent, et de l'arrêté autorisant la société Les éoliennes en mer de Vendée à exploiter le parc éolien, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit.

4. Il y a lieu, eu égard à la motivation de l'arrêt attaqué, de l'annuler dans sa totalité.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

Sur la régularité du jugement attaqué :

6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que les mémoires des sociétés WPD Offshore GmbH et WPD Offshore France, enregistrés les 19 septembre et 4 novembre 2016, et le mémoire du ministre chargé de l'écologie, enregistré le 16 novembre 2016, ne contenaient pas d'éléments nouveaux au sens de l'article R. 611-1 du code de justice administrative. Les moyens tirés de ce que le jugement serait entaché d'irrégularité faute d'avoir analysé ces mémoires, et de ce que le caractère contradictoire de la procédure aurait été méconnu faute de communication des mémoires à la partie adverse doivent, par suite, être écartés.

7. En deuxième lieu, la circonstance que le visa du mémoire des sociétés requérantes enregistré le 19 septembre 2016 figure après le visa de la clôture de l'instruction alors qu'il a été enregistré avant cette clôture, est sans incidence sur la régularité du jugement.

8. En troisième lieu, s'il est constant que les sociétés requérantes ont produit devant le tribunal administratif le contrat de services conclu avec la société Eoliennes offshore des deux îles et sa traduction en langue française postérieurement à la clôture de l'instruction, le tribunal ne s'est toutefois pas fondé, pour juger qu'elles n'avaient pas intérêt à agir, sur les clauses de ce contrat mais sur les qualités d'actionnaire et de sous-traitant dont elles s'étaient prévalues antérieurement à la clôture de l'instruction. Par suite, il ne saurait être utilement soutenu par les sociétés requérantes que le jugement serait entaché d'irrégularité pour s'être fondé sur une pièce non soumise au débat contradictoire.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les décisions du 2 juin 2014 :

Quant à leur légalité externe :

9. En premier lieu, aux termes de l'article 13 du décret du 4 décembre 2002, alors applicable : " I. - Le ministre chargé de l'énergie recueille l'avis motivé de la Commission de régulation de l'énergie sur le choix qu'il envisage, puis désigne le ou les candidats retenus. / II. - Le ministre délivre à chaque candidat retenu l'autorisation d'exploiter correspondante. Il avise tous les autres candidats du rejet de leurs offres ". Le ministre chargé de l'énergie étant, à la date des décisions attaquées et en application de l'article 1er du décret du 16 avril 2014, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, les sociétés requérantes ne sauraient utilement soutenir que ces décisions auraient dû également être signées par le ministre de l'économie et des finances.

10. En deuxième lieu, la circonstance que l'auteur d'un acte administratif investi d'un pouvoir d'appréciation vise un avis dont il reproduit les termes ne permet pas, à elle seule, d'établir qu'il aurait renoncé à son pouvoir d'appréciation. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision de rejet de l'offre serait entachée d'illégalité au motif que le ministre chargé de l'énergie, en visant l'avis de la Commission de régulation de l'énergie, aurait renoncé à son pouvoir d'appréciation, ne peut qu'être écarté.

11. En troisième lieu, la circonstance que le ministre chargé de l'énergie ait, dans le cadre de la procédure relative à la demande d'accès aux documents administratifs de l'appel d'offres engagée par les sociétés requérantes, indiqué ne plus être en possession des documents relatifs à l'appel d'offres, ne permet pas à elle seule d'établir qu'il ne les aurait pas consultés avant de désigner le lauréat de l'offre et qu'il aurait ainsi entaché ses décisions d'un défaut de motivation et d'un vice de procédure.

12. En quatrième lieu, il résulte des articles 12 et 13 du décret du 4 décembre 2002, alors en vigueur, que l'instruction des dossiers de candidature à l'appel d'offres relève de la compétence de la Commission de régulation de l'énergie. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions du 2 juin 2014 seraient entachées d'un vice de procédure, faute pour le ministre d'avoir lui-même instruit les dossiers de candidature à l'appel d'offres, ne peut qu'être écarté. Les sociétés requérantes ne sauraient non plus soutenir utilement que le ministre aurait dû procéder à cette instruction conformément aux prescriptions de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, laquelle n'était pas applicable à l'appel d'offres en litige.

13. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la Commission de régulation de l'énergie n'a pas, dans son évaluation du plan de gestion des risques figurant dans les dossiers de candidature à l'appel d'offres, pris en compte l'avis motivé du préfet, ainsi que le prescrit l'article 5.4.2.1 du cahier des charges. Par suite, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que les décisions du 2 juin 2014 seraient, pour ce motif, entachées d'illégalité.

14. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 120-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors applicable : " Le présent article définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement est applicable aux décisions réglementaires de l'Etat et de ses établissements publics. / I. - Sauf disposition particulière relative à la participation du public prévue par le présent code ou par la législation qui leur est applicable, les décisions réglementaires de l'Etat et de ses établissements publics sont soumises à participation du public lorsqu'elles ont une incidence directe et significative sur l'environnement. (...) ".

15. La décision désignant l'attributaire de l'offre au terme de la procédure d'appel d'offres prévue par les articles L. 311-1 et suivants du code de l'énergie et la décision informant l'un des candidats à l'appel d'offres du rejet de sa candidature ne constituent pas des décisions réglementaires de l'État au sens de l'article L. 120-1 du code de l'environnement. Par suite, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que ces dispositions auraient, en l'espèce, été méconnues.

16. En septième lieu, les sociétés requérantes soutiennent que les décisions attaquées ont été adoptées en méconnaissance du régime des aides d'Etat lequel, en application des articles 107 paragraphe 1 et 108, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, impose de notifier à la Commission européenne toute nouvelle aide avant sa mise à exécution. Toutefois, les décisions attaquées, qui se bornent, d'une part, à désigner le lauréat de l'appel d'offres et, d'autre part, à informer les autres candidats de ce que leur offre n'a pas été retenue, n'ont ni pour objet ni pour effet de faire bénéficier la société Eoliennes en mer Iles d'Yeu et Noirmoutier d'une aide d'Etat. Il n'y avait en conséquence pas lieu de procéder, à ce stade, à une quelconque notification à la Commission européenne. Il ressort d'ailleurs des pièces du dossier que cette notification a été faite le 6 janvier 2017. Par suite, le moyen soulevé doit être écarté.

17. En huitième et dernier lieu, d'une part, il ressort des pièces du dossier que le ministre chargé de l'énergie a motivé sa décision informant les sociétés requérantes du rejet de leur offre. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision serait entachée d'illégalité faute d'être motivée ne peut qu'être écarté.

18. D'autre part, dès lors que le ministre chargé de l'énergie s'est borné à rejeter la réclamation des sociétés requérantes dirigée contre la décision de rejet de leur offre, régulièrement motivée, la décision prise par le ministre n'avait pas à comporter de motivation et ne peut, dès lors, être regardée comme intervenue en violation des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public alors en vigueur. Les sociétés requérantes ne sont, en conséquence, pas fondées à soutenir que la décision les informant du rejet de leur offre serait entachée d'illégalité faute, pour le ministre, de leur avoir communiqué les motifs du rejet de leur recours gracieux formé à l'encontre de cette décision.

Quant à leur légalité interne :

S'agissant du cahier des charges :

19. En premier lieu, aux termes de l'article 2 du décret du 4 décembre 2002 : " I.-Le ministre chargé de l'énergie communique à la Commission de régulation de l'énergie les conditions de l'appel d'offres qu'il a définies. / II. - La commission transmet au ministre chargé de l'énergie un projet de cahier des charges de l'appel d'offres avant le terme du délai imparti par le ministre. Ce délai, qui court de la date de réception des documents adressés par le ministre, ne peut être inférieur à un mois ni supérieur à six mois. / III. - La Commission de régulation de l'énergie communique le projet de cahier des charges au ministre chargé de l'énergie. Ce dernier y apporte les modifications qu'il juge nécessaires et arrête définitivement le cahier des charges. ".

20. Ces dispositions n'ont, contrairement à ce qu'il est soutenu, ni pour objet ni pour effet d'imposer au ministre chargé de l'énergie de prendre, avant d'arrêter définitivement le cahier des charges et de le publier, des décisions expresses formalisées relatives aux conditions de l'appel d'offres qu'il communique à la Commission de régulation de l'énergie et au délai dont dispose cette commission pour lui adresser un projet de cahier des charges. Par suite, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que les décisions attaquées seraient, pour ce motif, entachées d'illégalité.

21. En deuxième lieu, s'il ressort des pièces du dossier que le projet de cahier des charges élaboré par la Commission de régulation de l'énergie ne prévoyait pas la possibilité de recourir à des turbines de puissance unitaire supérieure à 6 MW, ce projet est en lui-même, et en application de l'article 2 du décret du 4 décembre 2002 rappelé au point 19, dépourvu de toute portée normative. Par suite, les sociétés requérantes ne sauraient utilement soutenir que le cahier des charges définitivement arrêté et publié, qui autorise le recours à des turbines d'une puissance unitaire de 8 MW, méconnaîtrait le principe d'égalité et le principe de sécurité juridique, et que les décisions attaquées seraient, pour ce motif, entachées d'illégalité.

22. En troisième lieu, d'une part, l'article L. 311-10 du code de l'énergie, dans sa rédaction alors en vigueur, dispose que " (...) Les critères mentionnés à l'article L. 311-5 servent à l'élaboration du cahier des charges de l'appel d'offres. (...) ". Aux termes de l'article L. 311-5 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité est délivrée par l'autorité administrative en tenant compte des critères suivants : / (...) / 2° Le choix des sites, l'occupation des sols et l'utilisation du domaine public ; / 3° L'efficacité énergétique ; (...) ".

23. D'autre part, l'administration détermine librement la méthode de notation pour la mise en oeuvre de chacun des critères de sélection des offres qui sont définis dans le cahier des charges et rendus publics. Toutefois, ces méthodes de notation sont entachées d'irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, elles sont par elles-mêmes de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en oeuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l'ensemble des critères pondérés, à ce que l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie.

24. Il ressort des pièces du dossier que le cahier des charges prévoit, dans le cadre du critère " volet industriel ", un sous-critère relatif au nombre d'équipements installés sur le domaine public maritime, et dont la notation, d'un maximum de dix points, dépend de coefficients qui sont fonction du nombre d'éoliennes constituant l'installation de production et de sa puissance en MW. Les sociétés requérantes soutiennent que les méthodes de notation de ce sous-critère méconnaissent le principe d'égalité entre les candidats à l'offre en ce qu'elles favorisent les candidats proposant un modèle de turbine d'une puissance unitaire de 8 MW, au détriment de ceux qui proposent un modèle de turbine d'une puissance inférieure. Toutefois, les méthodes de notation de ce sous-critère permettent, en prenant en compte le nombre d'équipements et leur puissance, de privilégier les projets réduisant le nombre d'éoliennes et leur impact sur le domaine public maritime tout en bénéficiant d'une puissance d'énergie produite équivalente. Ce sous-critère et ses méthodes d'évaluation répondent ainsi aux objectifs définis à l'article L. 311-5 du code de l'énergie rappelé au point 22, et n'ont, en conséquence, ni pour objet ni pour effet de priver de portée les critères de sélection définis par le cahier des charges. Par suite, le moyen soulevé ne peut qu'être écarté.

25. En quatrième et dernier lieu, les sociétés requérantes ne sauraient utilement soutenir, à l'encontre des décisions attaquées, que le cahier des charges serait illégal faute de contenir des critères permettant d'apprécier la valeur technique des projets proposés et les risques associés. Il ressort en effet des pièces du dossier que le cahier des charges comporte un critère " volet industriel ", noté sur 40, composé de sous-critères tenant compte de la maîtrise des risques techniques et financiers, du plan de gestion des risques, de la maîtrise du risque industriel et de la maîtrise des risques liés à la sécurité maritime, qui permettent d'apprécier la valeur technique de l'offre et les risques associés.

S'agissant de l'offre retenue :

26. En premier lieu, les articles 2.1 et 5 du cahier des charges autorisent un candidat présentant une offre ferme pour deux lots à déposer une variante dans les offres portant sur chacun des deux lots.

27. Il ressort des pièces du dossier que le consortium formé par les sociétés GDF Suez Future énergies, EDP Renewables Europe et Néoen Marine, et représenté pour le lot n° 1 par la société Eoliennes en mer de Dieppe Le Tréport, et pour le lot n° 2 par la société Eoliennes en mer de Vendée, a présenté, pour chacun de ces lots, deux offres fermes et deux variantes. Les sociétés requérantes ne sauraient, en conséquence, utilement soutenir qu'en retenant, pour le lot n° 2 Iles d'Yeu et de Noirmoutier, la variante présentée, pour le consortium, par la société Eoliennes en mer de Vendée, le ministre chargé de l'énergie aurait entaché sa décision d'illégalité en ce que la société lauréate n'aurait pas déposé deux offres fermes l'autorisant à déposer, pour chacun des lots, deux variantes.

28. En deuxième lieu, si les sociétés requérantes soutiennent que le caractère incomplet de l'offre de la société Eoliennes en mer de Vendée entache d'illégalité les décisions attaquées, un tel moyen ne peut qu'être écarté dès lors qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de la délibération de la Commission de régulation de l'énergie du 12 décembre 2013, que le dossier de cette société relatif à l'attribution d'un lot portant sur l'installation des éoliennes en mer comportait l'ensemble des pièces requises.

29. En troisième lieu, le moyen tiré du caractère insuffisant de l'offre de la société Eoliennes en mer de Vendée au regard des exigences du cahier des charges n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

30. En quatrième lieu, si les sociétés requérantes soutiennent que l'offre de la société méconnaîtrait les prescriptions des articles 5.1, 3.1.1 du cahier des charges et son annexe 3 en ce qu'elle prévoit un câblage en étoile et non un câblage linéaire, ce moyen doit être écarté. En effet, d'une part, le cahier des charges, en particulier son annexe 3 qui précise que " l'axe principal pour l'orientation des lignes éoliennes est à définir en tenant compte des études de courant et de pratiques de pêche " et que, s'agissant de la disposition des câbles, si " l'ensouillage et la protection des câbles permettront de garantir la sécurité maritime et le maintien de certains usages ", il convient de " minimiser les traversées de câbles entre les éoliennes ", n'a ni pour objet ni pour effet d'interdire le câblage en étoile. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette méthode de câblage ne serait pas, en elle-même, compatible avec les pratiques de pêche.

31. En cinquième lieu, les sociétés requérantes ne sauraient utilement critiquer, au soutien de leur demande d'annulation des décisions désignant le lauréat et les informant du rejet de leur offre, la notation des offres par la Commission de régulation de l'énergie, qui ne s'impose pas au ministre chargé de l'énergie.

32. En sixième lieu, les sociétés requérantes soutiennent que la décision du 2 juin 2014 attribuant l'offre à la société Eoliennes en mer de Vendée serait entachée d'une erreur de droit ou, pour le moins, d'une erreur manifeste d'appréciation, en ce qu'il a été fait le choix de turbines d'une puissance de 8 MW. Toutefois, d'une part, l'article L. 311-5 du code de l'énergie n'a, contrairement à ce qui est soutenu, ni pour objet ni pour effet d'interdire les éoliennes d'une puissance unitaire de 8 MW. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en retenant une offre ayant fait le choix de turbines de cette puissance, dont les premiers prototypes ont été installés dès 2014 au large du Danemark, et les premiers modèles industriels courant 2016 en mer d'Irlande, le ministre aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. Par suite, le moyen doit être écarté.

33. En septième et dernier lieu, les sociétés requérantes soutiennent également que la décision du 2 juin 2014 attribuant l'offre à la société Eoliennes en mer de Vendée serait entachée d'une erreur de droit ou, pour le moins, d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il a été fait le choix de fondations " jacket " ancrées sur pieux forés dont les études géotechniques qu'elles ont réalisées mettraient en évidence les difficultés de mise en oeuvre. Toutefois, d'une part, l'article 3.1 du cahier des charges, qui se limite à sanctionner par une diminution de la durée du contrat d'achat d'électricité le report des délais de mise en service, n'a, contrairement à ce qui est soutenu, ni pour objet ni pour effet d'interdire le choix de fondations " jacket " ancrées sur pieux forés. D'autre part, il ne ressort des pièces du dossier ni que la mise en oeuvre de telles fondations n'était pas possible sur un plan technique, ni qu'elle aurait entraîné des retards de réalisation incompatibles avec les prescriptions du cahier des charges. Par suite, le moyen tiré de l'annulation, pour ces motifs, de la décision du 2 juin 2014 doit être écarté.

En ce qui concerne l'arrêté du 1er juillet 2014 :

34. D'une part, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision et ce, dans les deux mois à partir de la notification de la publication de la décision attaquée ".

35. D'autre part, aux termes de l'article 13 du décret du 7 septembre 2000 relatif à l'autorisation d'exploiter les installations de production d'électricité : " Le ministre chargé de l'énergie procède à la publication par extraits au Journal Officiel de la République française des autorisations délivrées. Cette publication contient les éléments mentionnés au 1° et au dernier alinéa de l'article 2 ". L'article 2 de ce même décret dispose, en son 1°, que " (...) Sous la responsabilité du pétitionnaire, la demande comporte les indications et les pièces suivantes : 1° S'il s'agit d'une personne physique, ses nom, prénom et domicile ou, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination ou sa raison sociale, sa forme juridique, l'adresse de son siège social ainsi que la qualité du signataire de la demande (...) ", et en son dernier alinéa, que " (...) Le ministre chargé de l'énergie accuse réception de la demande. Sous réserve des secrets protégés par la loi, il procède à la publication, par extraits, au Journal Officiel de la République française, des principales caractéristiques de la demande, relatives à la capacité de production, aux énergies primaires et aux techniques de production utilisées, ainsi qu'à la localisation de l'installation. ". Enfin, aux termes de l'article 13 du décret du 4 décembre 2002 : " (...) Le ministre procède à la publication au Journal Officiel de la République française de l'avis de la commission mentionné au I du présent article en même temps qu'il publie les extraits mentionnés à l'article 13 du décret du 7 septembre 2000 susvisé. (...)".

36. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 1er juillet 2014 autorisant, sur le fondement de l'article L. 311-1 du code de l'énergie, la société Eoliennes en mer de Vendée à exploiter un parc éolien au large des îles d'Yeu et de Noirmoutier, qui ne relève pas de la matière des travaux publics, a été publié au Journal officiel de la République française du 9 juillet 2014, que cette publication, qui mentionnait le nom de la société bénéficiaire, la capacité de production, les énergies primaires et les techniques de production utilisées ainsi que la localisation précise définie par des coordonnées géographiques selon le système géodésique, était suffisante au regard des prescriptions des articles 2 et 13 du décret du 7 septembre 2000, et que l'avis de la Commission de régulation de l'énergie a été publié au Journal officiel de la République française du 30 juillet 2014. Il s'en suit que le recours gracieux introduit par les sociétés requérantes le 27 octobre 2014 est tardif et n'a, en conséquence, pas eu pour effet d'interrompre le délai du recours contentieux, et que la requête en annulation de l'arrêté du 1er juillet 2014, enregistrée le 11 février 2015 au greffe du tribunal administratif de Paris, est tardive et, donc, irrecevable.

37. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres fins de non-recevoir opposées en défense, que les sociétés WPD Offshore GmbH et WPD Offshore France ne sont pas fondées à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.

38. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de la société Eoliennes en mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que les sociétés WPD Offshore GmbH et WPD Offshore France demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ces sociétés la somme de 3 000 euros à verser à la société Eoliennes en mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 26 février 2018 est annulé.

Article 2 : La requête d'appel des sociétés WPD Offshore GmbH et WPD Offshore France est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par les sociétés WPD Offshore GmbH et WPD Offshore France est rejeté.

Article 4 : Les sociétés WPD Offshore GmbH et WPD Offshore France verseront à la société Eoliennes en mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société WPD Offshore GmbH, à la société WPD Offshore France, à la ministre de la transition écologique et solidaire et à la société Eoliennes en mer Iles d'Yeu et de Noirmoutier.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 21 aoû. 2019, n° 418918
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN ; SCP MEIER-BOURDEAU, LECUYER

Origine de la décision
Formation : 6ème chambre jugeant seule
Date de la décision : 21/08/2019
Date de l'import : 27/08/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 418918
Numéro NOR : CETATEXT000038955169 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2019-08-21;418918 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award