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09/08/2019 | FRANCE | N°433298

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 09 août 2019, 433298


Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté préfectoral du 8 avril 2018 portant obligation de quitter le territoire français et, d'autre part, d'enjoindre à la préfète des Hautes-Alpes de réexaminer sa situation et de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour. Par une ordonnance n° 1906082 du 18 juillet 2019, la juge des référés du tri

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Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté préfectoral du 8 avril 2018 portant obligation de quitter le territoire français et, d'autre part, d'enjoindre à la préfète des Hautes-Alpes de réexaminer sa situation et de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour. Par une ordonnance n° 1906082 du 18 juillet 2019, la juge des référés du tribunal administratif de Marseille l'a admis à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle, et a rejeté le surplus de ses demandes.

Par une requête, enregistrée le 5 août 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler l'ordonnance du 18 juillet 2019 par laquelle la juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête ;

3°) de constater que la préfète des Hautes-Alpes a porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ;

4°) d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 8 avril 2018 portant obligation de quitter le territoire français ;

5°) d'enjoindre à la préfète des Hautes-Alpes de réexaminer dans les plus brefs délais sa situation et de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est remplie dès lors que, d'une part, l'obligation de quitter le territoire français est susceptible de faire l'objet d'une exécution d'office par l'autorité administrative et, d'autre part, que le requérant est placé dans une situation d'extrême précarité ;

- l'ordonnance attaquée est entachée d'une irrégularité en ce qu'elle ne vise pas la note en délibérée produite par le requérant à l'issue de l'audience ;

- elle est entachée d'une erreur de droit en ce qu'elle a considéré qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur l'atteinte grave et manifestement illégale portée à sa liberté de mener une vie familiale normale ;

- l'exécution de la décision d'obligation de quitter le territoire français porte une atteinte grave et manifestement illégale à sa liberté de mener une vie familiale normale ;

- la naissance de sa fille, de nationalité française, constitue une circonstance nouvelle venant interdire l'exécution de la mesure d'éloignement ;

- c'est à tort que la préfète des Hautes-Alpes a mis à exécution la décision portant obligation de quitter le territoire français compte tenu du fait que le requérant dispose de l'autorité parentale sur son enfant français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 août 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient que la requête est irrecevable, que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code civil

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. B... et, d'autre part, le ministre de l'intérieur ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 9 août 2019 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Ricard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. B... ;

- les représentantes du ministre de l'intérieur ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. ".

Sur la régularité de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Marseille :

2. Il résulte des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative que, lorsqu'il est régulièrement saisi, à l'issue de l'audience, d'une note en délibéré émanant de l'une des parties, il appartient dans tous les cas au juge administratif d'en prendre connaissance avant de rendre sa décision ainsi que de la viser, sans toutefois l'analyser dès lors qu'il n'est pas amené à rouvrir l'instruction et à la soumettre au débat contradictoire pour tenir compte des éléments nouveaux qu'elle contient.

3. Il ressort des pièces et de la procédure devant le tribunal administratif de Marseille qu'après l'audience publique qui s'est tenue le 16 juillet 2019, M. B... a produit une note en délibéré, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Marseille le 16 juillet 2019, soit avant la lecture de l'ordonnance. L'ordonnance attaquée, qui ne vise pas cette note, est ainsi entachée d'irrégularité. Par suite, M. B... est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance du 18 juillet 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Marseille.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Marseille.

Sur les conclusions à fin d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :

5. Il y a lieu d'admettre provisoirement M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle par application de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

6. M. B..., ressortissant algérien entré irrégulièrement en France en 2016, a fait l'objet, le 8 avril 2018, d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français assorti d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans pris par la préfète des Hautes-Alpes. Par un jugement du 30 mai 2018, devenu définitif, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la requête de M. B... tendant à l'annulation de cet arrêté. Postérieurement, M. B... est devenu père d'un enfant français, né le 1er octobre 2018. A la suite d'un placement de l'intéressé en garde à vue dans le cadre d'une affaire de trafic de stupéfiants, la préfète des Hautes-Alpes a, par une décision du 4 juillet 2019, assigné à résidence M. B... en vue de l'exécution de l'arrêté du 8 avril 2018. Par une requête en date du 5 juillet 2019, M. B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2019 l'assignant à résidence et d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 8 avril 2018 portant obligation de quitter le territoire français en se prévalant notamment de qu'il était, entretemps, devenu parent d'un enfant français. Par un jugement en date du 10 juillet 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête. Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2019, M. B... a saisi la juge des référés du tribunal administratif de Marseille sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative d'une demande tendant, d'une part, à la suspension de l'exécution de l'arrêté préfectoral du 8 avril 2018 et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de réexaminer sa situation et de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour. Par une ordonnance n° 1906082 du 18 juillet 2019, dont M. B... relève régulièrement appel, la juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes.

7. Il appartient à l'étranger qui entend contester une obligation de quitter le territoire français lorsqu'elle est accompagnée d'un placement en rétention administrative ou d'une mesure d'assignation à résidence, de saisir le juge administratif sur le fondement des dispositions du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile d'une demande tendant à leur annulation, assortie le cas échéant de conclusions à fin d'injonction. Cette procédure particulière est exclusive de celles prévues par le livre V du code de justice administrative. Il en va autrement dans le cas où les modalités selon lesquelles il est procédé à l'exécution d'une telle mesure relative à l'éloignement forcé d'un étranger emportent des effets qui, en raison de changements dans les circonstances de droit ou de fait survenus depuis l'intervention de cette mesure et après que le juge, saisi sur le fondement de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a statué ou que le délai prévu pour le saisir a expiré, excèdent ceux qui s'attachent normalement à sa mise à exécution.

8. M. B... soutient, à l'appui de sa requête, que la naissance le 1er octobre 2018 d'un enfant français dont il a reconnu être le père constitue un changement dans les circonstances de fait dès lors que cette naissance est postérieure à l'arrêté du 8 avril 2018 et au jugement du 30 mai 2018 se prononçant sur son recours contre cet arrêté. Toutefois, cet évènement est intervenu antérieurement au jugement du tribunal administratif de Marseille, saisi le 5 juillet 2019 sur le fondement de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un jugement du 10 juillet 2019, le tribunal a non seulement rejeté la demande d'annulation de l'assignation à résidence mais a aussi expressément rejeté la demande de suspension de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français alors même que M. B... s'était prévalu devant lui de la naissance de cet enfant. Dans ces conditions, s'il appartient à M. B..., s'il s'y croit fondé, de faire appel de ce jugement devant la cour administrative d'appel, il n'est pas recevable à saisir le juge des référés sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative.

9. Il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par M. B... sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ne sont pas recevables. Par suite, sa demande présentée au titre de ces dispositions doit être rejetée, y compris les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

O R D O N N E :

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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Marseille du 18 juillet 2019 est annulée.

Article 2 : M. B... est admis provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le surplus de la requête de M. B... est rejetée.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 433298
Date de la décision : 09/08/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 09 aoû. 2019, n° 433298
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP RICARD, BENDEL-VASSEUR, GHNASSIA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:433298.20190809
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