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09/08/2019 | FRANCE | N°433008

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 09 août 2019, 433008


Vu la procédure suivante :

Le syndicat national pénitentiaire des surveillants non gradés a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, d'enjoindre à la garde des sceaux, ministre de la justice, de mettre à sa disposition sur le site Olympe de Gouges (Paris 19e) un local syndical répondant aux exigences de l'article 3 du décret n° 82-447 du 28 mai 1982 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique et un budget de fonctionnement national et, d

'autre part, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 eu...

Vu la procédure suivante :

Le syndicat national pénitentiaire des surveillants non gradés a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'une part, d'enjoindre à la garde des sceaux, ministre de la justice, de mettre à sa disposition sur le site Olympe de Gouges (Paris 19e) un local syndical répondant aux exigences de l'article 3 du décret n° 82-447 du 28 mai 1982 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique et un budget de fonctionnement national et, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 1914056/9 du 9 juillet 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a, d'une part, enjoint à la garde des sceaux, ministre de la justice, de réexaminer, dans un délai d'un mois, les droits auxquels le syndicat national pénitentiaire des surveillants non gradés peut prétendre s'agissant de la possibilité pour lui de bénéficier d'un local syndical situé dans les locaux de la direction de l'administration pénitentiaire situés sur le site Olympe de Gouges, d'autre part, rejeté le surplus de la requête, enfin, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 juillet et 7 août 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la garde des sceaux, ministre de la justice, demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de rejeter la demande du syndicat national pénitentiaire des surveillants non gradés.

Elle soutient que l'ordonnance attaquée est entachée d'une erreur de droit en ce qu'elle a considéré que le syndicat national pénitentiaire des surveillants non gradés était représentatif au sens des dispositions de l'article 3 du décret n° 82-447 pour le site Olympe de Gouges alors que ce site ne regroupe que des services de l'administration centrale du ministère de la justice et que le syndicat requérant, qui n'est pas représenté au sein du comité technique ministériel, n'est pas représenté au sein du comité technique de l'administration centrale du ministère, le comité technique de l'administration pénitentiaire, où le syndicat est représenté, n'étant pas compétent pour l'administration centrale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 août 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat national pénitentiaire des surveillants non gradés conclut au rejet de la requête et demande, d'une part, d'enjoindre à la garde des sceaux, ministre de la justice, de mettre à sa disposition un local syndical répondant aux exigences de l'article 3 du décret n° 82-447 du 28 mai 1982 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique, dès la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard et, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le décret n° 82-447 du 28 mai 1982 modifié ;

- le décret n° 2000-1215 ;

- le décret n° 2011-184 ;

- l'arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, du 14 juin 2011 relatif à la création du comité technique d'administration centrale ;

- l'arrêté de la garde des sceaux, ministre de la justice, du 3 juin 2014 portant création des comités techniques dans les services relevant de la direction de l'administration pénitentiaire ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la garde des sceaux, ministre de la justice, et, d'autre part, le syndicat national pénitentiaire des surveillants non gradés ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 8 août 2019 à 15 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- les représentants de la garde des sceaux, ministre de la justice ;

- Me Pierre Ricard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du syndicat national pénitentiaire des surveillants non gradés ;

- le représentant du syndicat national pénitentiaire des surveillants non gradés ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ".

2. Il résulte de l'instruction que le syndicat national pénitentiaire des surveillants non gradés a, par des courriers du 10 janvier et du 25 avril 2019, demandé que lui soit attribué un local syndical dans les locaux de la direction de l'administration pénitentiaire sur le site Olympe de Gouges à Paris (19e) au titre des dispositions de l'article 3 du décret du 28 mai 1982 modifié relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique. Cette demande a été rejetée, d'abord implicitement puis expressément à l'occasion d'un entretien avec la directrice des ressources humaines de la direction de l'administration pénitentiaire en date du 21 mai 2019. Saisi le 2 juillet 2019 par le syndicat national pénitentiaire des surveillants non gradés sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative le juge des référés du tribunal administratif de Paris a, par une ordonnance n° 1914056/9 du 9 juillet 2019, enjoint à la garde des sceaux, ministre de la justice de réexaminer, dans un délai d'un mois, les droits auxquels le syndicat national pénitentiaire des surveillants non gradés peut prétendre s'agissant de la possibilité de bénéficier d'un local syndical situé dans les locaux de la direction de l'administration pénitentiaire situés sur le site Olympe de Gouges. Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la garde des sceaux, ministre de la justice fait appel de cette ordonnance.

Sur l'atteinte et grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale :

3. Aux termes de l'article 3 du décret du 28 mai 1982 modifié relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique : " L'administration doit mettre à la disposition des organisations syndicales représentatives dans le service ou groupe de services considéré, ayant une section syndicale, un local commun aux différentes organisations lorsque les effectifs du personnel de ce service ou groupe de services implantés dans un bâtiment administratif commun sont égaux ou supérieurs à cinquante agents. Dans toute la mesure du possible, l'administration met un local distinct à la disposition de chacune de ces organisations. L'octroi de locaux distincts est de droit lorsque les effectifs du personnel de ce service ou groupe de services implantés dans un bâtiment administratif commun sont supérieurs à cinq cents agents. Dans un tel cas, l'ensemble des syndicats affiliés à une même fédération ou confédération se voient attribuer un même local. / (...) / Sont considérées comme représentatives, d'une part, les organisations syndicales disposant d'au moins un siège au sein du comité technique déterminé en fonction du service ou groupe de services concerné, d'autre part, les organisations syndicales disposant d'au moins un siège au sein du comité technique ministériel ou du comité technique d'établissement public de rattachement (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour bénéficier du droit de se voir attribuer un local syndical dans un service ou groupe de services, une organisation syndicale doit soit disposer d'au moins un siège au comité technique ministériel concerné soit disposer d'au moins un siège au sein du comité technique déterminé en fonction du service ou groupe de services concerné.

4. Aux termes de l'article 4 du décret du 15 février 2011 relatif aux comités techniques dans les administrations et les établissements publics de l'Etat : " Pour chaque administration centrale, est créé, par arrêté du ministre, un comité technique de proximité, dénommé comité technique d'administration centrale, placé auprès du secrétaire général ou du directeur des ressources humaines de l'administration centrale, compétent pour les services d'administration centrale et pour les services à compétence nationale. / (...) ". Aux termes de l'article 5 du même décret : " Il peut être créé, par arrêté du ministre, auprès d'un directeur général, un comité technique de réseau compétent pour les services centraux, les services déconcentrés ou les services à compétence nationale relevant de cette direction ainsi que pour les établissements publics de l'Etat en relevant par un lien exclusif en termes de missions et d'organisation. / Dans ce cas, le comité technique de proximité des personnels affectés dans les services centraux de ce réseau est soit le comité technique d'administration centrale mentionné à l'article 4, soit un comité technique de proximité, créé pour ces seuls personnels, par arrêté du ministre, dénommé comité technique de service central de réseau. / (...) ".

5. En application des dispositions citées au point précédent, le garde des sceaux, ministre de la justice, a, d'une part, par un arrêté du 14 juin 2011, institué auprès du secrétaire général de ce ministère un comité technique d'administration centrale ayant compétence pour connaître de toutes les questions concernant l'administration centrale de ce ministère, dont la composition est déterminée, s'agissant des représentants du personnel, par le vote des agents en poste à l'administration centrale de ce ministère ; d'autre part, par un arrêté du 3 juin 2014, ce même ministre a institué auprès du directeur de l'administration pénitentiaire un comité technique de réseau dénommé comité technique de l'administration pénitentiaire compétent pour les questions intéressant l'organisation et le fonctionnement des services déconcentrés, de l'Ecole nationale d'administration pénitentiaire et du service de l'emploi pénitentiaire, comité dont la composition est déterminée, s'agissant des représentant du personnel, par l'addition des suffrages obtenus pour la composition des comités techniques interrégionaux, du comité technique de la mission des services pénitentiaires de l'outre-mer, du comité technique du service de l'emploi pénitentiaire, des comités techniques départementaux et territoriaux des services pénitentiaires de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane, de

La Réunion, de Mayotte, de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie et du comité technique de l'Ecole nationale d'administration pénitentiaire.

6. Il résulte de l'instruction que le site Olympe de Gouges, où le syndicat requérant demande à bénéficier d'un local syndical en vertu des dispositions de l'article 3 du décret du 28 mai 1982 citées au point 3, ne regroupe que des services relevant de l'administration centrale du ministère de la justice, y compris ceux de la direction de l'administration pénitentiaire. Il résulte des textes cités au point 5, que le comité technique compétent pour les services de l'administration centrale du ministère de la justice, y compris ceux de la direction de l'administration pénitentiaire, est le comité technique de l'administration centrale, dans lequel le syndicat requérant n'a pas de représentant et pour lequel il n'avait d'ailleurs même pas présenté de candidat. Par ailleurs, il est constant que ce syndicat ne dispose d'aucun représentant au comité technique ministériel. Si le syndicat requérant se prévaut de ce qu'il dispose d'un représentant au comité technique de l'administration pénitentiaire, il résulte de l'arrêté du 3 juin 2014 cité au point 5 que ce comité n'est pas compétent pour les services de son administration centrale. La circonstance que les représentants du syndicat requérant ne disposeraient pas, faute de bénéficier d'un local, de toutes les facilités matérielles pour participer dans des conditions satisfaisantes aux réunions de ce comité, qui se tiennent sur le site Olympe de Gouges, pour regrettable qu'elle soit, n'est pas à elle seule, en l'absence de toute situation particulière d'urgence, de nature à caractériser une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté syndicale.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la garde des sceaux, ministre de la justice, est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande du syndicat requérant. Il y a lieu, par suite, d'annuler l'ordonnance attaquée et de rejeter la demande présentée par le syndicat national pénitentiaire des surveillants non gradés, y compris les conclusions présentées par ce syndicat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : L'ordonnance n° 1914056/9 du 9 juillet 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Paris est annulée.

Article 2 : Les conclusions du syndicat national pénitentiaire des surveillants non gradés sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la garde des sceaux, ministre de la justice, et au syndicat national pénitentiaire des surveillants non gradés.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 433008
Date de la décision : 09/08/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 09 aoû. 2019, n° 433008
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP RICARD, BENDEL-VASSEUR, GHNASSIA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:433008.20190809
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