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24/07/2019 | FRANCE | N°430770

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 24 juillet 2019, 430770


Vu la procédure suivante :

La société SOTOURDI a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 9 février 2017 par lequel le préfet de l'Aveyron a fixé à 3 779 958 euros le montant de l'astreinte administrative due par cette société au titre de l'exploitation commerciale illicite d'une surface commerciale de 514,28 m2 à Saint-Affrique pour la période du 13 juillet au 31 août 2016. A l'appui de cette demande, cette société a produit un mémoire, enregistré le 16 avril 2018 au greffe du tribunal administratif, en application de l'article 23-1 de l'or

donnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel elle soulève une ques...

Vu la procédure suivante :

La société SOTOURDI a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 9 février 2017 par lequel le préfet de l'Aveyron a fixé à 3 779 958 euros le montant de l'astreinte administrative due par cette société au titre de l'exploitation commerciale illicite d'une surface commerciale de 514,28 m2 à Saint-Affrique pour la période du 13 juillet au 31 août 2016. A l'appui de cette demande, cette société a produit un mémoire, enregistré le 16 avril 2018 au greffe du tribunal administratif, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel elle soulève une question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance n° 1703477 du 13 mai 2019, enregistrée le 15 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la sixième chambre du tribunal administratif de Toulouse, avant qu'il soit statué sur la demande de la société Sotourdi, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 752-23 du code de commerce.

Dans la question prioritaire de constitutionnalité transmise, la société Sotourdi soutient que l'article L. 752-23 du code de commerce, applicable au litige, méconnaît le principe de clarté et l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ainsi que les principes de nécessité et de proportionnalité des peines.

Par un mémoire, enregistré le 18 juin 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie et des finances soutient que les conditions posées par l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies et en particulier que la question ne présente pas un caractère sérieux.

Par un nouveau mémoire, enregistré le 25 juin 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Sotourdi soutient que l'article L. 752-23 du code de commerce, applicable au litige, porte une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de commerce ;

- la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Yaël Treille, auditeur,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 10 juillet 2019, présentée par la société Sotourdi ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Aux termes du troisième alinéa de l'article L. 752-23 du code de commerce, dans sa rédaction résultant de la loi du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises : " Le préfet peut mettre en demeure l'exploitant concerné soit de fermer au public les surfaces de vente exploitées illégalement en cas de création, soit de ramener sa surface commerciale à l'autorisation d'exploitation commerciale accordée par la commission d'aménagement commercial compétente, dans un délai d'un mois. Sans préjudice de l'application de sanctions pénales, il peut, à défaut, prendre un arrêté ordonnant, dans le délai de quinze jours, la fermeture au public des surfaces de vente exploitées illicitement, jusqu'à régularisation effective. Ces mesures sont assorties d'une astreinte journalière de 150 euros par mètre carré exploité illicitement. "

3. La société requérante soutient que les dispositions de l'article L. 752-23 du code de commerce méconnaissent l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, en ce qu'elles ne précisent pas si le préfet peut moduler le montant de l'astreinte administrative. Elle soutient en outre que, dans l'hypothèse où le préfet serait tenu de liquider le montant de l'astreinte à 150 euros par mètre carré exploité illicitement, ces dispositions méconnaissent le principe de nécessité et de proportionnalité des peines.

4. En premier lieu, la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution. En deuxième lieu, l'astreinte instituée par les dispositions de l'article L. 752-23 du code de commerce, qui a pour finalité de contraindre la personne qui s'y refuse à exécuter les obligations auxquelles la mise en demeure adressée par le préfet la soumet, ne saurait être regardée comme une peine ou une sanction au sens de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen 1789.

5. Enfin, si dans un mémoire enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société requérante soutient que les dispositions de l'article L. 752-23 du code de commerce portent une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre cette question, qui n'a pas été soumise au tribunal administratif, ne peut être présentée pour la première fois devant le Conseil d'Etat.

6. Il résulte de tout ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par le tribunal administratif de Toulouse.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Sotourdi, au Premier ministre et au ministre de l'économie et des finances.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel ainsi qu'au tribunal administratif de Toulouse.


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 430770
Date de la décision : 24/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Publications
Proposition de citation : CE, 24 jui. 2019, n° 430770
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Yaël Treille
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:430770.20190724
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