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12/07/2019 | FRANCE | N°431906

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 12 juillet 2019, 431906


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 24 juin et 11 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les associations Union fédérale des consommateurs - Que Choisir (UFC - Que Choisir) et Consommation, Logement et Cadre de Vie (CLCV) demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution des décisions du 28 mai 2019 par lesquelles le ministre d'Etat, ministre de la transition écologiqu

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Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 24 juin et 11 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les associations Union fédérale des consommateurs - Que Choisir (UFC - Que Choisir) et Consommation, Logement et Cadre de Vie (CLCV) demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution des décisions du 28 mai 2019 par lesquelles le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et le ministre de l'économie et des finances ont fixé les tarifs réglementés de vente de l'électricité applicables aux consommateurs résidentiels en France métropolitaine continentale, les tarifs réglementés de vente de l'électricité applicables aux consommateurs non résidentiels en France métropolitaine continentale, les tarifs réglementés de vente de l'électricité applicables dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental et les tarifs de cession de l'électricité aux entreprises locales de distribution, ainsi que des décisions implicites par lesquelles les mêmes ministres ont approuvé les propositions de tarifs résultant de la délibération de la Commission de régularisation de l'énergie du 7 février 2019.

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la condition d'urgence est remplie dès lors que les décisions attaquées portent une atteinte grave et immédiate aux intérêts des consommateurs bénéficiant des tarifs réglementés en ce qu'elles impliquent une hausse de leur facture annuelle d'électricité d'environ 85 euros et alors qu'aucune mesure d'aide n'a été prévue en faveur des personnes aux revenus modestes ou en situation de précarité énergétique, le montant du chèque énergie attribué en 2019 ne permettant pas de compenser cette hausse ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées dès lors, d'une part, que le calcul des tarifs repose sur la prise en compte d'un coût d'approvisionnement non prévu par l'article L. 337-6 du code de l'énergie qui définit la méthode de détermination des tarifs réglementés dite " par empilement des coûts ", d'autre part, que les modalités de calcul des tarifs retenues ont pour effet de modifier le montant des droits d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique associés aux différents profils de consommation des clients aux tarifs réglementés et, enfin, que ces décisions ont été prises en méconnaissance de l'objectif d'intérêt économique général de stabilité des prix.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2019, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens soulevés par les associations UFC - Que Choisir et CLCV ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juillet 2019, la Commission de régulation de l'énergie conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie, que les conclusions dirigées contre les décisions implicites par lesquelles les ministres chargés de l'énergie et de l'économie ont approuvé les propositions de tarifs résultant de sa délibération du 7 février 2019 sont irrecevables, dès lors que les décisions expresses du 28 mai 2019 s'y sont substituées, et que les moyens soulevés par les associations UFC - Que Choisir et CLCV ne sont pas fondés.

Par une intervention, enregistrée le 9 juillet 2019, l'Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (ANODE) demande au Conseil d'Etat de rejeter la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens soulevés par les associations UFC - Que Choisir et CLCV ne sont pas fondés.

Par une intervention, enregistrée le 10 juillet 2019, la société Electricité de France (EDF) demande au Conseil d'Etat de rejeter la requête. Elle soutient que les moyens soulevés par les associations UFC - Que Choisir et CLCV ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'énergie ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, les associations UFC - Que Choisir et CLCV, d'autre part, le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, le ministre de l'économie et des finances, la Commission de régulation de l'énergie, la société EDF et l'ANODE ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 11 juillet 2019 à 15 heures, au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Pinatel, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat des associations UFC - Que Choisir et CLCV ;

- les représentants des associations UFC - Que Choisir et CLCV ;

- le représentant du ministre de l'économie et des finances ;

- les représentants du ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire ;

- les représentants de la Commission de régulation de l'énergie ;

- Me Molinié, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la société EDF et les représentants de cette société ;

- les représentantes de la société EDF ;

- les représentants de l'ANODE ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a clôt l'instruction ;

Considérant ce qui suit :

1. La société EDF et l'ANODE justifient, chacune, d'un intérêt suffisant au maintien des décisions attaquées. Leurs interventions sont, par suite, recevables.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.

3. Aux termes de l'article L. 337-4 du code de l'énergie : " La Commission de régulation de l'énergie transmet aux ministres chargés de l'économie et de l'énergie ses propositions motivées de tarifs réglementés de vente d'électricité. La décision est réputée acquise en l'absence d'opposition de l'un des ministres dans un délai de trois mois suivant la réception de ces propositions. Les tarifs sont publiés au Journal officiel. (...) ". Sur le fondement de ces dispositions, le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et le ministre de l'économie et des finances ont, par décisions du 28 mai 2019, fixé les tarifs réglementés de vente de l'électricité et les tarifs de cession de l'électricité aux entreprises locales de distribution applicables à compter du 1er juin 2019, conformément à la proposition de la Commission de régulation de l'énergie du 7 février 2019. Par la présente requête, les associations UFC - Que Choisir et CLCV demandent la suspension de ces décisions, ainsi que celle des décisions par lesquelles les propositions de tarifs de la Commission de régularisation de l'énergie ont été acquises en l'absence d'opposition des ministres dans un délai de trois mois suivant leur transmission.

4. Les associations UFC - Que Choisir et CLCV font valoir que la hausse des tarifs réglementés de vente de l'électricité résultant des décisions attaquées, directement applicable à compter du 1er juin 2019 à environ 25 millions de sites résidentiels et 3 millions de sites professionnels, représente une augmentation moyenne de la facture d'électricité de ces consommateurs de 85 euros par an, qui n'est compensée par aucune mesure d'aide adéquate en faveur des ménages en situation de précarité. La Commission de régulation de l'énergie indique que l'augmentation annuelle de la facture d'électricité qui résulte des décisions contestées est comprise entre 27,70 euros, pour les clients résidentiels ayant souscrit l'option tarifaire de base avec une puissance de 6 kVA et une consommation de 3 500 kWh, et 90,90 euros, pour les clients résidentiels ayant souscrit l'option tarifaire " heures pleines/heures creuses " avec une puissance de 9 kVA et une consommation de 8 500 kWh. Le ministre de l'économie et des finances fait valoir que cette hausse est compensée, pour les ménages aux revenus modestes, par la revalorisation de 50 euros du montant du chèque énergie à compter du 1er janvier 2019. Dans ces conditions, l'augmentation des tarifs réglementés de vente de l'électricité résultant des décisions litigieuses ne permet pas de caractériser une atteinte suffisamment grave et immédiate aux intérêts des consommateurs que défendent les associations requérantes, dès lors au surplus que le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, sera normalement en mesure de se prononcer sur la requête en annulation avant la fin de l'année.

5. Il résulte de ce qui précède que la condition d'urgence ne peut être regardée comme remplie. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête ni sur l'existence d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées, la requête des associations UFC - Que Choisir et CLCV doit être rejetée. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

O R D O N N E :

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Article 1er : Les interventions de la société EDF et de l'ANODE sont admises.

Article 2 : La requête des associations UFC - Que Choisir et CLCV est rejetée.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée aux associations Union fédérale des consommateurs - Que Choisir et Consommation, Logement et Cadre de Vie, au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, au ministre de l'économie et des finances et à la Commission de régulation de l'énergie.

Copie en sera adressée à la société Electricité de France et à l'Association nationale des opérateurs détaillants en énergie.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 431906
Date de la décision : 12/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 12 jui. 2019, n° 431906
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL ; SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:431906.20190712
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