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10/07/2019 | FRANCE | N°423347

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 10 juillet 2019, 423347


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 16 août 2018 et le 3 juin 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision notifiée le 19 juillet 2018 par laquelle la commission d'avancement prévue à l'article 34 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, réunie les 4, 5, 11 et 12 juin, a émis un avis défavorable à sa demande d'intégration directe dans la magistrature présentée sur le fondemen

t de l'article 23 de la même ordonnance ;

2°) de prononcer l'invalidation de l...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 16 août 2018 et le 3 juin 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision notifiée le 19 juillet 2018 par laquelle la commission d'avancement prévue à l'article 34 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, réunie les 4, 5, 11 et 12 juin, a émis un avis défavorable à sa demande d'intégration directe dans la magistrature présentée sur le fondement de l'article 23 de la même ordonnance ;

2°) de prononcer l'invalidation de la liste des lauréats établie par cette commission ;

3°) d'ordonner à la garde des sceaux, ministre de la justice, d'autoriser son admission en stage probatoire dès la prochaine rentrée à l'Ecole nationale de la magistrature ;

4°) à titre subsidiaire, de lui ordonner de procéder à un nouvel examen de sa candidature à une intégration directe dans la magistrature ;

5°) de lui enjoindre d'exécuter les décisions ordonnées, sous astreinte de 5000 euros par jour de retard ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983

- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;

- l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Calothy, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. En vertu des dispositions de l'article 23 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : " Peuvent être nommés directement aux fonctions du premier grade de la hiérarchie judiciaire : - /1° Les personnes remplissant les conditions prévues à l'article 16 et justifiant de quinze années au moins d'exercice professionnel les qualifiant particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires (...) ". En vertu de l'article 25-2 de la même ordonnance, les nominations à ce titre interviennent après avis conforme de la commission d'avancement prévue à l'article 34 de l'ordonnance.

2. M.A..., inspecteur des finances publiques à la direction générale des finances publiques, a déposé une demande d'intégration dans le corps judiciaire sur le fondement de l'article 23 de l'ordonnance du 22 décembre 1958. La commission d'avancement a émis un avis défavorable sur cette demande. M. A...en demande l'annulation pour excès de pouvoir.

Sur la légalité externe :

3. En premier lieu, si la décision attaquée a été notifiée à M. A...par un courrier du procureur général près la cour d'appel de Paris du 19 juillet 2018, il ressort des pièces du dossier qu'elle a été compétemment prise par la commission d'avancement qui s'est réunie les 4, 5, 11 et 12 juin 2018.

4. En second lieu, la commission d'avancement a pu légalement statuer au vu d'un rapport en date du 25 janvier 2018 du procureur général près la cour d'appel de Paris, établi à la suite d'un entretien avec le candidat.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 31-1 du décret du 7 janvier 1993 pris pour l'application de l'ordonnance du 22 décembre 1958, lorsqu'elle statue en application notamment de l'article 25-2 de ce dernier texte, " la commission prévue à l'article 34 de cette ordonnance peut, si elle l'estime nécessaire au vu du dossier d'un candidat, procéder à une audition de ce dernier ou désigner à cette fin un ou plusieurs de ses membres ". Il en résulte que la commission d'avancement a pu décider de ne pas procéder à l'audition du requérant, le rejet d'une candidature par cette commission n'étant pas, au demeurant, au nombre des mesures qui ne peuvent légalement intervenir sans que l'intéressé ait été mis à même de faire valoir ses observations. Ainsi, le requérant n'est pas fondé à invoquer une méconnaissance sur ce point des droits de la défense.

6. En quatrième et dernier lieu, aucune disposition du code des relations entre le public et l'administration ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n'imposent que l'avis rendu par la commission d'avancement soit motivé.

Sur la légalité interne :

7. En premier lieu, il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction. Cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes. S'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

8. Il ressort des pièces du dossier que le rapport du 25 janvier 2018 du procureur général près la cour d'appel de Paris, qui figurait dans le dossier soumis à la commission d'avancement, relate des faits évoqués lors de l'entretien avec le candidat relatifs à son origine sociale, nationale, à son état de santé et à son handicap. Ces éléments, qui ont été spontanément communiqués par le requérant dans le cadre d'une discussion générale portant sur son parcours professionnel et personnel, sans que les commentaires du rapport ne fassent apparaître d'appréciations ou mentions défavorables au candidat, ne permettent pas de faire présumer une atteinte au principe de non-discrimination. Ils ne révèlent, par eux-mêmes, ni une méconnaissance du principe d'égal accès aux emplois publics ou d'égal traitement des fonctionnaires, ni une méconnaissance du droit au respect de la vie privée, ni une atteinte au secret médical. .

9. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la commission d'avancement, que le législateur organique a entendu investir d'un large pouvoir d'appréciation de l'aptitude des candidats à exercer les fonctions de magistrat, aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en émettant un avis défavorable à la candidature de l'intéressé au motif qu'il était insuffisamment préparé à un accès à la magistrature. Le moyen tiré de la méconnaissance de la liberté d'entreprendre doit, par suite et en tout état de cause, être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède que la requête de M. A...doit être rejetée, y compris ses conclusions accessoires et celles relatives aux frais de l'instance.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 423347
Date de la décision : 10/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 2019, n° 423347
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine Calothy
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:423347.20190710
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