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10/07/2019 | FRANCE | N°418911

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 10 juillet 2019, 418911


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 12 mars 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association des accidentés de la vie et l'Association des paralysés de France demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Premier ministre sur leur demande tendant à ce que soit adopté l'arrêté prévu par l'article R. 4214-28 du code du travail, tel qu'issu du décret n° 2009-1272 du 21 octobre 2009 ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre de prendre c

et arrêté, sous astreinte de 250 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la char...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 12 mars 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association des accidentés de la vie et l'Association des paralysés de France demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Premier ministre sur leur demande tendant à ce que soit adopté l'arrêté prévu par l'article R. 4214-28 du code du travail, tel qu'issu du décret n° 2009-1272 du 21 octobre 2009 ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre de prendre cet arrêté, sous astreinte de 250 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la Convention relative au aux droits des personnes handicapées, signée à New-York le 30 mars 2007 ;

- la directive n° 2000/78 CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité en matière d'emploi et de travail ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 ;

- le décret n° 92-332 du 31 mars 1992 ;

- le décret n° 2008-244 du 7 mars 2008 ;

- le décret n° 2009-1272 du 21 octobre 2009 ;

- l'arrêté du 27 juin 1994 relatif aux dispositions destinées à rendre accessibles les lieux de travail aux personnes handicapées pris en application de l'article R. 235-3-18 du code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Calothy, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public ;

1. Aux termes de l'article L. 111-7 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction en vigueur : " Les dispositions architecturales, les aménagements et équipements intérieurs et extérieurs des locaux d'habitation, qu'ils soient la propriété de personnes privées ou publiques, des établissements recevant du public, des installations ouvertes au public et des lieux de travail doivent être tels que ces locaux et installations soient accessibles à tous, et notamment aux personnes handicapées, quel que soit le type de handicap, notamment physique, sensoriel, cognitif, mental ou psychique, dans les cas et selon les conditions déterminés aux articles L. 111-7-1 à L. 111-7-3. Ces dispositions ne sont pas obligatoires pour les propriétaires construisant ou améliorant un logement pour leur propre usage. " S'agissant de l'accessibilité des lieux de travail, le décret du 31 mars 1992 modifiant le code du travail a créé un article R. 235-3-18 dans le code du travail, repris aux articles R. 4214-26 et suivants du même code à compter du 1er mai 2008. Son dernier alinéa, devenu l'article R. 4214-28, renvoie à un arrêté des ministres chargés du travail, de l'agriculture et de la construction la définition des modalités d'application de ses dispositions. C'est l'objet de l'arrêté du 27 juin 1994 relatif aux dispositions destinées à rendre accessibles les lieux de travail aux personnes handicapées pris en application de l'article R. 235-3-18 du code du travail.

2. L'article 1er du décret du 21 octobre 2009 relatif à l'accessibilité des lieux de travail aux travailleurs handicapés a remplacé les articles R. 4214-26 à R. 4214-28 du code du travail par de nouvelles dispositions, qui modifient les obligations d'accessibilité des lieux de travail aménagés dans un bâtiment neuf ou dans la partie neuve d'un bâtiment existant. En vertu de l'article R. 4214-26, dans sa nouvelle rédaction : " Les lieux de travail sont considérés comme accessibles aux personnes handicapées lorsque celles-ci peuvent accéder à ces lieux, y circuler, les évacuer, se repérer, communiquer, avec la plus grande autonomie possible ". L'article R. 4214-28, dans sa nouvelle rédaction, dispose que : " Un arrêté des ministres chargés du travail, de l'agriculture et de la construction détermine les modalités d'application propres à assurer l'accessibilité des lieux de travail en ce qui concerne, notamment, les circulations horizontales et verticales, les portes et les sas intérieurs, les revêtements des sols et des parois, les dispositifs d'éclairage et d'information, le stationnement automobile. " Les associations requérantes demandent l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le Premier ministre sur leur demande tendant à la publication de cet arrêté.

3. L'exercice du pouvoir règlementaire comporte non seulement le droit, mais aussi l'obligation de prendre dans un délai raisonnable les mesures qu'impliquent nécessairement la loi ou, si ce pouvoir est délégué au ministre, les décrets pris pour son application, hors le cas où le respect des engagements internationaux y ferait obstacle. Des dispositions règlementaires déjà en vigueur à la date d'édiction des dispositions nouvelles et qui ne sont pas incompatibles avec elle, satisfont à cette obligation dès lors qu'elles suffisent à en assurer l'application.

4. Si, d'une part, l'article R. 4214-26 du code du travail, dans sa rédaction issu du décret du 21 octobre 2009, étend le champ des exigences propres à l'accessibilité des lieux de travail pour les personnes handicapées, en particulier en y incorporant la faculté de se repérer et de communiquer, et imposent que cette faculté s'exerce avec la plus grande autonomie possible et si, d'autre part, l'article R. 4214-28 du même code précise le contenu de l'arrêté que doivent prendre les ministres chargés du travail, de l'agriculture et de la construction pour déterminer les modalités d'application propres à assurer l'accessibilité des lieux de travail, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 27 juin 1994, qui n'est pas incompatible avec ces dispositions nouvelles, comporte des modalités d'application qui permettent d'assurer l'application des dispositions nouvelles issues du décret du 21 octobre 2009, sans que les associations requérantes critiquent son insuffisance à cet égard. Ainsi, le moyen tiré de ce que les ministres compétents auraient dû prendre un nouvel arrêté pour permettre l'application des dispositions des articles R. 4214-26 à 4214-28 issues de ce décret doit être écarté. Il en est de même, par voie de conséquence et en tout état de cause, des moyens tirés de la méconnaissance, pour la même raison, du cinquième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère la Constitution du 4 octobre 1958, de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité en matière d'emploi et de travail.

5. Il résulte de ce qui précède que les associations requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision attaquée. Leurs conclusions à fin d'injonction ne peuvent, par suite, qu'être également rejetées, ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de l'Association des accidentés de la vie et de l'Association des paralysés de France est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Association des accidentés de la vie, première requérante dénommée, au Premier Ministre et à la ministre du travail.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 418911
Date de la décision : 10/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 2019, n° 418911
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine Calothy
Rapporteur public ?: M. Louis Dutheillet de Lamothe

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2019:418911.20190710
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